levaient contre lui la réprobation nationale. Les
cas les plus dangereux, heureusement peu communs,
étaient ceux où quelques-unes de ces bandes de soldats,
passant du service d’un Dedjazmatch à celui
d’un autre, recevaient l’hospitalité pour une nuit, et
faisaient naître quelque prétexte pour piller les citadins.
Les religieux sommaient alors le Polémarque
de la province, sous peine d’excommunication, de
poursuivre les violateurs, et enjoignaient à tout chrétien
de leur refuser l’eau, le feu, la nourriture, l’abri,
et de désigner le chemin qu’ils avaient pris. Pour
éviter de périr par le fer, les coupables se dispersaient
ordinairement devant l’animadversion générale.
Justice faite, ces ermites, parmi lesquels on
voyait souvent la personnification héroïque des
vertus chrétiennes et de la conscience publique, s’en
retournaient à leurs déserts, laissant derrière eux
une trace bienfaisante.
On ne peut s’empêcher de reconnaître chez ces
religieux, séparés de l’unité chrétienne par le fait
plutôt que par la volonté, une piété et des vertus
incontestables; leur détachement, leur dénûment de
tout ce qui excite les convoitises des hommes, leur
donnent un ascendant, accru souvent du souvenir de
leur vie passée. On trouve -parmi eux beaucoup
d’hommes appartenant aux premières familles, d’anciens
notables, des soldats ou des chefs célèbres, qui,
à -la suite de quelque grand chagrin ou d’un retour
subit sur eux-mêmes, ont quitté famille, dignités,
rang, fortune et jusqu’à leur nom, pour prendre
l’habit religieux et aller vivre d’austérités dans les
cavernes ou les hernes les plus sauvages. Quelques-
uns s’entourent, pour disparaître, de précautions
telles que leurs meilleurs amis perdent leur trace,
jusqu’au jour où ceux-ci, frappés par quelque infortune,
un chevrier, un pâtre ou quelque paysan
leur apporte de la part d’un moine inconnu des encouragements
et des conseils trahissant une vieille
intimité. Quelquefois une catastrophe publique leur
fournira l’occasion de reconhaître, parmi des religieux
accourus au secours de quelque principe social,
celui dont ils regrettent la perte depuis des
années. Ces ermites se présentent quelquefois dans
les camps, où, la veille encore, les trouvères chantaient
leurs exploits militaires, leurs actes de folle
générosité, et l’on comprend avec quelle émotion
leurs anciens compagnons d’armes ou leurs anciens
adversaires les revoient, dépouillés de tout l’appareil
qui faisait leur recherche et leur orgueil, et leur
entendent dire : « 0 frères, qui êtes encore dans
le rêve dont nous sommes sortis, nous vous en
supplions, ouvrez un instant les yeux et considérez
ce qui nous amène. »
Bien avant la chute de l’Empire, le clergé séculier,
par la double raison de son origine presque exclusivement
plébéienne, et de cet esprit de véritable liberté
qu’inspire le christianisme, se prononça énergiquement
en faveur des communes, qui, grâce aussi au
concours que leur demandaient les chefs de guerre,
reprirent dans plusieurs provinces l’usage de leurs
libertés. De plus, par son enseignement de l’histoire,
du droit *écrit, de la grammaire, de l’éloquence et
de hi théologie, le clergé maintint^une morale chrétienne,
les vertus civiques qui en découlent, la pureté
de la langue, les traditions et l’esprit nationah
On a vu qu’à l’exemple du Bas-Empire, et encouragé
par quelques Empereurs, le clergé s’était adonné
aux subtilités théologiques; il n’avait pas tardé à se