
coupable fi on ne mettoit pas cette abondance à
profit.
La ville de Montpellier compte à peu près 40
mille habitans ; elle s’ett procuré , par la réunion,
de plufieurs fources , 80 pouces d’eau, qui lui font
amenés par un aqueduc de 7400 toifes de longueur.
La ville de Carcaffonne, dont le nombre des
habitans eft environ de 30 mille, a dérivé de la
rivière d’Aude la quantité de 250 à ; 300 pouces
d’eau qui parviennent dans cette ville par un aqueduc
de 4 mille toifes.
Voilà les exemples qu’on croit devoir propofer.
Mais répétons que fi les fources qui font aux envi-
,rons d’une ville , fournirent un volume d’eau con-
fidérable, l’on doit fe procurer une abondance au-
delà du néceffaire. L’économie la plus louable & la
mieux entendue quand il s’agit du bien public,,
c ’eft de procurer l’abondance en ce genre, au plus
haut degré de perfection.
Outre qu’il eft agréable à la vue de v oir , dans
une v ille , des fontaines couler abondamment &
fans interruption , c’eft qu’il en réfulte une infinité
d’avantages : le public eft fofvi plus promptement;
une eau toujours pure répand dans les rues la fraîcheur
& la propreté ; l’air en eft plus fain, & s’il
furvient un incendie, le fecours eft prompt, au
lieu que le défaut d’abondance le rendroit lent, &
fa lenteur le rendroit infuffifant.
De la réunion des fources j & des 'moyens d’en
augmenter le produit.
Si une feule fource dont.l’eau aura été analyfée
& trouvée de bonne qualité, fournit un volume
fuffifant pour remplir les vues d’une v ille , il fuf-
fira de lui pratiquer un regard ou baffin couvert,
d’où partira le tuyau ou l’aqueduc pour la conduire
à la ville.
Mais fi on ne peut fe procurer ce volume que
par la jonction de plufieurs fources différentes, il
convient de foumettre à l’effai l’eau de chacune
en particulier , pour n’admettre dans la réunion
que celles qui donneront une eau falutaire , & dé-,
tourner- celles dont l’eau n’auroit pas les qualités
défirables.
S’il arrivoit que la fociété de toutes ces fources
jaugées, éprouvées & reconnues bonnes' de leur
nature , ne fournît pas un volume tel que la ville
pourroit le défirer , & qu’on voulût l’augmenter,
il faudra fonder le terrein dans les environs, fur-
tout vers la partie du nord où les fources font ordinairement
plus fréquentes^ plus abondantes. Pour
cet effet, on creufera par intervalles de petits puits
qui ferviront à guider dans la recherche des eaux ,
qui affineront l’effet des tranchées avant leur excavation
, & en fixeront la profondeur & la direction.
S’ilfe manifeftede petites fources ou de petits filets
d’eau dans chacun de ces puits, on fera autour de
cette partie de la côte ou du terrain une tranchée
dont la deftiriation fera de ramaffer dans une pierréè
tous les rameaux d’eau qui y fourdront, & qui par
une ou plufieurs branches de communication, viendront
fe réunir aux fources principales pour en augmenter
le produit.
Si ces fources fe trouvent ou à mi-côte ou au bas
d’une côte, fur-tout vers le feptentrion , il eft à
préfumer qu’elles ne ‘font pas feules, & qu’elles
font avoifinées de plufieurs autres q u i, dégagées
de leurs obftàcles, ne demandent qu’à paroître également
fur l’horizon.
Conflrutfion du baffin oh les fources doivent être rèu
nies avant leur départ pour la ville.
Il faut bien fe garder de pratiquer le baffin de la
jonétion des fources, & qui doit être le point de
leur départ, de façon qu’elles foient jamais expo-
fées à fe gonfler , & à excéder la hauteur & fur-
monter le niveau qu’elles ont obfervè jufqu’à ce
jour dans les veines de la terre, & dans leur baffin
naturel : il faut leur laiffer un libre écoulement ; &
pour cet effet, il faut’ conftruire ce baffin de réunion
de manière que toute fa profondeur foit en
contrebas de la fuperficie ordinaire du courant de
ces fources; autrement on courroit le rifque de les
perdre , finon en total, du moins en partie.
