nent à grand honneur d’offrir parfois du vin ou dê
l’eau-de-vie à leurs convives, n’eussent pris ces deux
localités sous leur protection spéciale. Pour subvenir
aux nécessités du culte, les prêtres cultivent bien
quelques pieds de vigne dans l’enceinte de quelques
églises, mais presque partout le vin de l’autel provient
des raisins secs importés de l’Arabie;
- Malgré les préceptes du Coran, mon drogman ou-,
blia toutes ses misères rien qu’à la vue de ces cornes,
tant il avait de prédilection pour leur contenu; néanmoins,
après avoir bien admiré leurs proportions monstrueuses,
je le chargeai de les reporter intactes chez le
Prince, de lui assurer que je ne buvais ni vin ni eau-
de-vie, mais que j’avais voulu retenir son cadeau quel-,
ques instants, pour conserver sous mes yeux la preuve
sensible des attentions dont il m’honorait.
Mon drogman, boudant sa soif, me rapporta une
réponse des plus aimables. Le Lik Atskou m arriva de
chez le Prince ; il rayonnait de satisfaction; on lui assigna
une tente voisine de la mienne ; nous soupâmes
de compagnie et nous nous endormîmes le plus gaîment
du monde;
Dans la matinée du lendemain, le Prince me fit dire
qu’il pouvait mé recevoir. Son camp' ressemblait par sa
disposition à celui du Dedjadj Oübié : une aggloméra-
tion de cercles de différentes grandeurs formés par les
huttes des soldats, autour de leurs chefs respectifs; au
centre de Cet assemblage, le cercle du Dedjazmatoh,
beaucoup plus large que les autres et servant comme
de place d’armes; au milieu de cette place s élevait une
hutte spacieuse, flanquée de deux tentes ou pavillons,
l’üne blanche, l’autre, moins grande, rayée de bleu et
faite, me dit-on,’de ceintures prises sur l’ennemi dans
Uïiè récente campagne au sud du Gojam; quelques
huttes et tentes;'"rangées derrière, abritaient les chevaux,
les mules et lés gens de service du Prince. La
hutte lui servait la nuit ou pendant la grande chaleur
du jour; il prenait ses repâs et présidait le conseil et
les plaids dans la tente blanche ; il se retirait dans l’autre,
lorsqu’il voulait être seul on en petit comité avec
ses amis. On me conduisit à cette derrière, et un huissier,
soulevant discrètement le rideau, m’introduisit.
Le sol était couvert de joncs frais et d’herbes odorantes
; à terre, sur une grande peau de boeuf au pelage
blanc moucheté de noir, le Dedjazmâtch à demi .couché
et accoudé sur un coussin écarlate, causait avec le
Lik, assis à la turque, sur un tapis semblable. Deüx
gentils pages de quatorze à quinze ans, un pli de la toge
sur la bouche et un chasse-mouche à la main, Se tenaient
debout, attentifs aux mouvements de leur maître;
un pieu garni de crochets, et planté derrière lui,
supportait son bouclier couvert de plaques en Vermeil
et décoré verticalement d’une large bandé de la crinière
d’un lion, ainsi que son sabre, sa javéline, son
brassard d’or et sa corne à boire, â un autre pieu
étaient suspendus un porte-missel en bois finement
sculpté, et deux étuis contenant les Psaumes et les
Évangiles, livres d’heures ordinaires dés Éthiopiens.
Les reflets bleus de la tente transpercée de sôleil, la
verdure du Soi, la blancheur dés tapis et de la toge du
Prince, l’éclat de ses armes, son grand air, les regards
discrets et curieux dé part et d’autre, le Lik, avec son
volumineux turban, la tête baissée, comme pour attendre
l’impression que je produirais sur son hôte, tout
formait un ensemble imposant, gracieux, plein de fraîcheur
et de poésie épique.
Le Prince me donna lé salut et me fit signe de
m’asseoir à côté du Lik. On introduisit mon drogman.