
afliette à la felle. Elle eft d’ailleurs attachée au mar-
kaire avec deux courroies de cuir qui. viennent fe
boucler par devant, enforte que le markaire porte
cette felle avec lui lorfqu’il fe lè v e , fans que fes
mains en foient embarraffées, & qu’il la trouve
toute prête à l’appuyer dès qu’il veut fe mettre en
fituation de traire une vache.
Lorfqu’on a tiré tout le lait qu’on de Ai ne à faire
un fromage , on commence à placer fur la potence
mobile la chaudière qui doit le contenir. On aeu
foin de l’écurer auparavant avec une petite chaîne
de fer qu’on y balotte en tout fens, de telle forte
que ce frottement réitéré , emporte toutes les parties
de la crème, du fromage & des criftaux qui
s’attachent aux parois de la chaudière lors de la
préparation du fromage.
On place enfuite fur la chaudière le couloir avec
fon fupport, & on y fait paffer tout le lait qui tombe
dans la chaudière ; c’eft ce qu’on appelle couler le
lait. Cette opération fe réduit a arrêter au paffage
d’un filtre les impuretés que le lait contra&e pendant
qu’on le tire.
Avant que de mettre la préfure, on expole la
chaudière pleine de lait à l’a&ion d’un feu modéré ;
enfuite on enduit de préfure, les furfaces intérieure
& extérieure de l’ècuelle plate (fig. 8 ) , &
on la paffe dans le la it, en la plongeant dans tous
les fens. Cette préfure , à l’aide de la chaleur communiquée
, s’y mêle aifément, & produit fon effet
d’une manière plus prompte & plus complette.
Dès que la préfure commence à faire fentir fon
aâion , on retire tout l’équipage du feu , & on
laiffe le lait dans un état de ttanquillité, à la faveur
de laquelle il fe caille en peu de temps. Le lait étant
bien complètement caillé, & toute cette maffe ayant
acquis une certaine confiftance, on la coupe & on
la divife avec une épée de bois fort tranchante
( f i* / o ), fuivant des lignes parallèles, tirées à un
pouce de diftance, & traverfées à angles droits par
d’autres lignes parallèles , tirées aufii à la même
diftance. On fêpare avec le même infiniment les
petites portions de caillé qui fe trouvent dans les
interférions des parallèles ; on pouffe ces divifions
à la plus grande profondeur, de telle forte que
la maffe du caillé foit réduite en gros matons. Le
markaire les foulève enfuite avec fon écuelle plate,
& les laiffe tomber entre fes doigts pour les divifer
davantage. Il emploie à différentes reprifes fon
épée de bois pour couper le caillé > qui, par le
repos , fe réunit dans une maffe; ces repos, ont pour
objet de laiffer prendre un certain degré de cuiffon
au caillé, qu’on expofe à différentes reprifes à l’aftion
du feu. Ils favorifent aufii la précipitation du caillé
au fond de la chaudière , & fa féparation d’avec le
petit-lait qui fumage. Le markaire puife le petit-lait,
d’abord avec fon écuelle plate ; enfuite lorfque le
caillé ,, plus divifé, occupe moins de place par le
rapprochement de fes parties , & par 1 extra&ion
du petit-lait qui étoit difperfé dans fa maffe , le
markaire emploie une écuelle creufe » avec
laquelle il puife une plus grande quantité de petit-
lait, qu’il verfe dans les baquets plats ( fig. 6 , A y
Il juge qu’il a puifè affez de petit-lait, îorlqu il
en refte une quantité fuftifante pour cuire la pâte
du caillé divifée en petits grumeaux & pour l’agiter
continuellement avec les mains., avec l’écuelle &
avec les mouffoirs {fig. u & dont il fe fert pdur
le brader. "
Lorfqu’on eft parvenu à donner à la pâte la plus
grande divifion poflible, afin de lui faire préfenter
plus de furface à l ’aélion du feu, on l’agite toujours
, & on en ménage la cuiffon en expofant la
chaudière fur le feu, & en la retirant par le moyen
de la potence mobile. La pâte eft affez cuite lorfque
les grumeaux qui nagent dans le petit-lait ont pris
une confiftance un peu ferme , qu’ils font reffort
fous les doigts, & qu’ils ont un oeil un peu jaune.
C ’eft-là le point que faifit le markaire ; il retire la
chaudière de deffus le fe u , agite toujours & rapproche
en différentes maffes les grumeaux, ayant
attention d’en exprimer le plus exa&ement qu il
peut le petit-lait ; énfin -, il forme une maffe total©
des maffes particulières , & la retire de la chaudière
polir la mettre en dépôt dans un baquet plat
I( fig. 6 , A ) .
