
plaines baffes ; mais d’autres gramens & le trèfle la
remplacent avantageuse ment.
Les gramens communs font les plantes dominantes
, avec la petite ofeille, fur les Sommets inférieurs.
Le lait qui en provient donne moins de
beurre & de fromage , & l'a pâte de ces fromages
a moins de fermeté , & tourne plus aifèment à
l’alkalefcence.
Les plantes graminées font d’une vigueur extraordinaire
dans les prairies baffes ; les touffes garnies
d’herbes s’élèvent à une hauteur conlidérable. Il y a
peu de plantes odorantes : au lieu que les fourrages
qu’on tire des prairies hautes s ont une odeur forte
& même agréable; c’eft un mélange de plufieurs
plantes odorantes avec les trèfles & les gramens.
g .m . Traitement des befiiaux pendant toute l’année.
Les vaches quittent les fermes des vallées ou
des plaines baffes, & montent dans les pacages des
fommets élevés, depuis le 20 mai jufqu’au premier
juin , plus tôt ou plus tard , fuivant. que les montagnes
font plus ou moins hautes , on que l’année
eft plus ou moins avancée : d’ailleurs, l’afpeâ d’une
montagne vers le nord ou vers le midi, avance ou
retarde , à hauteur égale, la montée des beftiaux de
plufieurs jours.
L’étendue des pacages deftinés à nourrir 40 à
50 vaches , s’appelle vacherie. C ’eft un canton limité,
& qui eft pris au milieu des deux premières claffes
de pâturages que nous avons diftinguées ci-d#ffus.
On comprend aifèment que leur étendue doit varier
fuivant la bonté du fol & la qualité des pâturages.
La fuite d’une vacherie comprend les taureaux
, les veaux & les cochons.
Dès que les vaches font arrivées dans les pâturages
qu’on leur deftine, l’ufage eft de leur en laiffer
parcourir toute l’étendue : au bout de quelques
jours, les vachers ou gens prépofés à leur garde,
limitent & ci.rconfcrivent les pacages, en diftribuant
les différens cantons qui leur conviennent, fuivant
les parties du jour : le matin, on mène les beftiaux
d’un côté de la montagne , & le foir de l’autre ;
vers le midi, on les raflemble dans l’endroit où ils
pafferit la nuit pendant tout le temps que dure la
montée : c’eft un parc entouré de haies, qu’on a foin
de placer à côté d’une fource ou d’un ruiffeau abondant
; c’eft là auffi que l’on conftruit là cabane où
fe fabriquent les fromages , & où couchent les
Vachers ; on ménage dans ce même endroit, un petit
logement pour les veaux, & une hute pour les
cochons.
Les pâturages du matin & du foir s’appellent
aiguade; & le lieu où fe repofent les beftiaux à midi.
& la n u it, fumade , parce que ces beftiaux par-,
qués engraiffent la partie des pâturages enfermes
dans l’enceinte du parc.
Les vaches ne reçoivent aucun panfement pendant
tout le temps du féjour qu’elles font à la montagne
ou dans les pacages : on fe contente, dans les
cantons expofés aux vents froids, ou les plus découverts,
d’abriter les parcs par le ffloÿen de claies
très-épaiffes , faites de branchages propres à rompre
le cours de ces vents ; on tourne ces claies du
côté qu’ils foufflent le plus.-
Vers la fin de feptembre , les beftiaux defcendent
des montagnes pour fe répandre dans les fermes
de la Limagne & des autres vallées ; c’eft là qu ils
pacagent d’abord, jufqu’ à la Touffaint, & même
au-delà, des dernières herbes des prairies ; apres
quoi ils font nourris dans les granges, fans fortir,
de foin & de paille de feigle : leur nourriture en
foin, eft eftimée à environ 15 livres , dont le tiers
eft en paille. ■
Les dernières herbes , appellèes regains, font
particulièrement réfervées pour les vaches qui
donnent du lait en defcendant de la montagne :
scette nourriture leur procure une grande quantité
■ de lait. On ne fait prefque pas de litière aux beftiaux
pendant l’hiver , dans les fermes & dans les
granges ; & c’.eft une affez mauvaife pratique: on
le contente de monder, les etables chaque jour : un
lit de paille foulageroit les vaches qui font habituées
à fe coucher affez mollement fur le gazon pendant
la montée ; au lieu qu elles font réduites a fe
coucher l’hiver fur les pierres ou dans la boue : ce
féjour & cette fituation, pindant 1 2 a 15 heures ,
doivent leur être fort nuifibles, & les faire dépérir.
