jadj Conefo et femme du Balambaras Aschebber,
que Birro retenait dans les fers depuis la bataille
de Konzoula, où le prisonnier avait été blessé. Elle
me montra la Waïzoro, assise toute seule au pied
d’un arhre et enveloppée d’une toge grossière, unique
vêtement qu’elle voulût porter, dit-elle, depuis les
malheurs qui l’accablaient. Je lui fis dire que c’était
à moi à me rendre chez elle, et que je m’emploierais
en faveur de sa cause, si elle était juste, et je m’éloignai,
laissant mes gens pour se tenir à ses ordres
et lui faire escorte de ma part jusqu’à sa demeure.
Le Lik Atskou m’apprit que le Dedjadj Conefo,
durant sa dernière maladie, avait recommandé ses
deux fils à Àschebber, ainsi qu’à quelques autres de
ses fidèles. Aschebber avait énergiquement servi les
intérêts d’Ilma jusqu’à la bataille de Konzoula, mais
il était accusé d’avoir détourné des valeurs de la
succession de Conefo, et le Dedjadj Birro menaçait
de le faire mutiler s’il ne les lui livrait.
Je promis à la Waïzoro Bir-Waha de partir deux
jours après pour le camp; mais le lendemain, à mon
grand regret, il m’arriva un Chalaka et une compagnie
de la garde de Birro, conduisant Aschebber enchaîné.
Le Chalaka avait ordre de s’arrêter chez moi, d’y recevoir
les objets qu’Aschebber avait promis de restituer,
de les soumettre à mon inspection, et, dans le cas où la
restitution serait insuffisante, de le remettre à la torture
en resserrant l’anneau qui fixait la chaîne à son
poignet. Le malheureux me fit observer que cet anneau
le serrait encore trop pour lui permettre de dormir ;
j’obtiens du Chalaka qu’on le fit aaiser.
Grâce à des cadeaux en comestibles qui m’arrivaient
de tous côtés, je pus faire festiner mes hôtes;
le prisonnier mangea, but et fut joyeux avec nous;
le Chalaka noya complètement sa raison dans l’hydromel,
et plusieurs de ses soldats 1 imitèrent. Le Lik
Atskou, saehant qu’on faisait grande chère chez
rnoi, me fit dire que des vassaux d’Aschebber rôdaient
par la ville, et que, pour éviter toute surprise,
j’eusse à faire bonne garde de nuit; il ne dormit
point lui-même et m’envoya d’heure en heure son
esclave pour s’assurer de la vigilanee de mes gens.
Le lendemain, la famille d’Aschebber produisit
une partie de la rançon demandée : c’étaient surtout
des earabines, de vieux tapis et des étoffes en soie
dont les dessins rappelaient le goût qui régnait jadis
dans l’Inde et dans l’Yemen, des pièces d’orfévrerie,
des poignards et des sabres |ux montures indiennes
enrichies de pierres de couleur et d’un travail exquis.
La magnificence de ces objets, provenant sans
doute de quelque empereur, me confirma une partie
de ce que m’ont raconté les vieillards sur la richesse
des costumes de leurs aïeux. Mais tout cela était loin
de représenter le chiffre de la rançon imposée. L ordre
vint de remettre le prisonnier à la torture. J’obtms
un délai, et je me rendis auprès du Dedjadj Birro,
qui voulut bien permettre de relâcher Aschebber
moyennant un appoint insignifiant en argent.
En rentraiït à Gondar, je trouvai le Chalaka gardé
à vue par ses propres soldats et son prisonnier. Je lui
avais laissé trop grosse provision d’hydromel et d eau-
de-vie, et une insolation après boire l’avait privé de la
xaison depuis quatre jours. Je fis libérer Aschebber,
et je repartis pour le camp avec les soldats de la
garde. Quant au Chalaka, toujours en proie au délire,
ses suivants personnels, trop peu nombreux pour le
bien o-arder dans ma maison isolée, se réfugièrent
avec lui sous le porche d’une église.