labré où, il y a un siècle, sa famille ftorissait à l’abri
du trône impérial. Il me proposa de monter au haut
de la tour, afin d’y jouir du point de vue, quoique le
eieerone prétendît que l’ascension était périlleuse : de
l’escalier, en plusieurs endroits, il ne restait que la
cale. Nous atteignîmes néanmoins la plate-forme;
Birro s’épanouit. Les factionnaires laissés au pied de
la tour cherchaient à éloigner une troupe d’environ
deux cents marchands musulmans.
— Ces trafiquants, d it-il, viennent sans doute
réclamer contre mes soldats.
Un corbeau vint se poser sur le faîte d’un arbre en
face de nous. (On dit vulgairement que quand un corbeau
apparaît seul, c’est un mauvais présage). Birro
se saisit du pistolet que j’avais à la ceinture et laissa
errer sa main armée dans la direction des Musulmans,
tout en détournant la tête pour parler avec
moi ; les Musulmans, épouvantés, se dispersèrent sous
les arbres.
— Si je tue ce corbeau, dit Birro, c’est que je
devrai un jour rentrer dans les possessions de mes
ancêtres : je régnerai; tu feras venir de ton pays des
gens qui bâtissent à la chaux, nous nous élèverons de
belles demeures, nous les léguerons à nos neveux, et
notre amitié aura ainsi un signe dans l’avenir.
J’arrêtai son bras, en lui représentant que le corbeau
perchait un peu loin et qu’il ne devait point
risquer de manquer son coup devant tant de'gens.
— C’est juste, c’est justç, dit-il.
Et le bras sur mon cou, il m’entraîna jusqu’au
rebord de là tour, pour faire juger à tout le monde,
disait-il, du degré d’amitié qu’il avait pour moi.
— Par la mort de Gruoscho ! ajouta-t-il, ne Suis-je
pas un homme fortuné de pouvoir réclamer de pareils
palais comme ayant appartenu à mes aïeui? Les faucons
hésiteraient avant de se poser ici, et tu viens
de Jérusalem pour y monter avec moi! Je suis jeune,
et Dieu m’a décoré de la victoire ! Cependant je crois
pressentir quelque revers. Mais Notre-Dame y pourvoira,
en souvenir des mérites de mon aïeule, et toi,
fils-de ma mère, tu seras à mes côtés;
Peu à peu son étreinte cessa, son bras se retira de
moi, son regard changea d’expression et il descendit
en silence. En bas, il me dit à l’oreille ;
Comme c’est bon de vivre haut et loin de terre!
Il fit approcher les Musulmans; l’un d’eux prit la
parole pour dire que leur quartier était mis à sac par
ses soldats, et qu’ils venaient se réfugier auprès de
lui. Il appuya sa supplique d’un cadeau de deux burilés
pleins de poivre noir et d’une pèlerine de guerre en
drap rouge, ajoutant que ce qu’il y avait d’imprévu dans
leur démarche et le désordre dans lequel ils étaient
devaient faire excuser la modicité de leur offrande.
Que Dieu vous le rende ! leur dit Birro.
Et il monta précipitamment à cheval et partit
au galop pour le Salamgué ou quartier musulman.
J’arrivai sur la place du marché quelques instants
après lui; ses soldats fuyaient de toutes parts,
en lâchant leur butin. L’un d’eux fixa sa poursuite;
lu malheureux, pour alléger sa course, abandonna
jusqu’à son bouclier et. sa javeline. Encore quelques
bonds "et il était à l’abri derrière des rochers, lorsque
le javelot de Birro l’atteignit; il tomba percé
d’outre en outre. La population musulmane - poussa
des cris de joie, tandis ' que le servant d’armes du
Prince ramassait le javelot sanglant de son maître.
Tous les pillards fuyaient dans la campagne et reprenaient
la route du camp. Birro demanda sa mule,