plus belles machines que l’horlogerie ah produites
jufques ici fon t, les fphères mouvantes & les plàt
nifp hères.
On appelle fphère mouvante, une. machine tellement
difpofée, qu’elle indique & imite à chaque
moment la fituation des planètes dans le c ie l, le
lieu du foleil, le mouvement de la lune, les.éclipfes ;
en un mot, elle repréfente en petit le fyftême de
notre monde.
Ainfi-, fe)on le dernier fyftême reçu par les agronomes
, on place le foleil au centre de cette machine
, qui repréfente la fphère du monde. Autour
du foleil, tourne mercure; enfuite fur un plus grand
cercle on voit vénus , puis la terre avec la lune ;
après elle mars , enfuite jupiter avec fes quatre
fatellites, & enfin faturne avec fes cinq fatellites
ou petites lunes : chaque planète eft portée par un
cercle, concentrique au foleil : ces différens cercles
font mis en mouvement par des roues de l’horloge,
lefquelles, font cachées dans l’intérieur de la machine.
Chaque planète emploie & imite parfaitement
dans la machine le temps de fa révolution que les
agronomes ont déterminé ; ainfi, mercure tourne
autour du foleil en ,88 jours ; vénus, en 224 jours,
7 heures ; la terre , en 365 jours, 5 hepres 49
minutes 12 fécondés. La lune fait fa révolution autour
de la terre, en 5.9 jours 12 heures 44 minutes 3
fécondés; mars, en un an, 321 jours 18 heures;
jupiter, en onze ans, 316 jours ; & fatum©, en 29
ans, 155 jours 18 heures.
La fphere mouyante n’eft pas d’invention moderne,?
puifqu Archimède, qui yivoit il y a deux
mille ans , en avoit compofé & fait une qui imitoit
les mouvemens des aftres. On a fait dans çes derniers
temps plufieurs fphères mouvantes ; mais la
plus parfaite dont on ait connoifîance, eft celle qui
©fl placée à Verfailles, laquelle a été calculée par
JVL Paffement, &-exécutée par d’Authiau.
On a auffi compofé des pendules qui marquent
& indiquent le mouvement des planètes, comme
le fait la üphère ; mais avec cette différence, que
dans les machines qu’on nomme planifphèrçs, les
révolutions des planètes font marquées fur un même
plan par des ouvertures faites au cadrarf fous lequel
tournent les roues qui repréfentent les mouyemens
çélefles'.
On a ainfi enrichi l’horlogerie d’un grand nombre
d’inventions qu’il ferpit trop long de rapporter ici ;
on peut çonfulfer les ouvrages d’horlogerie, comme
le traité de M. T h io ut, du P. Alexandre, & de
M. lè Paute ; on trouvera fur-tout dans le livre de
M. Thiout, un grand nombre de machines très-in-
génieufement imaginées pour parvenir à exécuter
aifément toutes les parties qui compofent la main-
d’oeuvre ; il y a d’ailleurs toutes fortes de pièces ;
cet ouvrage eft proprement un recueil des machines
d’horlogerie.
On voit par ce qui précède une partie des objets
que l’horlogerie embrafîe ; on peut juger par leur
étendue, combien il faut réunir de connoiflances,
pour pofféder cette fçience.
L’horlogerie étant la fcience du mouvement, cet
art exige que ceux qui le profeffent, connoiffent
les lois du mouvement des corps; qu’ils foient bons
géomètres, mécaniciens, phyficiens ; qu’ils poffè-
dent le calcul, & foient nés non-feulement, avec le:
génie propre à faifir l’efprit des principes , mais;
encore avec les talens de les appliquer.
On n’entend donc pas ici par l’horlogerie, ainfi
qu’on le fait communément, le métier d’exécuter
machinalement des montres & des pendules, comme
on les a vu faire, & fans favoir fur quoi cela efl
fondé ; ce font les fopâions du manoeuvre : mais
difpofer une machine d’après lés principes , d’après
les lois du mouvement, en employant les moyens
les plus Amples & les plus folides ; c’eft l’ouvrage
de l’homme de génie. Lors donc que l’on voudra
former un artïfté horloger qui puifle devenir célèbre
, il faut premièrement fonder fa difpofition naturelle
, & lui apprendre enfuite la mécanique , &c.
