aboutir au plaid du Dedjazmatch. Quant aux affaires
criminelles, après une première instance, ils sont
tenus de les porter en Cour du Dedjazmatch, qui seul
exerce le droit de haute justice. Tout homme est
responsable, dans sa personne ou dans ses biens, des
crimes et délits commis par ses subordonnés. Il ne
peut être relevé de cette responsabilité que par une
décision judiciaire.
Selon les usages locaux, qui sont très-variés, les
titulaires de fiefs ont la jouissance intégrale ou partielle
des impôts; dans certaines localités, ils sont
tenus de donner au suzerain telle ou telle somme en
reconnaissance de l’investiture : ici, un cheval de
guerre; là, une mule; ailleurs, une carabine ou des
bêtes de somme, un certain nombre de mesures de
blé, ou ils sont tenus enfin, d’entretenir un nombre
fixé de soldats du Prince.
La nature et la quotité des impôts, redevances et
corvées varient selon les localités et sont un motif
fréquent de désaccord entre le fivatier et ses vassaux;
le fivatier a quelquefois recours à la violence, quelquefois
aussi les vassaux se soulèvent en armes et le
chassent de la commune. Ces différends aboutissent
toujours en cour du Dedjazmatch. Du reste, la vivace
organisation communale et la dépendance réciproque
des gouvernés et des gouvernants suffisent ordinairement
à réfréner les empiètements et les exactions
des seigneurs.
Telle est, à quelque différence près, l’organisation -
de la maison des Ras, Dedjazmatchs, Maridazmatchs,
Graazmatchs, Kagnazmatchs, Wag-Choums, Balagaads
et autres Polémarques qui se disputent entre eux les
lambeaux de l’Empire éthiopien. Cette organisation est
calquée sur celle de l’ancienne maison impériale et
sert de modèle à tous. Un seigneur, d’importance
même médiocre, nomme son sénéchal, ses prévôts,
ses gardes, un biarque, un panetier, un boutillier,
un écuyer, des chalakas et des pages; il établit enfin
une hiérarchie en disproportion ridicule souvent avec
sa position; ses inférieurs en font autant, et il n’est
pas jusqu’au cultivateur aisé qui n’institue chez lui
quelques offices et grades analogues. Les Éthiopiens
en rient souvent eux-mêmes. Tout cet appareil a du
moins l’avantage de leur inculquer des habitudes
d’obéissance et de commandement, de devoir et de
respect, et de les familiariser avec le sentiment de la
responsabilité. Aussi, voit-on fréquemment parmi eux
des hommes, élevés rapidement des derniers aux premiers
rangs, apporter dans l’exercice de 1 autorité une
tolérance intelligente, un tact et une aisance qui leur
fait revêtir le pouvoir sans les éblouissements qui trop
souvent l’accompagnent.
Toutes ces’fonctions et attributions, réglées et absolues
en apparence, sont d’une élasticité qui permet a
l’individu de conférer sa valeur au rang qu il occupe.
Dans ce pays, les rapports sociaux sont fondes sur
les hommes bien plus que sur les choses et les idees
abstraites, et ils se plient sans effort à l’inegalite de
l’espèce humaine et aux variétés de l’individu. Lorsque
je cherchais à faire comprendre aux Éthiopiens le
régime immuable de nos codes : « Loin de nous,
disaient-ils, un pareil régime! On y doit vivre à l’étroit
comme dans vos vêtements. A vos lois et à votre costume
, nous préférons nos coutumes et le vêtement
ample et peu adhérent que forme notre toge. j>
On peut se faire une idée, d’après l’ordonnance de
la maison de ceux qui ont le pouvoir en mains, de
quelle façon le pays doit être gouverné. Les abus y