
reprifes dans un linge de bonne qualité, ou dans
une chauffe faite exprès , afin qu’il foit net au
point d’être parfaitement clarifié.
L’on doit avoir de deux fortes de vernis : l’un
'foible , pour le temps froid; l’autre plus fort, pour
le temps chaud. Cette précaution eft d’autant plus
indifpenfable, que fouvent on fe trouve obligé de
modifier ou d’accroître la quantité de l’ un par celle
de l’autre.
On peut faire le vernis foible au même feu que
le vernis fort, mais dans un vaiffeau féj^aré : on
peut aufli employer, & c’eft mon avis, pour ce
vernis, l’huile de lin , parce qu’à la cuiffon elle
prend une couleur moins brune & moins chargée
que celle de noix, ce qui la rend plus propre à
l’encre rouge dont nous allons parler.
Le vernis foible , pour fa perfeéUon, exige les
mêmes foins & précautions que le vernis plus fort:
toute la différence confifte à ne lui donner qu’un
moindre degré de feu, mais ménagé de telle forte
néanmoins , i qu’en lui faifant acquérir proportionnellement
les bonnes qualités du vernis fort,
il fdit moins cuit, môins épais, & moins gluant
que ce dernier
Si l’on veut faire ce demi-vernis de la même
huile de noix dont on fe fert pour le vernis fort,
ce qui n’eft qu’un petit inconvénient, lorfqu’il
s’agit de l’employer pour faire l’encre rouge, ou
s’épargner la peine de le faire féparément & de
différente huile; il eft tout fimple de faifir l’oc-
cafion de la première cuiffon de l’autre à l’inftant
qu’on lui reconnoîtra les qualités requifes , &
d’en tirer la quantité defirée, & même de celle
qui eft fur le feu.
Les huiles de lin & de noix font les feules
propres à faire le bon vernis d’imprimerie; celle
de noix mérite la préférence à tous égard : quant
aux autres fortes, elles ne valent rien, parce
qu’on ne peut les dégraiffer parfaitement ; &
qu’elles font maculer l ’impreffion en quelque temps
qu’on la batte, ou qu’elle jaunit à mefure qu’elle
vieillit.
Cependant dans quelques imprimeries on ufe
de celle de navette & de chanvre, mais c’eft pour
imprimer des livres de la bibliothèque bleue : ce
ménage eft dé fi peu de conféquence . que l ’on
peut affurer que c’eft employer de propos délibéré
de mauvaife marchandife.
Il y a des imprimeurs qui croyent qu’il eft né-
ceffaire de mettre de la térébenthine dans l’huile
pour la rendre plus forte, & afin qu’elle sèche
plus tôt. Elle produit ces effets, mais il en réfulte
nombre dftnconvéniens. La première difficulté eft de
la faire cuire fi pré'cifément, qu’elle n’épaifiiffe
pas trop le vernis , ce qu’il eft très-rare d’éviter :
alors le vernis eft fi fort & fi épais, qu’il effleure
le papier fur la forme & la remplit en fort peu de
temps : fi la térébentine eft cuite à fon point,
glle forme une pâte affez liquide, mais -remplie
de petits grains durs & comme de fable qui né
fe brôyent jamais.
La térébenthine, ainfi que la litharge, dont
quelque-uns ufent, & font un fecret précieux,
ont encore le défaut de s’attacher fi fort au caractère
, qu’il eft prefque impoflible de bien laver les
formes, quelque chaude que foit la leffive ; d’ailleurs
elles sèchent & durciffent fi promptement,
qu’outre qu’elles nuifent à la diftribution des lettres
, tant elles font collées les unes contre les
autres, elles en rempliffent encore l’oeil au point
qu’il n’y a plus d’efpérarice de le v id e r , ce qui
met un caraâère qui a peu ferv i, dans l’état fâcheux
d’être remis à la fonte.
Dans le cas où par défaut de précaution l’on
eraployeroit pour faire du vernis, de l’huile très-
nouvellement faite, la térébenthine eft d’un ufage
forcé, parce qu’alors il eft inévitable que l’impref-
j fion ne macule pas ; dans cette conjonâure on
peut mettre la dixième partie de térébenthine, que
l’on fera cuire féparément, dans le même temps
en lieu pareil que le vernis, & avec les mêmes
précautions. On la fera bouillir deux heures environ
: pour reconnoître fon degré de cuiffon ,’
on y trempe un morceau de papier; & s’il fe
brife net comme la pouflière, fans qu’il refte rien
d’attaché deffus ce papier en le frottant fitôt qu’il
fera fe c , la térébenthine eft affez cuite.
