nié jusqu’à là propriété et n’avaient plus devant eux
qu’une nation émiettée, qui ne leur offrait plus aucun
appui contre les partis. Comme pour précipiter l’agonie
de l’Empire, des tribus Ilmormas s’enhardirent
. et entamèrent les frontières au S. - E., prirent pied
et s’étendirent rapidement dans le Wollo et dans le
grand Damote, pendant que de tous côtés les autres
frontières se morcelaient au profit de peuplades
païenpes ou musulmanes.
Les Atsés devinrent le jouet de leurs Polémar-
ques, dont la plupart tenaient à la famille impériale
par le sang ou par leurs alliances. Déshabitués depuis
longtemps de présider à la guerre, du fond de leur
palais de Gondar, ils faisaient insidieusement res-
surgir le fantôme des libertés communales et s’ingéniaient
à opposer entre eux l’aristocratie, le clergé
et les Dedjazmatchs, dont ils subissaient de plus en
plus les insolences croissantes. Enfin un Ras ou Polé-
marque du Tegraïe vint à Gondar avec son armée,
détrôna l’empereur Joas, le fit étrangler et intronisa
son successeur. Pendant quelques années encore les
Ras, Dedjazmatchs et Polémarques de tous grades s’en-
treheurtèrent autour du palais imperial, intronisant
et détrônant leurs créatures.
Vers la fin du dernier siècle, un flot victorieux
porta l’Atsé Tekla Guiorguis sur le vieux trône : il
s’y cramponna et jeta la confusion parmi ses adversaires.
On put çroire qu’il ferait revivre le prestige
de sa famille : son intelligence cultivée, les charmes
de sa personne, son audace et ses libéralités lui
acquirent pendant quelque temps une prépondérance
incontestable. Le peuple, qui voyait avec chagrin
l’humiliation de son antique famille souveraine,
espérait, qu’il ferait appel aux anciennes constitutions.
Comme me l’ont souvent répété les indigènes,
on se serait rallié autour de lui, et les princes, les
Dedjazmatchs et tous lès aventuriers militaires, qui
s’entrebattaient pour le pouvoir, auraient été réduits
au silence. Plus d’une fois les hommes d’une commune
se sont rendus,' la nuit, . en troupe, au
camp de l’Empereur, et là, faisant entendre le cri
d’usage, sinistre et suppliant, qui annonce que des
opprimés réclament justice, ils interrompaient le
sommeil de l’Atsé et lui disaient : -— 0 notre père,
que Dieu prolonge tes jours, et que nos conseils
ne t’attristent pas, car nous te sommes soumis.
N’aie pas peur : le Roi de tes ancêtres sera avec
toi. Ne t’a-t-il pas revêtu de notre pays comme
d’un vêtement de force ? Sois rassuré et dis seulement
: ce Je vous rends les constitutions de vos
ancêtres; ¡g et pour le s . faire revivre, tes peuples
se dresseront comme une forêt sans fin, où disparaîtront
tous les voleurs de pouvoirs, ces vautours!
Et eps conseillers dévoués disparaissaient avant
le jour.
Mais Tekla Guiorguis n’osa pas, et une dernière
coalition le précipita, du trône.
Comme beaucoup de ceux qui, à quelque degré ^
qu’ils se trouvent de la hiérarchie sociale, ont eu
à portër le poids de la chute de leur famille,
l’Atse Tekla Guiorguis, que les indigènes regardent
comme leur dernier- Empereur, avait quelques-unes
de ces vertus maîtresses nécessaires à un bon
souverain.
:— Dieu, ajoutent-ils, le choisit comme victime,
pour qu’on ne pût douter qu’il punissait en lui
ses coupable^ prédécesseurs.
Cependant, il répugnait à la nation de se frac