
moins vives en couleur, moins garnies de noeuds
& de chevelu que celle de Lille. On penfe que la
garance d’Oiffel efl celle dite rubia fylvejlris monf- ,
pejjulana major.
M. Hellot met au nombre des garances, la plante ,
de la côte de Coromandel, dont la racine teint le
coton en beau rouge. Il nomme cette plante chat,
& il ajoute qu’elle fe trouve abondamment dans
les bois de la côte de Malabar, qu’on la cultive à
Turcovin & à V aour, & qu’on eflime particulièrement
celle de Perfe, nommée durrias.
Nous abandonnons aux botanifles la recherche
de toutes les efpèces de garance ; nous avons indiqué
les principales, & nous devons nous attacher
à l’efpèce qu’on cultive parmi nous, & dont on fait
principalement ufage.
Culture & récolte de la garance. .
La garance fubfifte dans toutes fortes de terres ;
mais elle ne fait point également par-tout de belles
productions. Elle ne fe plaît pas dans les terrains
lecs ; elle aime les terres fubftancieufes, douces &
humides en deffous; mais elle périt dans les terrains
aquatiques ou quand elle efl fubmergée. Elle réuflit
bien dans un fable gras qui efl afîis fur la glaife ;
alors fes racines ne pouvant pénétrer la glaife, elles
«’étendent fur ce fond ; elles s’y multiplient | & y
deviennent fort groffes ; elles font en même temps
plus faciles à arracher.
La garance qu’on cultive dans l’île de Terguès '
■ fcn Zélande , croît dans un terrain gras, argilleux,
un peu falé.
On peut aufli conclure r d’après quelques expériences
de M. de Corbeilles, que les marais deffé-
chés font propres pour la garance.
Quand on veut établir une garancière dans une
terre déjà en valeur, il fuffit de lui donner quelques
profonds labours. Les racines s’étendront d’autant
mieux, que la terre aura été ameublie à une plus
grande profondeur.
Si l’on fe propofe de planter de la garance dans
une terre en friche, il faut détruire les mauvaifes
herbes, qui en rendraient la culture très-pénible ;
il faut mettre la terre en état de labour, & faire
enforte qu’elle foit bien divifée avant d’y femer ou
planter la garance dans les mois d’avril , mai &
juin.
On ne recueille point de graines de la garance
des environs de Lille, parce qu’on y efl dans l’ufage
de couper les tiges de cette plante, avant que la
graine foit mûre & bien formée.
La garance d’Oiffel & celles qui croiffent naturellement
en Poitou & dans d’autres provinces,
fourniffent quantité de graines, ainfi que Yiçari ou
açala de Smyrne. Ces efpèces fourniffent de la
graine dès la première année; & dans la fécondé,
on recueille jufqu’à deux mille graines fur un feul
pied, qui n’auroit pu donner tout au plus que vingt
Ou trente boutures.
Quand on efl pourvu d’une affez grande quantité
de plantes, on en fait couper les grappes aufîitôt
que la plus grande partie de la graine efl mure ;
qn étend ces grappes fur des dr^ps à l’expofition du
foleil. Au bout de deux où trois jours l’herbe étant
fuffifamment sèche, on bat le tout avec des baguettes.
La bonne graine fe fépare aifément d’avec
les grains verds & les ordures. Enfuite on la vanne.
Cette graine efl réputée mûre -, quand elle efl
noire ou violette. On l’expofe une fécondé-fois au
foléil, jù'fqu’à ce qu’elle devienne fonore ; cela efl
d’aùtant plus effentiel, que fi la pulpe qui 1 enveloppe
n’étoit point parfaitement defféchee, elle fe
moifiroit pendant l’hiver ,& feroit périr le germe.
M.^d’Ambourney confeille , pour abréger 1 opération
, de faire couper l’herbe avec la faulx.
La récolte fe fait dans le mois de feptembre ; on
conferve la graine dans des facs , que l’on, tient
fufpendus dans un grenier jufqu’au temps qu’on fe
propofe de la femer ; précaution néceffaire, car les
rats & le s fouris en font friands.
