& des étagères fous le faîtage & tout autour de
leur fècherie, pour l’étendre deffus.
Il convient de toucher un mot fur le pétri ffage
de l’indigo, lorfqu’ il commence à fécher dans les
caiffes ; on s’imagine que cette efpèce d’apprêt lui
donne de la liaifon , mais c’eft une erreur : car
cette liaifon ne dépend uniquement que du degré
de la fermentation & du battage qu’il.a éprouvé,
& notamment de ce dernier ; ce qui eft facile à
vérifier par l’indigo d’une cuve qui pèche dans
l’un & l’autre cas : il s’écrafe au moindre choc ,
parce que la façon néceffaire à fa liaifon lui
manque.
On éviteroit prefque tous les accidens à cet
égard, fi comme, dans certains endroits des grandes
Indes, où l’on eft dans l’ufage de pétrir & de fécher
l’indigo entièrement à l’ombre, on le met-
toit dans des caiffes d’un demi pouce de haut;
& fi , après l’avoir féparé par carreaux , on les
diftribuoit dans d’autres caiffes féchées au foleil.
Cette méthode , à la vérité , exigeroit un plus
grand nombre de caiffes ; mais comme l’indigo
fécheroit beaucoup plus v i t e , les caiffes feroient
plus tôt délibérées.
Quand on retire l’herbe de la pourriture, la tige
& les branches n’en paroiffent pas autrement altérées;
mais le feuillage, qui y tient à peine, eft fi
flafque & fi livide, qu’il eft aifé de difcerner que
le fuc des feuilles contribue feul à la formation
de la fécule; il eft cependant permis de penfer
que le corps & l’écorce de la plante, fournirent
quelques lues propres à la fermentation & à la
coloration du jaune. Mais on ne doit pas croire
qu’ils foient feuls capables de compofer le grain
puifque, fi la chenille a rongé toute la verdure,
le refte de la plante ne rend plus rien.
Les habitations où l’on manque d’eau dans les
féchereffes extrêmes, tâchent de conferver celle
qui doit fe perdre dans le vide , & on en remet
le plus qu’on peut fur la nouvelle herbe , afin
d’éviter une partie du tranfport qu’il faut faire
pour remplir la cuve. Ces fortes de cas font bien
rares ; mais on prétend que cet ufage ne préjudicie
point à la fabrique de l’indigo. On doit cependant
préfumer que l’eau de cette nouvelle cuve-,
fera beaucoup plus foncée que toute autre, &
moins propre à une nouvelle diffolution.
Qualités 6» ufage s de l'Indigo f
Le bon indigo non falfjfié aveç de l’ardpife pilée
pu du fable, brûle entièrement lorfqu’on le met
fur une pelle rouge. Il eft léger, flottant fur l’eau ;
& fi on le rompt par morceaux , ,1’intérieur doit
être n e t, d’un beau bleu très - foncé , tirant fur
le violet, & paroiffant cuivré , fi on le frotte avec
un corps poli ou avec le deffus de l’ongle.
5 L’indigo eft utile aux peintres & aux teinturiers.
Il donne eh peinture une belle couleur bleue;
étant broyé & mêlé avec du blanc; il procure une
couleur v erte, étant broyé avec du jaune.
On s’en fert dans-les banchifferies, pour donner
une eouleùf bleuâtre au linge.
Les teinturiers l’emploient avec le vouède
pour teindre en bleu. ■
On dit qu’on peut diftinguer le bel indigo de
la Caroline des autres indigos, par le procédé fui-
vant.
Prenez un morceau de bel indigo cuivré de la
Caroline ; réduifez cet indigo en poudre dans le
mortier ; jettez deffus un peu d’eau bouillante :
au bout de vingt-quatre heures , il fe forme au
deffus de l’eau une croûte blanche ; faites la même
opération fur de l’indigo de France ou d’Efpagne,
& vous ne verrez point cette croûte.
Table des noms & qualités de l'Indigo.
Les habitans de Saint-Domingue diftinguent les
qualités de l’indigo de la manière fuivante, &
l’eftime qu’ils en font eft relative à l’ordre dans
lequel on va les expofer.
Le bleu flottant ou nageant fur l’eau , dont le
grain tendre & peu ferré, forme une fubftance légère
& très-inflammable.
Le violet, qui a un peu plus de confiftance.
Le gorge de pigeon, dont l’éclat approche d’un
violet purpurin, eft encore plus folide.
Le cuivré, ou celui qui a l’apparence d’un cuivre
rouge quand on paflè l’ongle fur un morceau qu’on
vient de rompre, eft le plus ferme de tous.
L'ardoifé & le terne picotté de blanc, compofés
d’un grain fuivi ou fans liaifon, font les dernières
qualités.
On ne fait point entrer dans ce rang l’indigo
dont la pâte eft entre-mêlée de veines ardoifées,
parce que cette efpèce intermédiaire ne forme pas
une qualité décidée.
Prix en France des différentes qualités d'indigo , extrait
de la Galette du Commerce, du 23 janvier.
1770..
A B o r d e a u x .
Indigo bleu & violet cf ^ ü~
de Saint-Domingue. . . 8 10 à 9
D ito , mêlé, 7 5 à 8
Dito, cuivré fin. . . . 6 15
Dito , ordinaire. . . . 6 8 à 6 10
A N 4 N T E S.' '
i f- <S H~ «ƒ
Indigo cuivré fin. 7 . 6 10 à 6 15
Dito, cuivré ordinaire. 6 8 à 6 10
Dito y mélangé.............. 8 à 9
D itQ y blçu, . . . . . . zo à i i
Il vient des pays étrangers d'autres efpèces d’in- I
digo , qu'on nomme , fuivant leurs qualités , le
.laure , le flor, le corticolor, le fobre faliente ,
O u , fuivant les lieux de leur fabrique,
Le guatimalo, du crû de l’Amérique, dans la
Nouvelle Efpagne.
