sentait à prendre Birro pour, gendre, à condition
que sa naissance fût solennellement légitimée, et que
le droit d’aînesse lui fût conféré.
Le Prince, qui aimait beaucoup Tessemma, représenta
le rang de la mère, et l’injure qu’il leur ferait à
tous deux; mais ce fut en vain.
Rentré chez lui, il réunit ses conseillers, qui décidèrent
qu’un refus serait d’autant plus imprudent
qu’ils étaient pour le moment à la merci du Ras.
Ce dernier, sur la proposition de sa mère, accepta
cette substitution; il nomma Birro Balambaras, et
lui donna la cotte d’armes en soie, afin'qu’il relevât
également de lui et du Dedjazmatch. On prit jour,
et en présence du Ras et d’un grand concours de
seigneurs du Bégamdir et du Gojam, d’ecclésiastiques,
d’hommes de loi et de clercs, tous réunis chez la
Waïzoro, le Dedjadj Guoscho reconnut par serment
Birro pour fils, lui conféra le droit d’aînesse, demanda
pour lui 1a. main de la Waïzoro Oubdar, et un des
grands vassaux, s’avançant au nom du Ras et de la
Waïzoro Manann, prononça les formules qui constituent
les accordailles. Les apports mutuels furent
énumérés : le Ras donna à sa soeur la seigneurie
de quelques villages dans le Bégamdir; le Dedjadj
Guoscho donna à son fils un nombre égal de villages
en Gojam.
Le Ras, en regagnant sa maison, s’égaya avec
ses familiers sur le compte dé son nouveau beau-
frère; il le traita dé nicodème, de dadais, et dans la
suite fie le désigna même plus autrement.
La Waïzoro Manann, tout entière à son oeuvre,
garda le fiancé auprès d’ellè. Au bout de quelques jours,
elle lui confia sa jeune épouse, et, malgré ses autres
préoccupations de toute nature, elle se complut pendant
quelques semaines à combler de soins le jeune
ménage, et s’attacha de plus en plus à son gendre,
dont les déférences contrastaient avec l’insubordination
de ses propres fils. Elle ne tarda pas à obtenir
pour lui l’investiture de l’Enneussé et de l’Enneufsé,
districts du Gojam, dont la seigneurie entraînait le
grade de Fit-worari de l’armée du Ras, l’exercice du
droit de haute justice et le privilège de marcher précédé
de porte-glaives, d’un gonfanon et de douze
timbaliers. Après être resté encore deux mois auprès
de sa belle-mère, le nouveau Fit-worari, partit avec
sa femme pour son gouvernement.
Malgré cette transition si brusque de la position
la plus dépendante à l’exercice d’une autorité si étendue,
Birro administra ses vassaux avec une fermeté
telle, qu’il fit de ses districts, réputés pour leur insécurité,
le pays le plus sûr de l’Éthiopie. Selon le
dicton indigène, une jolie fille pouvait y cheminer,
seule et partout, tenant sur la main une écuelle
pleine de pépites d’or. Mais, afin de soudoyer les gens
de guerre, qu’il rassembla en nombre tout à fait
disproportionné avec l’importance de son gouvernement,
il dut aggraver les impôts, et ses sujets se
rendirent plusieurs fois à Dabra Tabor, pour réclamer
auprès du Ras; la vigilante Waïzoro Manann
les faisait éconduire brutalement.
Bientôt, Birro Aligaz, un des grands vassaux du
Ras, Dedjazmatch de l’Idjou et d’une partie du Lasta,
s’étant déclaré en rébellion, le Ras convoqua par
ban son armée à Dabra Tabor. Le Fit-worari Birro
fit son entrée à la tête de plus de 6,000 hommes,
et avec un appareil militaire qui éveilla les jalousies
des grands vassaux du Ras, mais qui flatta l’orgueil
de sa belle-mère; dans ce dernier but, il avait amené