combats et à faire parler de lui. Dis-lui que ma
chaîne me pèse.
A cet ordre, Guoscho repassa l’Abbaïe et se déclara
rebelle en Damote. Sa jeunesse, sa beauté, son
courage, la renommée de son père, redouté du
paysan, mais adoré du soldat, et surtout les respects
traditionnels que Pçn conservait pour la race impériale,
à laquelle il appartenait par sa mère, les
pieux souvenirs laissés par cette princesse qui venait
de mourir à Jérusalem, où elle était allée en
pèlerinage peu après la dernière défaite de son
mari, toutes ces causes contribuèrent à fortifier son
parti. Après plusieurs rencontres partielles, il défit
complètement le Dedjazmatch du Damote. Mais le
brave Zaoudé ne put se réjouir longtemps de la
perspective de sa délivrance : il mourut de maladie,
la neuvième année de sa captivité.
Pendant que le Dedjadj Guoscho était en Amou-
rou, les Gallas avaient voulu le tuer, afin d’empêcher,
disaient-ils, que le fils d’une chrétienne ne
tournât plus tard contre eux sa connaissance de
leurs moeurs, de leur langue et de leur état politique.
Dès qu’il fut au pouvoir, il reconnut avec
# libéralité les soins de ses protecteurs, qui, grâce à
à son appui, devinrent les premiers de leur petite
république. Mais, comme les Gallas l’avaient prévu,
il ravagea leur pays à plusieurs reprises, depuis
l’Amourou jusqu’en Touloma, et les contraignit à
cesser leurs incursions contre les frontières chrétiennes.
• Néanmoins, pendant mon séjour à Gondar,
lorsqu’il avait été bruit d’une rupture entre lui et
le Ras Ali, les Gallas avaient attaqué sur plusieurs
points les frontières du Gojam et du Damote, et
c’était pour les punir que nous nous mettions en
campagne. Le Dedjadj Guoscho n’était pas fâché
d’ailleurs d’avoir ce prétexte de guerre. Ses victoires
sur les Gallas flattaient son amour-propre plus que
toutes les autres; elles enrichissaient son pays, et,
dans le secret de sa pensée, il caressait l’espoir de
forcer un jour ce peuple païen à adopter le christianisme.
Un matin, le Prince m’engagea à choisir un
cheval parmi ceux qu’il recevait journellement en
tribut, et qu’avant de distribuer à ses. troupes, il
faisait essayer devant sa tente.
— En Gojam, me dit-il, à l’exception des ecclésiastiques,
tout homme de bonne condition a son
cheval de combat, et il ne convient pas que tu en
sois dépourvu.
Je vis quelques beaux chevaux, mais, par un
reste de discrétion européenne, je ne laissai pas
paraître qu’ils me fissent envie ; j’eusse désiré bien
davantage savoir les manier comme les cavaliers
qui les montaient, mais la libéralité du Prince ne
pouvait aller jusque-là. Un jour, pendant que le
Prince faisait sa sieste et qu’Ymer Sahalou causait
avec moi, à la porte de ma tente, en attendant le
réveil de son maître, il s’éleva un grand tumulte, et
nous vîmes arriver sur la place un beau cheval
gris-pommelé. Effrayé par l’aspect du camp, il
avançait par saccades, les crins au vent, la tête
haute, les naseaux distendus, e t entraînait avec lui
deux robustes palefreniers plutôt qu’il n’était conduit
par eux. J’oubliai un moment Ymer pour admirer
ce fougueux animal sans selle, sans couverture,
sans rien qui masquât la beauté de ses
formes.
Après le repas du soir, devant le petit cercle