Nous allons entrer dans le détail de ce qui nous
paroît devoir lui fervir de guide.
On lui fera voir quelques machines dont on lui
expliquera les effets-: comment , par exemple, on
mefure le temps; comment les roues agiffent les unes.
fur les autres ; comment on multiplie les nombres
de leurs révolutions: d’après ces premières notions,
on lui fera fentir la néceflité defavôirle calcul pour
trouver les révolutions de chaque, roue ; d’être
géomètre, pour déterminer les courbures des dents; -
mécanicien, pour trouvér les forces qu’il faut appliquer
à la machine pour la faire mouvoir ; &
arüfle, pour mettre en exécution les principes &
les règles que ces fciences prefcrivent : d’après cela.,
on le fera étudier en même-temps les machines &
les fçiences qu’il devra connoître , ayant attention,
de ne faire entrer dans çes connpjffances la main-’,
d’oeuvre que comme l’acceffoire.
Quand il fera queftion des régulateurs des pen-,
dules & des montres, il faudra lui en expliquer en
gros les propriétés générales ; comment on peut
parvenir à les conftruire tels , qu’ils donnent la plus,
grande jufteffe, de quoi cela efl dépendant ; de la
néceflité de çonnoître comment les fluides réfiftent
aux corps en mouvement ; de l’obftacle qu’ils op-
pofent à la jufteffe ; comment on peut rendre cette
jufteffe la plus grande poflible ; de l’étude fur les,
frottemens de l’air.; comment on peut rendre cette
réfiftance la moindre poflible ; du frottement qui
rçfiilte flu mouvement des corps qui fe meuvent les,
uns fur les autres ; quels effets il en réfulte pour les
machines ; de la manière de réduire ces frottemens
à la moindre quantité poflible : on lui fera remarquer
les différentes propriétés des métaux ; les effets
de la chaleur ; comment elle tend à les dilater, &
le froid aies condenfer ; de l’obftacie qui en réfulte
pour la jufteffe des machines qui mefurent le temps;
des moyens de prévenir les écarts qu’ils pccafiounent,
de l’utilité de la phyfique pour ces différentes
chofes, &c.
Après l’avoir ainfi amené par gradation , on lui
donnera une notion des machines qui imitent les
effets des planètes. En lui faifant feulement fentir
la beauté de ces machines, on lui fera voir la rié-
teflité d’avoir quelque notion d’aftronomie : c’eft
ainfi que les machines mêmes ferviront à lui faire
aimer cet art, que les fciences qu’il apprendra lui
paraîtront d’autant moins pénibles , qu’il en con-
•noîtra l’abfolue néceflité , & celle de joindre à ces
connoiflances la main-d’oeuvre , afin de pouvoir
•exécuter fes machines d’après les règles que preferit
la théorie.
Quant à l’exécution , il paroît convenable qu’il
commence par celle des pendules, qui font plus
faciles à caufe de la grandeur des pièces , & qui
•permet encore l ’avantage d’exécuter toutes fortes
d’effets _& compofitions.
La grande variété que l’on fe permet, accoutume
auffi l’efprit à voir les machines en grand ; d’ailleurs
quant à la pratique même , il y a de certaines pré-
cifions que l’on ne connoît que dans la pendule, &
qui pourraient cependant s’appliquer aux montres.
Pour l’évidence, par exemple, l’idée générale
de la mécanique des pendules à poids, & de celles
à reffort, on lui dira.que pour parvenir à concevoir
les divers effets d’une horloge qui mefure le temps,
il n’y a qu’à fuppofer, comme obferve M.Berthoud,
que n’ayant aucune notion d’une machine propre
à mefurer le temps , on cherche à en compofer
une. Pour cet effet, prenant un poids que l ’on attache
à une verge , on fufpend ce pendule par un
fil ; les vibrations qu’il fait lorfqu’on l’a écarté de
la verticale , fervent à mefurer le temps. Mais
comme il faudroit compter tous lesbattemens ou
.Vibrations, on imagine un compteur placé auprès
de ce pendule : une roue dentée portant une aiguille,
en opère l’effet, en entourant l’axe' de cette
’ roue d’une corde, à laquelle on fufpend un poids.