Votre vernis hors de deffus le feu, vous ver-
fez dans le même vaiffeau cette térébenthine en
remuant beaucoup avec votre cuiller de fer, en-
fuite on remet le tout fur le feu l’efpace d’une
demi-heure au plus, fans eeffer de remuer, afin
que le vernis fe mélange avec la térébenthine. Le
moyen de fe difpenfer de l’ufage de la térébenthine
& delà litharge, & de fe garantir des in-;
convéniens qu’elles produifent, c’eft de n’-em-;
ployer que de f’huile très-vieille.
Le fac à noir eft conftruit de quatre petits foli-
veaux de trois ou quatre pouces d’équarriffage
& de fept à huit pieds de hauteur, foutenus de
chaque côté par deux traverfes; fes dimenfions
en tout fens dépendent de la volonté de celui qui
le fait conftruire ; le deffus eft un plancher bien
joint & bien fermé ; le fond ou rez-de-chauffée,
pour plus grande fûreté & propreté,' doit être
ou pavé ou carrelé i vous réfervez à cette efpèce
de petite chambre une porte baffe pour entrer
& fortir ; vous tapiffez tout le dedans de cette
chambre d’une toile bonne , neuve , & ferrée , le
plus tendue qu’il eft poflible avec des clous mis
à la diftance de deux pouces les uns des autres :
cela fait, vous collez fur toute votre toile du
papier très-fort, & vous avez attention de calfeutrer
les jours que vous appercevrez , afin que la>
fumée ne puiffe fortir d’aucun endroit. Un fac à
noir ainfi tapiffé eft fuffifant , mais il eft de plus
de durée & bouche beaucoup plus exactement,
garni avec des peaux de mouton bien tendues.
C ’eft dans ce fac que fe brûle la poix-réfine dont
■ on veut tirer le noir de fumée : pour y parvenir,
on prépare une quantité de poix-réfine, en la faifant
bouillir & fondre dans un ou plufieurs pots,
Suivant la quantité ; avant qu’elle foit refroidie ,
on y pique plufieurs cornets de papier ou des
mèches fbufrées, on pofe les pots avec ordre au
milieu du fac; enfin, on met le feu à ces mèches,
& on ferme exactement la petite porte en fe retirant.
La poix-réfine confommée , la fumée fera attachée
à toutes les parties intérieures du fac à noir ;
& quand le fac fera refroidi , vous irez couvrir les
pots & refermer la porte ; puis frappant avec des
baguettes fur toutes les faces extérieures , vous
ferez tomber tout le noir de fumée, alors vous le
ramaffez & vous le mettez dans un vaiffeau de
terre ou autre. Comme il arrive qu’en le ramaf-
fant avec un balai il s’y mêle quelque ordure ,
vous avez la précaution de mettre au fond du
vaiffeau une quantité d’eau ; & quand elles font
précipitées, vous relevez votre noir avec une écumoire
, ou au moyen de quelqu’autre précaution ,
pour le mettre dans un vaiffeau propre à le con-
lerver.
Ce noir de fumée eft fans contredit le meilleur
que l’on puiffe 'employer pour l ’encre d’imprimerie
; il en entre deux onces & demie fur chaque
livre de vernis ; je fuppofe la livre de feize onces ;
cependant .c’eft à l’oeil à déterminer par la teinte
de l’encre la quantité de noir.
Pour bien mêler le noir de fumée avec le vernis
, il fuffit d’être très-attentif en les mêlant en-
femble, de les mêler à différentes reprifes , & de
les remuer à chaque fois beaucoup, & de façon
que le tout forme une bouillie épaiffe, qui produit
une grande quantité de fils quand on la di-
yife par parties.
