s’attaquer par petits détachements, et elles" se sépareront
après quelques heures, n’ayant peut-être
que 60 ou 100 hommes hors de combat par le
seul effet des javelines. Si les attaques et les contre-
attaques ont été vivement menées, la journée passera
pour avoir été chaude. Les dallas, dans leurs
guerres entre eux, se séparent après une perte bien
moindre quelquefois, et le combat n’en a pas moins
des résultats politiques importants; les chrétiens,
cherchant davantage à s’aborder le sabre à la
main, s’entretuent bien plus. Les dallas musulmans
du Wollo passent-pour les plus habiles à'cette tactique;
ils reprochent aux cavaliers chrétiens de s’entre-
tuer, sans discernement ni science, de se colleter en
rustres avec la cavalerie, de s’aheurter contre l’infanterie,
de l’enfoncer parfois, il est vrai, mais
comme- le feraient des goujats, par la seule et bestiale
impulsion de leurs montures, sacrifiant ainsi
leurs meilleurs chevaux et leurs plus braves cavaliers;
et pour confirmer leur appréciation, ils rappellent
les désastres sanglants qu’avec leur manière
éclectique de combattre, ils ont fait éprouver aux
armées des Ras du Bégamdir en particulier, ces
succès ne leur ayant coûté que des pertes insignifiantes.
Cetté prédilection pour une façon de combattre qui
fait de la fuite un moyen essentiel, prévaut chez presque
tous les peuples orientaux. Ils admirent sans doute
l’homme énergique qui se pose résolument en obstacle
contre un péril pour l’arrêter ou périr, mais ils admirent
bien davantage celui qui, surmontant l’ivresse qu’occasionne
le péril, sait ruser avec lui, c’est-à-dire disposer
avec jugement et économie de ses moyens d’action.
L’Éthiopien prend pour type du premier genre de courage
le taureau ou le bélier, que leur énergie inintelligente
et aveugle porte à exposer du premier coup, en
se heurtant front contre front, i le centre physiologique
de leur vie; il symbolise le second par le lion, bien plus
intelligent, dit-il, qui, lui, circonvient cauteleusement
ses victimes, fuyasse, se flâtre et se tapit, avant de se .
dresser en hérissant sa crinière et d’user de sa force,
sans rivale cependant; l’homme perd sa valeur, ajoute-
t-il, s’il s’abandonne à l’ivresse, que ce soit celle du
combat ou celle de l’hydromel.
Cette manière des Éthiopiens d’envisager la guerre
est malheureusement loin d’en avoir épuré les lois et
banni les brutalités, comme le prouve la coutume barbare
de l’éviration; cependant, il ne faut point conclure
de cette déplorable coutume à la férocité de ceux qui
l’ont adoptée. Les Éthiopiens chrétiens font la guerre
avec assez d’humanité, surtout si on les compare à leurs
voisins musulmans, les Gallas du Wollo, les A.dals, les
Taltals et les Chaawis, et même aux Gallas païens et
aux Changallas ou nègres, qui passent pour être moins
cruels que ceux-ci.
Les Éthiopiens sont braves. Il serait peu prudent
de dire à quel degré ils le sont ; car si tant de races et
de nations s’attribuent chacune en particulier la faculté
de savoir le mieux affronter la mort, il en est
heureusement peu qui n’aient quelques titres à cette
supériorité, comme, heureusement aussi, il n’en est
aucune qui puisse avec justice en revendiquer le monopole,
tant de nations ayant été les plus braves,
selon les temps, les lieux ou les mobiles!
Il semble qu’on doive ranger parmi les actes qui
décèlent le plus la personnalité de l’homme, celui de
défendre sa vie ou d’attaquer celle de son semblable.
Bien des déguisements et des conventions tombent
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