tout sens pavant dé figurer devant la justice, il subit
ainsi comme une instruction permanente dont il lui
est bien difficile d’éluder la clairvoyance; car comme
toute maladie violente, le mensonge a ses trêves et
ne saurait empêcher complètement la vérité de transparaître.
Ceux qui le fréquentent apprennent l’indulgence
et la pitié pour celui qui a failli et comment
la plus légère déviation du bien peut conduire
insensiblement aux plus grands écarts. On voit souvent
un coupable pleurer en écoutant Ses consolateurs,
et ceux-ci se retirer en disant : « 0 évolutions
de la conduite humaine! Que Dieu nous épargne
l’épreuve des positions difficiles ! s Les détenus politiques
qu’un Dedjazmatch a l’intention de recevoir
à résipiscence sont gardés à tour de rôle par les
chefs de confiance, à la table desquels ils sont presque
toujours admis. Souvent il arrive que ces gardiens
obtiennent la libération du prisonnier en se
portant caution pour lui. Quant à ceux dont la captivité
doit être prolongée indéfiniment, ils sont relégués
dans un montfort ou autre lieu fortifié par la
nature, où il est rare qu’on leur refuse- de faire venir
auprès d’eiix leur femme, leurs enfants en bas âge
et quelques serviteurs; en ce cas, ils demandent ordinairement
à ce qu’on remplace leur compagnon de
chaîne par. des fers aux pieds. Il n’est pas rare que
les prisonniers s’échappent des mains des seigneurs et
même des montforts les mieux gardés. Il semble que,
même du temps des empereurs, il n’ait jamais existe
de prison proprement dite, autre que les montforts;
de même que dans l’antiquité, quoique les grandes
maisons aient encore leur ergastule ou cachot pour
les esclaves et pour les enfants*
Le Prince se fit remettre les armes et le cheval
du Lidj lima, et il promit au capteur une investiture
en Damote. Les timbales de Conefo, placées à
l’aile- gauche ennemie, avaient été prises par le Ded-
jadj Birro, car depuis son investiture du Dambÿâ,
on lui donnait ce titre; son père les lui demanda
pour le Dedjadj Baria, de l’Agaw-Médir, auquel il
les avait promises. Birro refusa.
—< Si Monseigneur les voulait pour lui-même, ce
serait de grand coeur, dit-il ; mais il ferait beau voir
que ce Baria ou quiconque osât les faire battre devant
soi ; je les tiens de Dieu et de mon Dempto, et
par la mort de G-uoscho, par Notre-Dame! nous ne
les céderons à personne.
Le Prince laissa sans réponse cet orgueilleux message
; mais il ressentit vivement cette première désobéissance
publique de son fils. Quant au Dedjadj Baria,
il crut prudent de ne plus passer la nuit dans sa tente ;
il vint coucher dans une hutte de soldat près la tente
de Monseigneur, qui le lendemain obtint que Birro
lui permît de retourner en Agaw-Médir.
Deux ou trois jours après, dans un quartier peu
fréquenté du camp, j’entendis, en passant, les gémissements
d’un homme qu’on torturait; je m’arrêtai,
et le patient me cria d’intervenir en sa faveur. C’était
un nommé Meragdou-Haylou, trafiquant établi dans
la ville d’asile de Kouarata en Fouogara, et par occasion
soldat ou chasseur d’éléphant.
Quelques mois auparavant, le Prince ayant appris
que Haylou avait deux belles carabines à vendre, lui
avait expédié un homme pour les lui acheter. Soit
crainte d’indisposer le Ras Ali, dont il était le sujet,
soit toute autre raison, Haylou-avait refusé de vendre
au Dedjadj G-uoscho, et qui pis est, il avait refusé
le vivre et le couvert au messager et l’avait renvoyé