
un pot ; les parties de la matière, à mefure qu’elles
fe tondent , fe rapprochent , & occupent moins
d’efpace. Lorfque le verre eft parfaitement formé ,
qu'on ne voit plus de matières infondues , on enfourne
de nouveau. On diftingue , par le nom de
première , fécondé fonte , les différentes dofes de
fritte dont on charge les pots à diverfes reprifes. Il
faut au moins trois fontes , pour remplir entièrement
les pots. Ceft à la première fonte qu’on diftri-
b u e , fur chaque pellée de compofition , là dofe
de bleu qu’on juge convenable de combiner avec
le verre.
On doit avoir la plus grande attention de ne faire
la fécondé fonte, qu’apres s’être alluré que la fufion
de la première eft bien complette.
Dans les premiers inftans de la fufion, les matières
commencent à fe joindre ; bientôt elles forment
un corps opaque dans lequel on diftingue.encore les
parties conftituantes, comme des grains de fable,
des portions de fritte ; peu à peu on voit déjà quelque
tranfparence ; les iels neutres, dégagés de la
maffe du verre , viennent former fur fa furface un
bain de fel de verre , qui fe diffipe en fumées plus
ou moins épaiffes ; le verre déjà produit, paroît
rempli de très-petits points ; une plus grande expan-
fion de la fubftancequi les forme , étend ces points,
& en fait des bulles ou bouillons ; enfin , ces bouillons
fe portent à la furface du bain de verre , & fe
diffipent : tels font en peu de mots les phénomènes
que préfente le verre , pendant fa fufion & fon affinage.
Tant qu’il paroît du fel de verre, & jufqu’à ce
qu’il foit diftipé, le verre eft en fonte. Après l’entière
évaporation du fel de verre, lorfque l’aâion
du feu n’a plus qu’à faire difparoître les points & les
bouillons , le verre eft en affinage ; enfin on dit que
le verre eft fin, lorfque la violence de la chauffe eft
parvenue à le purger, autant qu’il eft poffible, de
points & de bouillons.
D ’après ce fuccinct expofé , on fent combien il eft
important que la fufion de la première fonte foit bien
complette , avant d’en faire une fécondé. Le fiel de
verre, ou toute autre fubftance expanfive , dont le
verre doit fe purger, fe dégage plus promptement
& plus aifément d’une moindre maffe de verre , &
par conféquent l’affinage fera plus long & plus difficile
, fi l’on a conduit les fontes avec trop de précipitation.
Le fel de verre eft quelquefois fi abondant, qu’on
ne peut, fans perdre inutilement beaucoup de temps,
attendre de l’a&ion du feu fon entière diffipation :
alors on le puife dans les pots avec une poche ou
cuiller, & on le tire hors du four.
On fait la poche de fer battu , plutôt que de cuivre
, parce que ce dernier métal eft plus corrodé par
le fel de verre.
On ne touche le fel de verre , dans fon état de
fufion, qu’avec des outils bien fecs , & on ne le dé-
pofe que dans des lieux auffi très-fecs. Le conta# de
l’humidité lui fait faire communément une explofion
fort incomniode.
La manganèfe qui entre dans la compofition dit
v erre, fe manifefte dès le commencement de la fufion
, & alors le verre eft très-rouge ; mais à mefure
que la vitrification fe perfectionne, & que l’affinage
avance , cette couleur diminue d’intenfité : on n’a
point d’égard à l’état aduel de la couleur du verre ,
pour déterminer le moment des fontes.
On juge de l’état du vêrre dans les divers inftans
de la fufion & de l’affinage, par des effais qu’on en
tire : ©n plonge dans le pot un petit crochet de fe r ,
fig. i , planch.XXII; il s’y attache un petit morceau
de verre ; on le laiffe un peu refroidir , & l’on profite
du temps ©ù il eft encore chaud, pour faire tomber
,_en agitant le crochet, uiîe goutte qu’on appelle
larmes. On appelle crochet à larmes, le petit crochet
qui fert à tirer des effais de verre.