Quelques bons fermiers les font étriller de temps en
temps, pour les nettoyer de la bouze dont elles
font couvertes , & faciliter , par ce moyen, la
tranfpiration : voilà le feul foulagement qu elles reçoivent
pendant leur hivernage. Je ne dois pas ,
cependant, oublier qu’on donne aux vaches ; pendant
l’hiver, une petite quantité de fe l, & que cette
nourriture leur fait beaucoup de bien.
§. IV. Des* veaux & vejles.
Sur huit vaches , on compte qu’il y en a une de
ftérile ou qui avorte. Dès que le veau eft ne ( il eft
très-rare qu’il y en ait deux) il confomme d’abord
tout le lait de la mère : au bout de quinze jours , on
ôte à la moitié des vaches leurs veaux, de forte
qu’il ne refte qu’un veau pour deux vaches &
alors ce veau tette abondamment : les veaux qu on
enlève font vendus, & le prix*eft employé aux frais
de l’exploitation.
On fouftrait les veaux aux vaches , non-feulement
pour avoir le profit de leur vente , mais pour
pouvoir tirer les vaches, & faire des fromages de
l’excédent du lait. Avant de traire les vaches, on
leur lâche les veaux qui les tettent : on prétend
qu’on tire plus aifèment les vaches, après queles
veaux ont commencé à les tetter. Dès que les
veaux peuvent manger du foin ou paître , on les
mène pacager dans les endroits les plus fecs de la
montagne , parce qu’on a remarqué que ces pâturages
leur conviennent le mieux ; on leur augmente
aufîi le foin , à mefure qu’ils deviennent plus
forts. On leur diminue infenfiblement le la it, en
he leur laiffant tetter qu’une feule vache des deux
* u’ils tetoient d’abord; & dans la fu i t e e n ne leur 1
abandonnant qu’un feul mamelon d’une de ces deux
vaches ; & enfin, la moitié du lait de ce mamelon,
dès qu’ils font affez vigoureux, jufqu’à ce qu’on les
en sèvre entièrement.
Il eft très-effentiel de ne pas trop épargner le lait
aux veaux , & de s’affurer. de la quantité du lait
qu’on leur abandonne : faute de ces attentions, on
n’a que des élèves maigres, qui croiffent difficilement
, & qui reftent toujours foibles.
Le produit de la multiplication des veaux &
vefles , ajouté .à celui des grains qu’on recueille
dans les fermes, eft confédéré ordinairement comme
fuflifant pour l’entretien annuel des fermes , &
pour fournir aux frais de l’exploitation de .la montagne.
La vente des Veaux & vefles^ forme , en
Auvergne, une branche de commerce qui n’a point |
de centre fixe. Le Poitou, l’Agenois & le Languedoc
tirent d’Auvergne les beftiaux pour en garnir les
fermes : ordinairement, c’éft dans le temps qu’ils
quittent les montagnes , qu’on les conduit dans ces
provinces, par troupeaux nombreux. J’en ai vu
plufieurs fois traverfer le Limoufin pour fe rendre
dans les pâturages du bas Poitou & de l’Angou-
mois, où ils achèvent de prendre leur aceroiffe-
ment & de fe fortifier, au point de pouvoir être
appliqués aux charrois & à la culture des terres au
bout de trois à quatre ans.
§ . V. Manière , de faire les Fromages d'Auvergne.
Dans les Monts-Dor, ou fur les montagnes du
Cantal & de Salers, on fait des fromages connus
fous le nom d^ Fromages du Cantal ou d'Auvergne.
Il y en a de deux fortes ; les uns qu’on appelle Fromages
de Formes , & dont on verra la configuration
& le volume dans les figures & dans les détails
qui fuivront ; les autres appellés Chabrilloux, parce
qu’ils font faits communément de lait de chèvre,
font cylindriques & fort petits.
