contrées hautes et contrées basses, et, comme ces
deux idées doivent entrer fréquemment dans les
descriptions du pays, nous emprunterons à la langue
amarigna, langue la plus généralement parlée
en Éthiopie, les termes de relation deuga et koualla ( 1);
celui-ci désignant des contrées dont les plus hautes
. ne dépassent guère 2,000 mètres au-dessus du niveau
de la mer, et dont les plus basses sont affaissées
au-dessous même de ce niveau; celui-là, des-
contrées élevées à 2,400 mètres au moins au-dessus
du niveau de -l’Océan. Ces termes deuga et koualla
correspondent aux termes arabes nedjd et tahama,
qü’on pourrait à la rigueur exprimer en anglais
par les mots high-land et low-land.. Si la contrée
est d’altitude mitoyenne, c’est-à-dire de 2,000 à
2,400 mètres environ, les Éthiopiens lui donnent le
nom de woïna-deuga, ou deuga susceptible de produire
la vigne; ils donnent le nom de beurha aux
kouallas les plus bas, et en Gojam, celui de tchoké
aux deugas d’une altitude de plus de 3,000 mètres;
mais on peut dire- que les deux désignations génériques
servant, à fixer l’esprit au sujet de l’altitude
d’une contrée sont deuga et koualla.
Les Éthiopiens, dépourvus de mesures pour indiquer
l’altitude d’un lieu, caractérisent habituellement
les deugas et les kouallas par leurs productions les
(1) Pour ne pas élever une discussion analogue à la mémorable et
malheureuse querelle de Ramus, à propos de la prononciation de la
lettre u placée après q, et pour ne pas enfreindre l’usage grammatical
qui veut qu’en français le q soit toujours suivi d’un « au commencement
d’un mot, j ’écris koualla, quoique le k français, comme le kh et le c dur,
représente une articulation gutturale que nous ignorons, et qu’il me
semble que si j ’écrivais qoualla, la lettre q se rapprocherait davantage du
k claqué que nous n’avons pas et qu’il faudrait pour mieux figurer la
prononciation de ce mot.
plus importantes du règne végétal; le deuga, par l’orge
et la fève; le koualla, par le maïs, et surtout les nombreuses
variétés de sorgho ou dourah des Arabes;
les kouallas les plus bas, par le coton. Ils désignent
aussi comme deuga,’'mais d’une façon moins absolue,
la contrée où les moutons et les chevaux se reproduisent
de préférence; et comme koualla, celle où
les chèvres abondent. Par suite du spectacle habituel
de contrées hautes et contrées basses, les indigènes
sont, en .général, assez au courant des productions
zoologiques et botaniques dépendantes de la différence
des altitudes; mais celles que je viens de nommer
sont celles qu’ils emploient le plus fréquemment.
Les deugas sont balayés par des vents qui, en
Afrique, bornent leurs brises rafraîchissantes aux
parties élevées de l’atmosphère; l’air est frais, doux
et sec; les sources sont fréquentes, et la végétation
laisse des traces abondantes et vertes pendant presque
toute l’année; les arbres sont d’un bois tendre,
et la plupart des arbustes sont inermes, le feuillage
est touffu, les feuilles sont légères, souples, de tons
variés et doux à l’oeil; le sol est mou, élastique, et"
peu pierreux. On voit, dans de vastes pâturages, le
poulain folâtrant près des troupeaux de moutons et
de boeufs-bisons aux allures majestueuses et au pelage
d’une variété inconnue en Europe; la campagne
abonde en grandes perdrix rouges; le bouquetin prospère
aux flancs des précipices, et le sanglier, à
masque atteint une taille prodigieuse; les troupes de
singes n’y apparaissent que de passage; les scorpions
et les reptiles sont rares; leur venin est peu dangereux;
l’hyène et le chacal y vivent discrètement, et
le grand lion à crinière noire n’y est signalé que de
loin en loin.