de l’Empire,' qui croupissait dans le palais démantelé
de Gondar, ou bien, plaçant quelque nouvel
agnat sur ce trône dérisoire, il s’inclinait devant sa
propre créature et se relevait Grand Connétable.
Vers la fin du siècle dernier, le chef d’une famille
musulmane de l’Idjou, nommé Gouangoul, Ilmorma
d’origine, s’empara de l’autorité dans sa province;
son fils Guelmo lui succéda, puis Ali, surnommé
Tallag (le Grand). Celui-ci soumit les provinces de
Tohelederi, Dawont, Kallou et Delanta, voisines de
l’Idjou; il marcha contre le Bégamdir et le conquit en
une seule, bataille, sur une armée cinq ou six fois
plus nombreuse que la sienne; Dédaignant de se
faire nommer Ras, il s’intitula Imam; en conséquence,
il voulut imposer l’Islamisme à ses sujets
du Bégamdir, mais cette tentative faillit le perdre;
il y renonça; et après quelques années de règne
qu’il passa toujours à cheval, guerroyant contre ses
rivaux, il mourut, recommandant à sa famille de
respecter la foi de son peuple. Cette famille' fut
refoulée en Idjou où elle maintint son indépendance
pendant quelques années, sans pouvoir ressaisir le
Bégamdir d’une façon durable; un accident de la
fortune le rendit à Gouksa, troisième successeur
d’Ali-le-Grand. Pour se faire mieux agréer de ses
sujets, Gouksa adopta le christianisme, mais resta,
dit-on, musulman par ses sympathies. Prudent,
cauteleux, rancunier, économe, habile à dissimuler
et à contenir ses ennemis les uns par les autres, il
dut, quoique peu guerrier, faire très-souvent la
guerre, et, grâce à son habileté à choisir ses lieutenants,
elle tourna constamment à son avantage. Son
règne d’une trentaine d’années fut regardé comme
un règne de paix, de sécurité et d’ordre relatif.
Dès le début des guerres civiles, la noblesse
et les paysans avaient uni leurs intérêts ; le clergé
leur était acquis, et les communes s’étaient réveillées
de leur léthargie; la noblesse combattit pour elles,
et les paysans soutinrent leurs seigneurs, lorsque
ceux-ci opposaient quelque résistance aux volontés
des Dedjazmatchs. La féodalité reprit de la force de
l’union sincère de ses ■ deux éléments essentiels.
Afin de mieux réduire ses sujets, Gouksa s’ap- -
pliqua, comme les Empereurs, à désunir les paysans
et les nobles; mais il s’y prit en sens inverse. Les
Empereurs avaient rendu la noblesse insolente en
favorisant son luxe et ses empiétements sur les communes
; à l’exemple d’Ali-le-Grand, Gouksa- affecta
au contraire une simplicité égalitaire et une rusticité
de moeurs, qui flattaient le peuple et provoquaient
les dédains de la noblesse. Au lieu d’employer les
sommes provenant des impôts à augmenter le. luxe
de sa cour, il les entassait dans ses monts-forts. Il
aviva les' rivalités^ entre les chefs des grandes familles,
afin de se ménager des prétextes de les réprimer
et de réduire leurs prérogatives. Il tint le
clergé à l’écart des affaires, usa envers lui de formes
respectueuses, mais ne laissa échapper aucune occasion
de discréditer ses principaux membres par
une indulgence dédaigneuse. Lorsqu’il crut avoir
gagné le peuple, il résolut de déposséder ouvertement
la noblesse et inaugura cette politique par un
ban resté célèbre, qui a fait donner à la dynastie
de Gouangoul et d’Ali-le-Grand le nom de dynastie
de Gouksa. Ce ban était ainsi conçu :
« Entends, pays, entends, entends! Que l’épée '
décide contre les ennemis de notre maître! La terre
est à Dieu ; l’homme n’en saurait être qu’usu