Si on vouloit femer cette graine fur le champ ,
fur une couche, on feroit difpenfé de la faire fécher ,
puifqùe l’humidité qu’elle contient en favori-feroit
la germination.
Lorfqu’on a peu de femence, & qu’on defire une
prompte multiplication, il faut la femer fur couche,
fuivant que M. d’Ambourney l’a pratiqué.
Pour établir cette couche , on fait en terre une
tranchée de deux pieds de profondeur ; on la remplit
de fumier de cheval , d’âne , où de mulet ,
nouvellement tiré de l’écurie ; on foule -bien cette
litière, & ôn en comble la tranchée de trois pouces
plus haut que le terrain. _
' Si le temps efl au hâle , on jette par deffus quelques
féaux d’eau, & on charge cette couche de vieux
terreau ou de terre légère, à l’épaiffeur de quatre à
cinq pouces ; on preffe un peu cette terre avec les
mains ; on la dreffe avec le rateau, & on laiffe paffer
la chaleur du fumier.
On met dans un pot, lit par li t , de la terre & de
la graine qu’on veut femer ; puis on y donne un
léger arrofement. Au bout de fept ou- huit jours,
la graine efl germée & en état d’être femée.
Il fera bon d’établir cette couche le long d’une
muraille , à l’expofition du levant ou du midi, &
avoir foin de la garantir des vents froids avec des
paillaffons , comme on fait pour les melonnieres.
Vers la hn de février, quand la grande chaleur
de la couche efl paffée & la graine germée, on fait
des rigoles à trois pouces de diilance les unes des
autres, & d’un pouce de profondeur , ^ dans lef-
quelles on répand la graine germée mêlee avec la
terre du pot. Il efl commode pour faire les farclages,
que cette graine foit femée par rangées.
Dans le temps de hâle, on donnera un léger arrofement
à cette couche ; & fi l’on craint des gelées
un peu fortes , on fera bien de la couvrir pendant
la jiuit avec des paillaffons. Il faut- avoir foin d arracher
de temps.en temps les mauvaifes herbes.
Les plantes fe montrent ordinairement au bout de
cinq ou fix jours. S] on a foin de les arrofer fréquemment
, elles feront en état au mois d’a v r il,
d’être levées & d’être mi fes en terre.
Quand on jugera que les plantes font affez fortes
pour pouvoir être bientôt arrachées, on mettra de
nouvelle graine dans un p ot, mêlée avec de la terre
pour faire germer comme la précédente, & on la
répandra fur la même couche dès qu’elle auroit été
dégarnie du premier plant. Les cultures feront les
mêmes que pour la première opération, excepté
qu’on fera difpenfé de prendre des précautions
contre les gelées, qui ne font pas alors tant à
craindre.
Ces fécondés plantes pourront être levées &
tranfplantées vers la mi-juillet ; mais on efl quelquefois
obligé de différer cette opération , & de ne
les replanter que lorfque la terre fe trouve humide ;
circonflance abfolument néceffaire, fur-toùten été.
On peut encore faire germer de la graine pour
la troifième fois, & en garnir la même couche ; mais
rarement pourra- t - on la replanter dans la même
année : on fera obligé de la laiffer fur la couche
jufqu’au commencement du printemps de l’année
fuivante ; ainfi on peut faire aifément trois récoltes
de plant fur une même couche.
Si l’on donne à cette couche cinq pieds de largeur
, fur trente ou quarante pieds de longueur, on
aura beaucoup de plant; ce qui efl très-avantageux,
parce qu’en élevant ainfi quantité de plant, on efl
difpenfé de faire des couches qui font moins avan-
tageufes.
Ces femis peuvent encore fe faiire fur des planches
de potager bien labourées & bien amendées ;
alors on couvrira les femences d’un pouce & demi
ou de deux pouces de terreau.
On ne peut femer en pleine terre avant le io ou
le 12 d’avril.
Quand il fera quéflion d’élever ces différents
plants, il faut avoir u rie fingulière attention à ménager
les racines, & à ne faire la tranfplantation
que lorfque le temps fera difpofé à la pluie.