II a eu foin de préparer le moule, de placer &
d’étendre fur la table une toile à claire-voie. Il y
; comprime à toute force la pâte, en s aidant de la
toile, dont il rapproche les extrémités , & couvre
le tout d’une planche qu’il charge de groffes pierres
( fig. 3|| G ) , pour que le petit-lait s’égoutte, que la
pâte fe moule, & acquière par ce rapprochement
forcé, une certaine confiftance. Le fromage refte
comprimé du matin au foir, ou du foir au matin ; on
refferre feulement à différentes reprifes le moule ,
en tirant la corde qui eft fixée à l’extrémité exte*
rieure; enfin, on retourne le fromage &. on lui
donne une autre forme moins large que celle où il
s’eft moulé d’abord. Il refte dans cette fécondé
forme pendant trois femaines ou un mois fans être
comprimé par fes bafes, on fe contente de le
maintenir dans fon contour. On le fale tous les jours
en- frottant de fel fes deux bafes & une partie de
fon contour ; &|chaque fois qu’on le fale, on refferre
le moule. C ’eft pour faciliter cette opération qu’on
emploie un moule moins large, afin qu’on puiffe por?
ter le fel dans une partie du contour. Les markaires
ont pour principe que ces fortes de fromages cuits
ne peuvent prendre trop de fel ; aufii ils y en
mettent abondamment , en frottant pour le fair®
fondre St le faire pénétrer. Lorfqu’ils s’apperçoivent
que les furfaces n’abforbent plus de fe l , ce qui
s’annonce par une humidité furabondante qui y
règne, ils ceffent d’y en mettre. Ils retirenr le fromage
du moule , & le mettent en réferve dans un
fouterrain. Plufieurs circonftances s’oppofent à ce
que ces fromages prennent un degré de fel fuffifant ;
i°. lorfque la pâte n’a pas été affez ouverte par le
ferment ou la préfure , ces fromages n’ont pour
lors ni trous, ni confiftance ; 2°, lorfque le fel qu’on
•emptoie a retenu un principe gypfeux, qui forme
fur le fromage une croûte impénétrable aux principes
falins ; 30. lorfque la pâte n’a pas eu une cuiffon
ménagée & une divifion affez grande, &c.
Au contraire , ils prennent trop de fel , lorfque
le ferment , ayant trop ouvert la pâte , a détruit
l’union des principes, & les a réduits en grumeaux
qui s’émiettent.
Reprenons la fuite de nos operations. Les mar- i
kaires, après avoir mis leur fromage dans la forme, |
ramaffent exactement le petit-lait qu’ils ont, tiré de |
la chaudière, & qu’ils ont mis en dépôt dans des :
baquets, & le verfent dans la chaudière. Ils expo-
fent la chaudière fur le feu, qu’ils ne ménagent plus
jufqu’à ce que le petit-lait bouille. Ils ont mis en
réferve une certaine quantité de petit - lait froid,
qu’ils verfent à plufieurs reprifes fur le petit - lait
bouillant. Ce mélange produit une écume blanche.
Dès qu’ils la voiënt paroître, ils verfent du petit-
lait aigri qu’ils gardent dans le baril dont j’ai déjà
fait mention, &. qu’ils nomment café melich. L’effet
de cet acide eft prompt ; on voit une infinité de
petits points blancs qui s’accumulent en maffes capables
de furnager le petit-lait, & qu’on enlève
avec une écumoire. On nommé cette partie caféeufe
brç>cott.e dans les Vofges, ricotta en Italie, & céracée
dans la Savoie; c’eft la nourriture ordinaire des
jnarkaires,. & le régal de ceux qui vont les vifiter ;
elle eft d’un goût fort agréable.
On reconnaît qu’on a tiré du petit-lait toute la
brocotte qui peut s’en dégager, & qu’on y a verfé
affe? d'aigre, lorfqu’il ne fe forme plus fur les bouillons
une écume blanche,. On donne aux cochons
le petit-lait pur, après en avoir remis dans le baril
une quantité, égale à cell^ qu’on en a prife, afin
qu elle, s’aigriffe ayec l’autre. Les markaires accommodent
des truites & font de la falade avec cet
aigre ; ils en boivent même pendant la préparation
du fromage pour fe rafraîchir, & ils le font avec
un certain plaifir. Le petit-lait, non aigri, & dépouillé
dé tout caillé, fe nomme puron ou fpuran.