Il eft d’ufage dans quelques imprimeries de ne
mêler le noir de fumée dans le vernis que fur l’encrier;
le coup-d oeil décide également de la quantité
des deux chofes. Je ne vois à la compofition
de cette encre aucun inconvénient, fi ce n’eft celui
de craindre que l’on ne broie pas affez ce mélange
, parce que cela demande du temps ; ou que
l’encre ainfi faite par différentes mains , ne foit
pas d’une teinte égale dans la même imprimerie :
d’où j’infère qu’il vaut mieux avoir fon encre également
préparée , fans fe fier trop aux compagnons.
Encre rouge à l’ufage de P imprimerie.
On fe fert de cette encre affez fréquemment,
& prefque indifpenfablement dans rimpreftion dés
bréviaires, diurnaux & autres livres d’églife ; quelquefois
pour les affiches des livres, & par élégance
aux premières pages. •
Pour l’encre rouge, le vernis moyen eft le meilleur
que l’on puiffe employer ; il doit être fait
d’huile de lin en force & nouvelle, parce qu’elle
ne noircit pas en cuifant comme celle, de noix ,
& que ce vernis ne peut être trop clair. On fup-
plée au noir de fumée, le cinnabre ou vermillon
bien fec & broyé le plus fin qu’il eft poflible. Vous
mettez dans un encrier réfervé à ce feul ufage,
une petite quantité de ce vernis, fur lequel vous
jettez partie de vermillon ; vous remuez oc. écrafez
le tout avec le broyon ; vous relevez avec la palette
de l’encrier cette première partie d’encre au
fond de l’encrier ; vous répétez cette manoeuvre
à plufieurs reprifes, juqu’à ce que vous ayez employé
, par fuppofition , une livre de vernis 6c une
demi-livre de vermillon.
Plufieurs perfonnes mêlent dans cette première
compofition, trois ou quatre cuillerées ordinaires
d’efprit-de-vin ou d’eau-de-vie, dans laquelle on a
fait diffoudre, vingt-quatre heures avant, un morceau
de colle de poiffon de la groffeur d’une noix.
J’ai reconnu par expérience que ce mélange nè
rempliffant pas toutes les vues que l’on fe prapofoit,
il étoit plus certain d’ajouter pour la quantité donnée
d’encre rouge, un gros & demi de carmin le plus
beau; ilre&ifie la couleur du vermillon, qui fou-
vent n’eft pas aufli parfaite qu’on la fouhaiteroit;
il ajoute à fon éclat & l’empêche de ternir : cela
eft plus difpendieux, je l’avoue, mais plus fatis-
faifant. Quand donc vous aurez ajouté ces chofes,
vous recommencerez de broyer votre encre de
façon qu’elle ne foît ni trop forte, ni trop foible,
l ’encre rouge forte étant très - fujette à empâter
l’oeil de la lettre.
Si vous ne confommez pas, comme cela arrive ÿ
tout ce que vous avez fait d’encre rouge ; pour*
la conferver , relevez votre encrier par le bord ,
& rempli fiez- le d’eau que vous entretiendrez, afin
que le vermillon ne sèche pas, & ne fe mette pas
en petites écailles fur la furface du vernis, dont
il fe fépare par l’effet du hâle & de la féchereffe.
Autres encres de couleurs diyerfes. ■
Quoiqu’on n’emploie ordinairement que les
deux fortes d’encre dont nous venons de parler v
on peut en faire de différentes couleurs, en fubfi.
tituant au noir de fumée & au vermillon les.in-
grédiens néceffaires, & qui produifent les différentes
couleurs.. Qn pourroit, par exemple, faire de
l’encre verte avec le verd-de-gris calciné & préparé ;
de la bleue, avec du bleu de Pruffe aufli préparé;
de la jaune, avec de l’orpin ; de la violette, avec
de la laque fine calcinée & préparée, en broyant
bien ces.couleurs avec du vernis pareil à celui de
notre encre rouge. La préparation du verd-de-gris,
du bleu de Pruffe & de la laque fine, confifte à
y mêler du blanc de cérufe pour les rendre plus
claires ; fans cela ces couleurs rendraient l’encre
trop foncée. {Cet article eft de M. L e Breton.')
Nouveaux effais d’imprimerie.
Parmi les tentatives qu’on a faites pour perfectionner
rimprimerie, une méthode découverte en
Ecoffe vers l’an 1.72$ par M. Guillaume Ged, or»