conversaient par groupes ; leurs toges fines et blanches,
les couvraient de la tête aux pieds; leur maintien
annonçait l’aristocratie : c’étaient les maîtres de cre
monde bruyant laisse au dehors, fious portèrent
les yeux sur nous, mais avec une curiosité polie.
Nous nous assîmes par terre, et le Lik envoya un
de ses suivants parlementer avec l’huissier de faction
à la porte de la deuxième enceinte, afin qu’il fît
prévenir le Ras de notre arrivée. J’eus tout le temps
d’observer : quelques-uns des personnages avaient
les traits d’une distinction remarquable; presque
tous, l’allure assurée que donne l’habitude du commandement.
On me désigna les plus notables : quelques
Dedjazmatchs et quelques chefs de bandes
nombreuses; les huissiers leur témoignaient une
déférence particulière. Les autres chefs entraient
seuls, le sabre au côté; mais eux étaient admis avec
quelques suivants, un servant d’armes tenant leur
bouclier et leur javeline, et un page portant à l’épaule
leur sabre enveloppé d’une housse écarlate.
Tous ces chefs, grands et petits, étaient occupés à
faire leur cour, qui consistait à envoyer par les
huissiers leurs civilités au Ras. Les plus zélés y
passaient la journée ; les autres s’y présentaient
matin et soir, pour lui faire souhaiter bonne
journée et bonne nuit. Lorsque l’armee était dispersée
depuis quelque temps, les vassaux directs
du Ras se rendaient pour une quinzaine de jours à
Dabra-Tabor, afin de se retremper à l’air de la
cour, ou pour hâter la solution de quelque procès
ou de toute autre affaire pendante.
Cependant, les huissiers ne ' faisaient aucun
cas de nous; une grande heure durant nous attendîmes
en vain un mot du Ras. Le Lik Atskou
prit de l’humeur et se leva en me disant tout haut :
— Allons-nous-en, mon fils. Un homme de mon
caractère est mal venu dans une cour où les soudards
tiennent le haut bout. Viens chez la Waïzoro
Manann.
La demeure de la Waïzoro était à deux cents mètres
de là. Sitôt arrivés, le Lik fut introduit, et quelques
minutes après, un eunuque vint me dire d’entrer.
La maison consistait en un vaste toit conique
de chaume reposant sur un mur circulaire en
clayonnage revêtu de bauge, et sur douze colon-
nettes, ou troncs d’arbres, plantées en rond à l’intérieur,
à environ deux mètres du mur de pourtour.
Ce mur formant la cage de la maison était de trois
mètres de haut, et le diamètre intérieur de dix à
onze mètres. L’intérieur n’était éclairé que par deux
portes sans vantaux, et percées à l’opposite l’une
de l’autre; la principale était garnie extérieurement
d’une vieille toge de soldat en guise de portière,
l’autre, plus étroite et réservée au service, éclairait
au fond de la maison l’entre-colonnement faisant
face à l’entrée, où la Waïzoro se tenait derrière
un rideau.
Quatre ou cinq jeunes hommes, la toge ajustée
selon là plus stricte étiquette, étaient debout contre
les colonnettes, immobiles comme des statues, les
pieds enfouis dans l’épaisse jonchée d’herbes vertes
qui tapissait le sol.
Je saluai; une grosse voix sombrée m’arriva de
derrière le rideau : c’était la Waïzoro qui me sou*
haitait la bienvenue. Je pris? place à côté du Lik,
assis à la turque sur, une natte par terre; la tête
basse et l’oreille tendue, il causait avec la même
animation çfue s’il eût été face à face avec son in-
- 13