' En effet, perfonne n’ignore qu’en captivant une
fource on peut la forcer de remonter au niveau de
fon principe , & fi on lui pratique un baffin immédiatement
au deffus de l’endroit où elle vient du
fein de la terre paroître fur l’horizon, & qu’on lui
permette de s’y élever à une plus grande hauteur
que de coutume, alors félon la loi des fluides-, elle:
tend à s’élever à la même hauteur dans toute l’étén-
due de fa foute foüterraine ; elle force conféquem-
ment fon conduit naturel.
Si un terrain léger fe prête à fes efforts, elle fe
forme de faux fuyans de toute part, difparoît tout
à coup, & fa difparution répand l’alarme là oii l’on
comptoit fur le bienfait de fes eaux. En vain iroit-
on à fa recherche ; elle a déguifé fa trace & difi
fimulé .fa Fuite ; elle eft perdue fans reffources.
Cet accident n’eft. point fans exemple. Il eft arrivé,
en 1724, dans une' grande ville du royaume
de France, où pour établir des fontaines publiques
on avoit adopté une fource dont la fidélité étoit
conftatée depuis un temps immémorial. Un entrepreneur,
dans le deffein de fe procurer plus de
pente, voulut faire gonfler cette fource, & l’exhaufia
au deffus de fon cours ordinaire. Docile aux loix
delà nature, elle fe gonfla' en effet ; mais tandis
qu’on fe félicitoit de cette belle opération, & que
l'on faifoit les préparatifs néceffâires pour conduire
cette fource dans la: ville qui la défiroit depuis
long-temps, elle difparut totalement, & fa perte
irréparable occafionné à cette ville la néceffité d’une
machine.
On mettra lëS fources d’une ville à l’abri de cet
accident, en prenant les précautions indiquées ci-
deffus.
On conftruira donc un baffin au deffous, & à
l ’extrémité de la maitreffe pierrée dans laquelle viendront
aboutir toutes les fources. Il fera conftruit en
maçonnerie à chaux & à ciment ; & pour obvier
à la perte de l’eau, on y pratiquera en mortier de
chaux & fable des contremurs, entre lefquels &
le mur flottant, on aura foin d’établir un corroi de
glaife. L’aire ou plafond de ce baffin fera également
conftruit de façon qu’il ne' laiffe aucune voie à la
filtration de l’eau.
La longueur & la largeur de ce baffin feront déterminées
eu égard au produit des fources. Quel que
foit ce produit , on pourra fixer ce baffin à dix-
huit ou vingt pieds de long, fur dix a douze de
largeur, vu qu’on ne doit pas le regarder comme
un réfervoir de provifion , mais comme un fimple
regard, où l’eau après s’être purifiée & jaugée,
partira auffi-tôt pour la v ille , afin qu’elle s y décharge
du plus grand nombre de parties étrangères
dont elle aura pu s’altérer dans le fein de la terre.
On partagera ce baffin fur fa longueur en quatre
cafés différentes , & féparées par des cloifons dont
la hauteur ira en décroiffant : l’eau fe précipitera en
forme de cafcade de cloifon en cloifon.
Parvenue dans fa troifième café, elle fe filtrera
à-travers le gravier & cailloutage dont cette café
fora remplie, & qui fera renouvellée ou nettoyée
de temps à autre. .
Le haut de la cloifon de cette troifième café fera
de niveau avec les bords du baffin ; &, la café fera
percée'à jour par le bas, afin que l’eau parvienne
calme & pure à la quatrième où elle fera jaugée.
La deftination de cette cloifon de jauge fera de
mettre le fontainier de la ville en état de connoître
& d’eftimer dans tous les temps -le produit des
-fources, & de comparer le volume qu’elles fourniront
dans ce premier dépôt avec celui qui parviendra
au premier château d’eau de la ville où
il y aura également line jauge de comparaifon.
On pratiquera à ce baffin une décharge pour enlever
le trop plein ou l’excédent des eaux, s’il arrivoit
que lês fources vinffent à fournir au-delà
de ce que la conduite enleveroit pour la ville.