Nous avons décrit les pâturages où font diftri-
bués les beftiâux qui donnent le lait avec lequel fe
fabriquent ces- fromages : nous avons dit que ces
pâturages étoient partagés par cantons, qu’on nomme
Vacheries. On voit au cente de ces vacheries ,
une cabane qu’on appelle Buron , & qui fert à loger
les vachers, les inftrumens de la laiterie , & à faire
les fromages. A côté eft ordinairement la laiterie
où l’on met le la it, pour en retirer la crème, &
où l’on dépofe les fromages & le beurre qu’on fale.
Ce bâtiment eft très-bas & très-frais ; on excave
le terrain fur lequel il eft conftruit ; il n’a qu’une
ouverture étroite par le toit de paille ou de gazon
qui le recouvre, encore tient-on cette ouverture
fermée affez exa&ement pendant la chaleur, par
une botte de paille qu’on lève & qu’on abaiffe à
l’aide d’une bafcule. On joint à ces bâtimens un
parc où l’on enferme, lès vaches pendant la nuit.
: Ce parc eft fermé de haies ou de paliffades mobiles,
& gardé par des chiens, qui font ordinairement
des dogues de la groffe efpèce, fort aguerris contre
les loups.
Quatre ou cinq hommes qui ont des grades &
des occupations différentes , lavoir, le vacher, les
aides, le goùri & le vedelet, font employés à l’exploitation
d’une vacherie, ordinairement compofée
de 50 à 60 vaches. Lorfque la vacherie n’eft compofée
que de trente vaches , en ne donne que deux
aides au vacher ; ce dernier a l’infpeéfion générale
fur les opérations économiques de l’établiffement,
fait les fromages, & prend un foin particulier de la
laiterie. L 'aide ou boutetller, tire les vaches, eft admis
à faire les fromages, & partage les autres travaux
de la laiterie. Le gouri ou pâtre, garde les vaches ,
les tire , & eft chargé de la nourriture des cochons
qu’on élève dans la vacherie. Enfin, le vedelet.
garde les veaux qu’il mène paître féparément, les
fait tetter en les liant aux pieds de leurs mères , &
tire les vaches-au befoin. Malgré cette diftribution
exâéle des différens travaux de la vacherie , on ne
peut s’empêcher de dire qu’il^ règne dans toute la
laiterie & dans les cabanes ou burons, une malpropreté
qu’on ne fauroit trop s’efforcer de détruire.
On tire les vaches deux fois par jour, le matin
avant de les mettre dans les pâturages, & le foir
fur les cinq à ftx heures. Enfuite, lorfqu’il refte du
temps, on les laiffe paître autour du parc avant
de les y renfermer. Lorfqu’on veut raffembler les
vaches dans.le parc, le gouri & 'le vedelet les appellent
, & leur diftribuent à chacune une petite
pincée de fel ; ces animaux , habitués à ce régal,
fe rendent promptement au parc, dès qu’ils entendent
le premier appel, qui eft le fignal de la diftribution
; cet appel fe fait toujours fur le même ton.
Après qu’on a trait les vaches, on coule le lait
en le faifant paffer à travers une chauffe d’étamine
blanche , d’un tiffu peu ferré , fig. /. Un des pâtres
préfente la chauffe , qu’il entre-ouvre au deffus d’un
feau cylindrique , qu’on nomme bafle ,fig. 2. Cette
bafte a trois pieds & demi de hauteur, fur deux,
pieds de diamètre ; elle eft garnie de cercles depuis
le haut jufqu’en bas. Deux douves ôppofées diamétralement
, dans lefquelles il y a des entailles ,
fervent à tranfporter ces baftes pleines de lait. Il y
; a aufli vers le bas une ouverture latérale , par le
moyen de laquelle ou foutire la liqueur qu’elles
contiennent,
On met la préfure dans le lait fltôt qu’on l’a
coulé ; on fait que la préfure a pour bafe le lait
qu’on trouve dans l’eftomac d’un veau qui tette.
On prépare ce lait caillé par les fermens naturels
de l’eftomac , en le pétrifiant avec du fel & du lait
nouvellement tiré, & on le conferve en cet état
dans la poche de l’eftomac pour fervir au befoin.
Quelques Vachers l’emploient ainfl ; mais le plus
grand nombre des propriétaires des.vacheries eft
dans l’habitude d’employer une préparation qui
donne à ce ferment plus de force & d’aâivité.
Us mettent tremper un eftomac de veau rempli de
préfure préparée, comme je l’ai dit, dans deux pintes