Cette roue entraînée par le poids, communique
• avec une pièce portant deux bras, qui eft attachée
’ à ce pendule ; de forte qu’à chaque vibration dii
pendillé la roue avance d’une dent, y étant entraînée
par le poids , & la roue reftitue en même
temps au pendule la force que la réfiftance de l’air
& la fufpénfidn lui font perdre à chaque vibration ;
c’eft ce qui forme l'échappement de la machine dont
le pendule eft le régulateur, le poids le moteur ou
agent, & la roue le compteur, parce que fon axe
porte une aiguille qui marque les parties du temps
fur un cercle gradué. Ces premiers effets bien
■ conçus * on aura une idée générale de toutes les
machines qui mefurent le temps ; car quelle que
■ foit leur coiiftruélionJ elle fe rapporte aux premiers
principes.
L’art parvenu jufques-là, ne procure encore
qu’une pendule qui demande à être parfaitement
fixe, & qui n’eft point portative; Que de difficultés
nVt-onpas eu à furmenter pour parvenir à faire des
montres ? Pour conftruire une horloge portative, il a
fallu fubftituer un autre moteur que le poids & un
autre régulateur que le pendule. Pour moteur 011
y a mis un rejfort d’acier plié en fpirale, & pour
régulateur un balancier. Ce reffort fpiral, qu’on a
ajouté aux montres portatives, & qui affure la régularité
du mouvement par des vibrations toujours
égales , eft de l’invention de Fingénieux abbé
Ù! Haute feuille, d’Orléans.
Pour fe former une idée bien nette de ces ingé-
nieufes machines, il n’y a qu’à fuppofer, ainfi que
nous l’avons fait pour les horloges à pendule,
continue M. Berthoud, que l’on n’a jamais vu de
montre, & qu’on cherche les moyens d’en conftruire
une qui ne foit pas fufceptible dé dérangement
par les agitations quelle éprouve lorfqu’on
la porte fur foi. Pour cet effet il n’y a qu’à s’imaginer
que fur un axe terminé par deux pivots , eft
attaché un anneau circulaire, également pefant dans
toutes les parties de fa circonférence ; cet anneau
que l’on nomme balancier ( fuppofé placé dans une
cage, dans les trous de laquelle roulent les pivots
de foh axe ) , a la propriété de continuer le mouvement
qu’on lui a imprimé, fans que les cahotages
le troublent fenfiblement. Ce balancier devient
le régulateur qui fert à modérer la viteffe
des roues de la machine portative ; car en attachant
fur l’axe du balancier deux bras qui communiquent
à une roue entraînée par un agent qui ait fa propriété
d’agir , quelle que foit la pofition de la machine
( cet agent eft le reffort plié en fpirale ) , ces
bras, dis-je , de l’axe du balancier formeront avec
cette roue un échappement qui fera faire des v ibrations
au balancier. Cette roue marquera les parties
du temps divifé par le balancier.
Il eft à propos de faire obferver que dans les
horloges à poids, la force motrice ne doit être que
fuffifartte pour reftituer au pendule ( d’abord mis en
mouvement) celle que le frottement de l’air & là
fufpenfion luifont perdre ; mais dans les montres, la
force motricé doit être capable de donner le mouvement
au régulateur, fans quoi la montre pourrait
être arrêtée par de certaines fecouffes.
Tels font les élémêns. de la mécanique des peu-'
dules à poids & de celles à refforts.
Ainfi parvenu à l’intelligence des machines, le
jeune artifte aura des idées nettes de leurs principes
; & poftedant l’exécution, il pafferà aifément
à la pratique des montres , & d’autant mieux que
le même efprit qui fert à compofer & exécuter les
pendules, eft également applicable aux montres qui
ne font en petit que ce que les pendules font en
grand.
'Au refte, comme on rie parvient que par gradation
à acquérir des lumières pour la théorie, de
même la main ne fe forme que par l’ufage ; mais
cela fe fait d’autant plus v ite , que l’on a mieux
dans la tête ce que l’on veut exécuter ; c’eft par
cette raifon que je confeille de commencer par
l’étude de la fcience ayant d’en venir à la main^