Lorfque le verre eft bien fin , & qu’il a perfifté
quelque temps dans fon affinage, il ne refteroit qu’à
le tranfvafer dans les cuvettes ; mais il eft néceffaire
dé nettoyer ces vàfes auparavant, & c’eft cette opération
qu’on appelle curage. Si les cuvettes font neuves
, elles contiennent une pouffière qui pourroit
gâter le verre , & dont les plus grands foins ne
les dépouillent pas toujours exa&ement. Si les eu- :
vettes ont déjà lervi, elles contiennent un réfidu de
l’opération précédente. Ce verre a perdu de fa cou- .
leur & de fa qualité par une trop longue chauffe, &
il convient de ne pas le mêler au nouveau verre avec
lequel il nepourroit s’unir, fans former dans les glaces
des veines défagréables : enfin il peut être tombé
quelque ordure dans les cuvettes. Toutes ces confédérations
rendent le curage indifpenfable. On met dans
les cuvettes neuves, avant de les curer, une petite
quantité de verre , ce qu’on appelle les~env errer. En
enlevant ce verre, on enlève, le mieux qu’il eft poffi-
ble , la pouffière contenue dans le vafe.
Les inftrumens employés au curage font la grand?-
m'ere, le cornard, le graton, le rabot, le balai, la
pince à élocher, le chariot à tenailles, le grapin, là
poche du gamin. .
La grand’m'ere, fig. i , planche X lX , le cornard ÿ
fig. 2 , même planche, & le graton, fig. 3 , pl. XX ,
ont déjà été décrits ci-deffus.
Le rabot, fig. ƒ , planche X IX , eft une petite
planche au milieu de laquelle on fixe pn manche de
bois d’environ 5 pieds : cet outil fert à nettoyer les
endroits fur lefquels on le paffe.
Le balai, fig. 6 , planche X IX , n’a pas befoin de
defeription.
La pince à élocher eft un levier de fer , fig. y ,
planche X IX , avec lequel on détache du fiège la
cuvette qui y eft quelquefois collée , foit par le
verre qui eft tombé en enfournant, foit par la vitrification
, quoique imparfaite , de la furface extérieure
du cul de la cuvette , & de celle du fiège :
on appelle cette aâion de détacher la cuvette , élo~>
cher la cuvette, d’où l’outil qu’on y emploie , eft dit
pince d élocher.
‘ Le chariot à tenailles eft un des principaux inftrumens
du çurage : il fert à faifir les cuvettes en
lçur
leurs places, à les tirer hors du four, & à les replacer.
Son ufage règle les dimenfiohs. La figure S ,
planche X IX , exprime fon plan gèométral, & la
f ig . q fon profil.
Ce font deux branches de fer B G H I ., C G K L ,
qui fe croifent au point G ., ou elles font percées
& réunies par un boulon , qui leur laiffe la liberté
de s’écarter 8c de fe rapprocher comme les lames
d’une paire de cifeaux. Le même boulon fixe les
deux branches de la tenaille à un effieu de fer ,
aux extrémités duquel font deux roues auffi de
fer. ô j .
Les branches , à l’extrémité qui doit faifir la cuvette,
laiffent entr’elles un efpace IH K L quarré,
comme le vafe qu’il embraffe ; & comme la cuvette
a environ 16 pouces , l’éloignement K H ou L I
des branches, lorfqu’elles font ferrées , doit être
de 14 à 15 pouces. On donne même à la diftance
L I , un peu moins qu’à K H , & les branches s’amin-
ciffent en approchant de leurs extrémités L I.
' Les cuvettes font placées , deux à chaque ouvreau
, l’une devant l’autre. Pour parvenir à celle
de devant, il faut que les roues du chariot puiffent
paffer fous les plaques, & arriver jufqu’à l’ouvreau,
de manière que la tenaille foit toute entière introduite
dans le four. Pour cet e ffet, on ne donne
qu’environ 22 pouces de diamètre aux roues, & 24
pouces de longeur à l’effieu.
Pour faifir folidement une cuvette , il fuffit que
la tenaille pince 7 pouces de fa longueur. Les branches
G I , G L ne pourroient faifir la cuvette de de-
v a n t , fi leur longueur 11’équivaloit pas au rayon de
la roue, 11 pouces ; à l’épaiffeur de l’ouvreau, 12
pouces ; à la longueur de la cuvette de derrière ,
16 pouces ; aux diftances laiffées , foit entre les
cuvettes, foit de la dernière à l’ouvreau, environ
2 pouces ; enfin, à la longueur dont la cuvette de
devant doit être pincée, 7 pouces. Là partie GM de
l’inftrument doit donc néceffairement avoir environ
48 pouces de longueur.