Le Java.
JLe Bayana.
L’indigo farquijfe , qui fe tire d’un village de
même nom, fitué dans les Indes Orientales.
Le Jamaïque.
Le Sgint-Domingue.
Droits d'entrée
L’indigo qui vient des Indes, paie, pour droit
d’entrée en France, dix livres par cent pefant, &
douze'livres deux fols fix deniers, lorfqu’il entre
par Lyon.
Celui des Ifles françoifes de l’Amérique , paie
cinq livres par cent, conformément aux arrêts du
confeil d’état, des mois d’oâobre 1721 & août
1728.
• Celui qui provient de la traite des Nègres, ne
paie que moitié des droits, félon l’arrêt du 2.6 mai
1720.
L’indigo deftiné pour les manufaélures des draps
de Sedan, eft exempt de tout droit d’entrée & de
fortie.
Bleu de Hollande.
Il feroit à fouhaiter, dit M. de Beauvais Rafeau,
que quelque colon de l’Amérique ou quelqu’amateur
des arts, établi en Languedoc, fît diverfes épreuves
fur la morelle , appelée keliotropium tricoccum ou
le tourhefol gallorum , & qu’on traitât cette plante
comme l'indigo 9-avec qui elle a beaucoup de rapport
par fon produit.
En effet, lorfque la morelle eft en fleur, on la
broie pour en exprimer le jus qui eft extrêmement
vert. On trempe dans ce jus des morceaux de
toile ou drapeaux, on les étend au foleil pour les
fécher , on réitère deux ou trois fois cette manoeuvre,
après quoi on expofe ces chiffons ou drapeaux
à la -vapeur des alkalis volatils de l’urine
putréfiée ou d’un flimier chaud, qiii de verts les
rend tout bleus.
Ces drapeaux fortement chargés de cette couleur,
fe vendent aux Hollandois qui ont le fecret
d’en faire l’extraélion , & d’en compofer de petites
maffes qu’ils nous revendent fous le nom de bleu
de Hollande.
Pajlel de Languedoc.
On pourroit faire auffi des effais fur la plante
,du pajlel, dont on fe fert fouvent en France pour
teindre en bleu.
Cette plante fe cultive en Languedoc , principalement
aux environs d’A lby : elle fe travaille
$i/lfi. -
On cueille fes feuilles, on les met en tas fous
un hangard , pour qu’elles fe flétriffent fans être
expofées à la pluie nr au foleil ; on porte ces
feuilles au moulin où on les réduit en pâte, que
l’on pétrit avec les pieds St les mains ; on en fait
des piles dont on unit bien la furface, la battant
afin qu’elle ne s’évente pas. La fuperficie de ces
tas fe sèche ; il s’y forme une croûte ; & au bout de
quinze jours, on ouvre ces petits monceaux, on
les broie de nouveau avec les mains, & l’on mêle
dedans la croûte qui s’étoit formée à la fuperficie^
on met enfuite cette pâte ainft broyée en petites
pelottes. C ’eft-là le pajlel de Languedoc, que l’on
apporte en balles , qui pèfent ordinairement depuis
cent, cinquante livres jufqu’à deux cens. Il
reffeinble à de petites mottes de terre defféchée ,
& entrelacée de quelques fibres de plantes. C ’eft
avec ces mottes de paftel, que l’on fait les cuves
de paftel pour teindre en bleu.
Le vouède ou guefde, efpèce de paftel de Normandie
, ne fournit pas autant de couleur que celui
de Languedoc.
D u M a n i o c .
Les Nègres & Négreffes étant principalement
employés en Amérique pour l’exploitation des in-
digoteries , on a fait mention dans la troifième
planche, de la manière de préparer la farine du
manioc, qui fert à leur nourriture. Nous devons
auffi en parler, relativement aux figures rapportées
dans cette planche , quoique cet article loit de
nature à êtrë traité dans la Botanique , ou dans
quelqu’autre divifion de cette Encyclopédie méthodique.
Le manioc ou magnioc eft une plante , dont la
racine préparée tient lieu de pain à la plupart des
peuples qui habitent les pays chauds de l’Amérique.
"
Le manioc vient ordinairement de bouture ; il
pouffe une tige ligneufe , tendre., caffante , partagée
en pltifieurs branches tortueufes, longues de
cinq à-fix pieds; paroiffant remplies de noeuds ou
petites éminences, qui marquent les places qu’oc-
cupoient les premières feuilles, dont ia plante s’eft
dépouillée à mefure qu’elle a acquis de la hauteur.
Ses feuilles font d’un vert brun , affez grandes
découpées profondément en manière de rayons,
& attachées à de longues queues.
L’écorce du manioc eft même d’une couleur ou
grife ou rougeâtre, tirant fur le violet, & la pellicule
qui couvre les racines , participe de cette
couleur félon l’efpèce, quoique l’intérieur en foit
toujours extrêmement blanc & rempli de fuc laiteux
fort abondant , plus blanc que le lait d’amande
, & fi dangereux avant d’être cuit , que
les hommes & les animaux en ont fouvent éprouvé
des effets funeftes, quoique ce fuc ne paroiffe ni
acide ni corrofif.
Arts & Métiers. Tome III. Partie II, N n n n