M. d’ÀmbOùrney a encore réufli à femer cette
graine germée dans la garancière même ; mais il
faut pour cela que la terre foit bien ameublie par
les labours.
Le moyen de fe procurer abondamment de la
graine $ efl de fie' point arracher les plantes d’un
champ où les racines feraient affez groffes pour
qu’on pût les employer à la teinture. Au r'efle; ces
plants, qu’on aura laiffé fubfiflër une année de plus
en terre, fourniront Une plus grande quantité de
très-belles racines.
Quand on a une grande quantité de beau plant
élevé fur couche ou en planches, il faut le mettre
en place. Pour cet e ffet, on prépare la terre, & on
la nettoie des mauvaifes herbes ; un homme lève
le plant & le met dans des corbeilles qu’il recouvre
avec de l?herbe ; on tranfporte ces corbeilles à.d’autres
ouvriers qui plantent les pieds de garance avec
la cheville * en mettant un bon pied de diflance
entre chaque rangée , afin d’avoir la liberté de
donner plus facilement de légers labours , & de
réhauffêr les pieds quand il en efl befoin.
Si l ’on fe trouve dans une province où la garance
croît naturellement dans les bois, le long des haies
ou dans les vignes, on peut arracher ces pieds de
garance en ménageant les racines , & fur-tout les
trainajfes ou racines rampantes qui s’étendent entré
deux terres ; on replantera ces pieds en entier, ert
obfervant d’étendre de côté & d’autre les racines
rampantes.
Si l’on a l’attention que ces racines foient près de
la fuperficie de la terre , la plupart poufferont dans
peu de- nouvelles tiges , qui formeront autant de
pieds.
Ce plant fournit beaucoup ; de forte que quatre
milliers fuffifent pour garnir un arpent. Ces gros
pieds pouffent ordinairement avec force, & ils donnent
dès la première année beaucoup de graine, &
encore plus à la fécondé, fi c’efl de l’efpèce d’Oiffel.
La garance fe peut replanter toute l’année, pourvu
qu’on le faffe par un temps humide ; mais la vraie
faifon efl vers la fin du mois de feptembre.
Un bout ou un tronçon de racines, pourvu qu’il
foit garni d’un bouton & d’un peu de chevelu, produira
un pied îorfqu’on le mettra en terre à une
petite profondeur. M. d’Àmbournay a planté avec
beaucoup de fuccès des racines rampantes qu’il
avoit coupées par tronçons garnis chacun de deux
noeuds.
Quand on a dè grandes pièces de terre en garance
, on peut fe procurer beaucoup de provins
fans faire un tort confidérable à la garancière qu’on
cultive pour vendre. Pour cet effet, lorfque la ga*
rance a pouffé des tiges de huit ou dix pouces dè
longueur , on arrache ces tiges. Une partie des brins
viem?avec de petites racines, qui reprennent très-
aifément ; d’autres ne montrent qu’un pçu de rouge
vers le bas, & la reprife de ceux-là n’eft pas aufli
certaine ; d’autres enfin n’ont que du verd & du
jaune ; ceux-là doivent être rejetés , parce qu’il n’eri
reprendront qu’un petit nombre.
Suivant l’ufage de L ille , on arrache le provin
dans le mois de mai; on le prend dans un champ
de vieille garance, & on lé plante à la pioche dans
le champ qu’on veut garnir. Les filions font éloignés
les uns des autres de quinze pouces, & les pieds ,
dans le fehs des rangées , font à trois pouces de
diflânee entre eux. On fait les planches de dix pieds ,
& eUès* font féparées par des fentiers de douze à
quinze pouces de largeur.
Si la garance a été plantée en automne , on doit
fe contenter de donner de temps en temps quelques
labours aux plates-bandes avec une charme légère ;
& lors de cette culture, ©n couche dé côté & d’autrë
les nouvelles pouffes , qu’on recouvre d’une petite
épaiffeur de terre.
rGeuxqui ne font point de cas des couches, fe
contentent de réchauffer les pieds, en chargeant les
planches avec la terre meuble des plate-bandes.
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