Il y aura pareillement une décharge de fond à
laquelle viendra aboutir l’eau de toutes les cafés,
& dont l’ufage fera de mettre ce baffin totalement à
foc, lorfqu’il faudra le nettoyer, ou qu’il furviendra
quelques réparations à y faire;
Il faudra alors détourner le cours des. fources
dans- le ruiffeau où elles coulent aduellement, ce
qu’il faut avoir foin de rendre praticable.
Les contremurs échauffés formeront le mur d’enceinte
de ce baffin, de façon que l’épaiffeur du mur
flottant & du corroi de glaife, conftitueront: tout,
autour une banquette de trois à quatre pieds de
largeur pour faciliter la vifite, le nettbeiment &
les réparations lorfque le hefoin s’en préfentera.
Il faut voûter ce baffin & couvrir l’extrados dé
la voûte en dales de pierre ; ou on lui pratiquera une
couverture ordinaire pour le mettre à l’abri des
infultes des malveillans, de la chûte des feuilles
& autres corps étrangers., dont le mélange ne man-
queroit pas d’altérer la qualité de l’eau.
Si le terrain eft marécageux, on fora obligé de
fonder ce baffin , ou fur un grillage de charpente,
ou fur des racinaux 8c des plate-formes ; mais il
faudra bien fe garder d’y battre des pieux, vu le
danger qui pourroit en réfulter pour les fources.
Du flanc de ce baffin qui répondra du côté de
la ville , partira l’aqueduc ou la conduite, qui delà
ira aboutir au premier château d’eau de la ville.
Efpèces de tuyaux qu'il convient d'employer.
Si le produit des fources & l’abondance d’eau
que l’on voudra procurer à la ville exige un aqueduc
, fa hauteur & fa pente feront fixées & déterminées
eu égard au point du départ de l’eau, &
au terme de fa deftination. La largeur & profondeur
de fa rigole, & l’épaifleur des parois de cette *
rigole, feront dimentionnées fur le volume d’eau
& fur la vîteffe refpeCtive à la pente.
Mais fi la quantité d’un < olume n’impofe pas là
néceffité d’un aqueduc, on prendra le parti de placer
une conduite dont le calibre fera déterminé en
raifon du volume d’eau & de la vîteffe qui réfultera
de la fupériorité du baffin au deffus de la cuvette
du premier château d’eau érigé dans la ville.
Il n’eft perfonne qui ne connoiffe les différentes
efpèces de conduits que l’on peut employer à cet
effet. Quoiqu’il y ait plufieurs villes, dont les fontaines
publiques ne font formées que par des tuyaux
en bois d’aune & de chêne, & qu’il y en ait d’autres
où tous les tuyaux font en grès, ou en terre cuite,
revêtus d’une forte chemife ou enveloppés de ciment
, ces deux efpèces de conduits font fujets à
trop d’inconvéniens pour en propofer l’ufage.
Emploi des tuyaux de fer de fonte au dehors de
la ville, v
Les tuyaux en fer de fonte font ce que l’on peut
propofer de mieux dans la campagne. Ils font plus
folides & plus durables que ceux de bois & de
grès ; ils occafionnent moins de frais que ceux de
plomb, & ne font point expofés à être volés. Tous
les naturaliftes nous Apprennent que l’eau qui y
coule eft très-faine, & ne peut y contracter aucune
mauvaife qualité.
Ces tuyaux font ordinairement de trois pieds
& demi de longueur ; on les achète où à la livre
ou à la toife., Si on fait prix à tant la toife, il faut
avoir foin qu’ils aient uniformément par - tout l’épaiffeur
convenable : fi on les achète à la livre
on doit veiller à. ce que le poids n’excède pas. On
peut avoir ces,tuyaux fournis à .la forge à 75 ou
8o.-livres le millier.
Il s’agit d’apprécier le tranfport, afin que l’on
foit^en état de Calculer combien il en faudra de
milliers pefant pour toute la conduite, eu égard à
fa longueur dèpuis le baffin jufqu’à la ville , à fon
diamètre 8c à ion épaiffeur refpeCtive j il fuffit de