de quelque cavalier trop curieux. Une heure après,
l’on trouve des hommes à cheveux blancs, accroupis
en cercle : ce sont les Anciens îjui délibèrent
ou ressassent quelque affaire de la commune; ou
bien, à l’ombre d’un arbre, une assemblée d’hommes
assis, écoutant les plaidoyers des parties debout;
ou bien des prêtres, vêtus de toges et de turbans
blancs, à la physionomie calme et prospère; ou des
laboureurs demi-nus, courbés sur la charrue et excitant
leurs boeufs avec de longs fouets ; ou une fde
de sarcleuses agenouillées sur le sillon; ou une caravane
de trafiquants, haletants à la suite de leurs
bêtes de somme; ou une troupe de paysans armés
et de paysannes se rendant à un marché lointain;
ou des femmes revenant de la source et pliant ,sous
leurs amphores rebondies; ou une compagnie de
mendiants lépreux qui parcourent les provinces,
chantant en choeur des complaintes, des pièces de
poésie satiriques; ou une nombreuse troupe clameuse
de paysans bien armés, conduisant une nouvelle
mariée au village de son époux; ou quelque trouvère
voyageant, la guzla sur l’épaule, le sabre au
côté, toujours prêt à bavarder ou à chanter ses
bouts-rimés; ou quelque chef cheminant avec autorité,
environné de ses fantassins et de ses cavaliers
causant avec lui.
Avec tout ce monde, on échange des saluts, où
se trouve toujours mêlé le nom du Créateur.
A en croire leurs annales, les Éthiopiens auraient
vécu, dès la plus haute antiquité, sous le régime féodal,
avec un Atsé ou Empereur pour suzerain suprême.
Leurs traditions confirment cette donnée,
mais elles mentionnent des séditions, des bouleversements
et des interrègnes amenés par les fautes de
l’aristocratie, du clergé, quelquefois du peuple, et
plus souvent par les excès des# prétentions impériales.
Selon les traditionnistes, quelques portions de
l’Empire auraient essayé d’autres formes de gouvernement,
mais toujours entées sur leurs formes féodales.
Us auraient,- tour à tour, érigé des royautés,
des oligarchies, et, désespérant de le trouver sur la
terre, ils auraient été chercher dans le ciel le gardien
suprême de leurs intérêts ici-bas, en nommant
tel saint ou tel archange comme chef inspirateur
de toüs les pouvoirs. Mais quelles qu’aient été
ces tentatives, de quelque côté que ce peuple se
soit retourné sur son lit de douleur social, il n’aurait
jamais abandonné l’ordonnance féodale proprement
dite.
Du reste, le mot de féodalité est un de ceux
dont la portée a changé suivant ^es temps et les
lieux où il a été appliqué. On a cherché à préciser
le pays où cette forme de gouvernement a surgi la
première fois. Serait-ce en Europe, des suites d’une
conquête? Serait-ce en Perse ou dans l’Inde, d’où
elle nous aurait été importée? Ou bien,, la devons-
nous à nos premiers ancêtres, les Ariens? En tous
cas, en Orient, la féodalité a toujours existé en germe
dans l’état patriarcal, où elle s’est développée diversement,
selon le temps, le lieu ou les événements.
Son éclosion est naturelle chez les peuples
pasteurs, et surtout chez les peuples agricoles, qui
n’ont pas été déformés par le despotisme, qu’ils aient
à contenir un peuple conquis, ou que les intérêts de
leur propre défense contre les dangers de l’intérieur
ou de l’extérieur leur fassent sentir l’insuffisance de
leur organisation par familles indépendantes.
Lorsque des pères ou chefs de famille, ces pre