Si l’on confidère que les deux branches du chariot
forment un levier , dont l’effieu établit le point
d’appui à quatre pieds de diftance du poids , il fera
aifé de donner à la partie GB ou G C des branches,
une longueur telle que deux ouvriers , placés en B
& C , puiffent enlever la cuvette avec un effort
médiocre. On fait communément GB ou G C = 5
ou 6 pieds.
Lorfqu’on a folidement faifi la cuvette par fa
ceinture , ce qu’on, appelle Yembarrer, la tenaille
demeure ferme au moyen d’un morceau de fer E F ,
fixe à l’une des branches G B , & paffant au travers
de l’autre branche G C. La pièce EF eft percée de
trous dans lefquels on met une clavette qui arrête
les branches, après qu’on a ferré la cuvette.
Aux extrémités B , G , font deux poignées A B ,
C D , d’environ o pouces , fur lefquelles les ouvriers
qui conduifent le chariot pofent leurs mains.
On voit par le profil , fig. p , même planche,
qu’on donne aux branches une courbure qui élève
Arts 6» Métiers. Tome III. Partie I.
les poignées, & qui les porte à utle hauteur plus
commode pour les ouvriers.
Le grapin, fig. 3 , pl. X IX , eft un outil de fer
affez léger, d’environ 6 pieds de long. A l’une de
fes extrémités, il s’applatit, comme d e , 81 préfente
un tranchant. Cette partie de a de deux à trois pouces
, & s’appelle le foulon. A l’autre extrémité , eft
une patte à-peu-près femblable à celle du graton ,
ayant environ un pouce de c en ƒ , & de 2 à 3 de c
en g. La patte peut, ainfi que le foulon , fe faire en
fer ; mais je préfère qu’elle foit de cuivre ; elle eft
plus propre , & n’eft pas fujette aux pailles comme
lorfqu’elle eft de fer.
La poche du gamin , fig. 10, pl. X I X , eft une
petite cuiller de cuivre qu’on met entre les mains
d’un enfant, petit ouvrier , défigné fous le nom de
gamin.
Lorfqu’on veut procéder au curage , on a foin de
bien balayer & de nettoyer la halle, fur-tout les
environs du four. On difpofe auprès des quatre
arches , autant de baquets pleins d’eau propre. Ces
baquets font ordinairement cerclés en fe r , & leur
bord eft garni de tôle mince : on en voit deux exprimés
dans la vignette de la planche XlX.
On commence par démarger , c’eft-à-dire , par
enlever, avec la dent de la grand’mère , les torches
qui garniffoient le tour de la tuile. On enlève la
tuile avec le cornard, ce qu’on appelle déboucher :
on rabotte, c’eft-à-dire , on retire les débris des torches
avec le rabot de devant l’ouvreau. On achève
de nettoyer la place avec le balai, qu’on paffe auffi
autour de l’ouvreau, pour faire tomber les parties
de torches qui y feroient reftées attachées.
Il eft à craindre que l’aftion même du balai ne faffe
tomber quelque ordure dans la cuvette ; mais il eft:
aifé de prévenir ce danger : il fuffit pour cela de
boucher l’ouvreau avec deux tuiles , placées l’une
devant l’autre. On marge feulement la tuile extérieure
; & au moment de l’opération, on balaye ,
après avoir démargé, laiffant l’ouvreau bouché avec
la première tuile qui défend la cuvette, & on ne
débouche le four qu’après avoir rabotté & balayé.
Si quelques larmes ou d’autres faletés paroiffent-
attachées au ceintre de l’ouvreau , on les enlève
avec le graton. On fe fert du même outil pour
nettoyer l’âtre de l’ouvreau des ordures qui s’y feroient
collées.
Après ces précautions préparatoires , on embarre
la cuvette. Deux ouvriers appuient fur la queue du
chariot, tandis qu’un troifième avec la pince à élocher
les aide à détacher la cuvette du fiège : alors
on retire la cuvette , & on la mène auprès d’un des
baquets pleins d’eau : on la pofe fur une ferraffe, ou
grande feuille de tôle, & on défend le baquet de
l’a&ion de la chaleur , en dreffant contre lui une
autre ferraffe. Deux ouvriers , armés chacun d’un
grapin, approchent dans cet inftant de la cuvette ,
puife nt avec la patte de leur outil le verre contenu
dans le vafe, & le jettent dans le baquet : ils grattent
avec foin dans tous les coins de la cuvette. Si quel-.