La brocotte qu’on ne peut pas confommer fur le
champ , fe met fur une ferviette qu’on noue par
les quatre coins , & qu’on fufpend ainfi {fig. 1s ) i
elle s’égoutte, & forme des fromages qu’on nomme
fchïgres. On les vend & on les confomme dans les
environs ; c’eft proprement un fromage feçondaire
précipité du petit-lait par le moyen d’un acide.
Cette opération revient affez à la manière dont
les apothicaires éclairciffent leur petit - la it, en y
mê'atit de la crème de tartre, qui, agiffant comme
acide , dégage, la partie caféeufe qui y eft comme
diffoute. La quantité de cette partie, qui refte
encore dans une efpè.ce de combinaifon avec le
petit-lait, m’a paru être environ le dixième de celle
qu’on en a tirée d’abord. Ainfi, du petit-lait dont on
a tiré un fromage de quarante livres, on dégagera
encore, quatre livres.de brocotte. Il paroît étonnant
qu’on perde cette quantité de partie caféeufe dans
la plupart des, provinc.es de France, op. l’on abaiidonne
aux cochons le petit-lait qui a donné le pre*
mier fromage, fans le dépouiller du fromage fecon*
daire : il eft vrai que le petit-lait, chargé de cette
partie caféeufe, en eft plus nourriffant ; mais ne
vaudroit-il pas mieux y fuppléer par une nourriture
moins agréable ?
A r t . IL Fromage dé Milan, de Lodi }ou de P arme fan.
Pour faire uneforme de 48 livres de Milan, de 28
onces chac .ne ( c ’eft-à-dire de 69 à 70 livres poids
de marc ) il faut la traite de 70 vaches Suiffes , &
fix hommes occupés, tant du foin des beftiaux que
des travaux de- la laiterie. Dans l’été on tire les
vaches entre cinq & fix heures du foir. Les foixante
& dix vaches donnent environ trois brentes & demie
de lait de quatre-vingtrdix bocaux mefure de Mi-an:
on porte Ce lait dans la laiterie fitôt qu’il eft tiré ,
& après l’avoir coulé on le diftribue dans des vafes
de cuivre fort plats , que leur forme a fait nommer
piattole. Ces vafes font ronds & larges ; 011 les
emplit à la moitié de leur profondenr , & on laiffe
repofer- le lait en, cet état julqu’au lendemain matin :
c’eft alors que depuis trois heures & demie jufqu’à
cinq heures & demie on tire, les vaches ; elles don^
nent deux brentes & demie de lait; avant de diftri-
buer ce lait nouvellement tiré , dans les piattole, on
lève la crème qui s’eft formée deffus celui de la
veille ; enfuite on achève d’emplir les piattole , &
après qu’on a laiffé repofer le mélange environ
deux heures, on enlève le peu de crème qui fe
trouve raffemblé à la furface.
Je dois faire obferver ici qu’il y a beaucoup moins
d’inconvéniens à craindre en mêlant les traites de
la veille au foir & du lendemain matin, qu’en
réunifiant les traites du matin & du foir d’un même
jour ; car la traite de la veille a moins de chaleur à
effuyer, & court par conféquent moins le rifque
de tourner jufqu’à ce qu’elle foit mêlée avec celle
du lendemain matin, que la traite du matin n’en
courroit fi elle effuyoit avant fou mélange la plus
forte chaleur du jour. Nous verrons par la fuite que
c’eft une pratique affez générale dans la fabrication
des autres fortes de fromages.
Revenons maintenant à la ; fuite des travaux de
la laiterie. On tranfÿafe le lait des piattole dans de
grands féaux avec lefquels on le verfe dans la chau-*
d iè re q u i tient environ*fept brentes, & qui fe place
fur un fourneau difpofé convenablement : on commence
par faire dans le fourneau un feu très-foible
avec des fagots de branches de faules o.u d’autres
; arbres , & on le ménage de manière que le lait
prenne infenfiblement une chaleur douce ; on retire
S pour lors la chaudière de deffus le fourneau ; on
mêle au lait une once & demie de préfure ( c’eft-
à-dire un peu moins de deux gros ) & on laifié le
mélange dans cet état jufqu’à ce que le lait foit pris ;
on lève la crème qui s’eft formée à la*, furface du
lait .pendant fâ coagulation , puis on divife le caillé-
légérement , & on le laiffe repofer environ une
demi-heure ; après.Lequel temps, le cafier, à l’aide