
La manière de dreffer un potager] eft de le
couper en différentes planches par le moyen du
cordeau & de la toife ; bien entendu que ces planches
feront élevées un peu au deffus des fentiers
qui les entourent. Il faut y pratiquer des couches,
qui font des amas de fumier frais de cheval ou de
mulet, que l’on entaffe par lits à la hauteur de
trois pieds, & même de quatre ; largeur, deux pieds
& demi, plus ou moins , en donnant plus de largeur
au pied qu’à la tête. L’on entaffe, l’on piétine
bien ce fumier, autour duquel on fait un réchaux
ou réchauf ; on couvre cette couche de terreau v if
& gras, ou mieux de terre faélice, à la hauteur de
fept à huit pouces, qu’on affermit en talut fur les
bords.
On ne fème fur couche que quand elle a jeté
fon fe u , ce qui va ordinairement à huit jours.
On y enfonce la main ; & quand elle peut en fup-
porter la chaleur, il eft temps d’y femer.
La longueur d’une couche n’eft déterminée que
par le befoin ou l’emplacement.
C ’eft à l’expofition du midi que l’on doit faire
les couches.
Si le potager eft coupé de murs pour multiplier
les efpaliers , il faut que les quarrés aient du moins
15 à 20 toifes en tout fens, pour y ménager des
plates - bandes , des allées au pourtour , & un
quarré au milieu pour y dreffer de grandes planches.
Le jardinier intelligent diftribuera différemment
fes plantes dans un terrein fec que dans un terrein
gras & humide ; il efpacera plus au large fes légumes
dans un pays gras, où ils viennent plus
forts que dans un pays fe c , où on a affez de peine
à les élever. Dans un pays gras, il tiendra fes
planches un peu élevées, afin qu’elles s’égouttent
dans les allées; dans un terrein f e c , c’eft tout le
contraire.
On doit profiter des différentes natures de terre
qui fe trouvent fou vent dans un même potager.
S’il y a quelqu’endroit bas & un peu humide,
on y mettra des artichaux, betteraves, fcorfonères,
falfifis , carottes , panais , choux, épinars, &c.
Les endroits plus fecs feront remplis de laitues,
chicorées, cerfeuil, eftragon, bafilic , pimprenelle,
baume, pourpier, ail, échalotes, &c. S’il le trouve
quelque terrein meilleur entre le fec & l’humide,
on y élévera des afperges , des fraifes, cardon ,
céleri, paffepierre, &c.
Toutes fortes de fumier pourri, de quelqu’animal
que ce foit, chevaux, mulets, boeufs, vaches, &c.
font excellens pour amender les terres employées
en plantes potagères. Celui de mouton ayant plus
de tel que les autres, il n’en faut pas mettre en fi
grande quantité. On doit penfer à - peu - près la
même chofe de celui de poule & de pigeon ; mais
on ne confeille guère d’en employer, à caùfe des
pucerons dont ils font toujours pleins, & qui
d’ordinaire font tort aux plantes».
Le fumier des feuilles bien pourries n'eft guère
propre qu’à répandre fur les femences nouvellement
faites , pour empêcher que les pluies ou le*
arrofemens ne battent trop la fuperficie, enforte
que les graines auroient peine à lever.
Tous les légumes d’un potager demandent beaucoup
de fumier.
Il faut fur-tout avoir foin de garantir les plantes
potagères des infeétes ou animaux qui en font les
ennemis , ou plutôt trop amis , puifqu’ils cherchent
fans ceffe à s’en nourrir : tels font les courtillières,
pucerons, taons , mulots, mufettes , laires, perce-
oreilles , limaçons, lézards , chenilles, hannetons,
tigres ou agathes , taupes , &c.
Les graines potagères fe fèment en tout temps
fur des couches préparées, où chaque efpèce a fon
rayon à part. On les éloigne les unes des autres ;
& , en arrachant les mauvaifes herbes, on prend
garde d’arracher les graines, car on peut s’y trom«
p e r , jufqu’à ce que la plante paroiffe.
Quand les graines font femées, fi la couche eft
fèche , on l’arrofe, & l’on continue les arrofemens
félon le befoin.
Comme les gelées blanches font mourir les
graines , on a foin de les couvrir, pendant la nuit,'
avec des paillaffons, & on élève les couvertures
à un demi-pied au deffus , pour qu elles ne pofent
point fur les couches. On fe fert auffi à cet effet
de châflis & cloches de verre, de cloches de paille,
ou de cloches de verre à panneaux, où l’on fait
des ados & côtières en puits vers le midi. Lorfque
le foleil eft favorable, on les découvre tous les
matins, & on les recouvre tous les foirs avant la
gelée.
Dès que plufieurs efpèces de ces graines font à
la hauteur qu’on juge à propos, on les tranfplante
à une certaine diftance les unes des autres, félon
leur groffeur. On les repique même fous cloche,
& on hâte ainfi les plants.
Lorfque les couches font refroidies, le maraîcher
les réchauffe en enlevant une partie du fumier, &
en remettant de nouveau fumier qui fermente &
porte la chaleur dans le fein des couches.
La bêche, le rateau , le plantoir, Yarrofoir, font
prefque les feuls inftrumens dont il fait nfage ,
ou le plus d’ufage.
Pour ce qui eft des fleurs qu’on cultive aufft
quelquefois dans les potagers, tantôt on leur donne
du terreau bien confommé, tantôt on leur com-
pofe une terre mélangée de fable, gravier, terr®
de potager, argille, &c.
Le maraîcher doit avoir une ferre pour fes légumes.
C ’eft un caveau ou un cellier voûté, dont
il ferme exa&ement les foupiraux & les avenues
durant la gelée , & pendant les temps humides &
froids. Il y entretient dans le fable les racines &
les légumes d’hiver ; il y fait croître & blanchir
des chicorées fauvages ; il y fait même une moifi
fon de champignons fur des couches de fuinier &
de terreau qui a été çxpofé à l’a ir, qui contient
prefque
prefque toujours les graines imperceptibles des
champignons, difperfées cà & la par le vent.
Ceft-là proprement fon jardin d’hiver ; il y devance
les taveurs du printemps, & il y prolonge
tant qu’il peut celles de l’automne.
Machine pour détruire les taupes.
Comme les taupes nuifent fur-tout par leurs labours
qui arrachent & détruifent les plantes, on
a cru devoir faire connoître ici un moyen propre à
les détruire à peu de frais. Ce moyen confiite en
une petite machine qui eft d’autant moins couteufe,
que chacun peut s’amufer à la faire foi-même.
Elle eft compofée d’une petite planche en forme
de quarré long , de cinq pouces & quelques lignes
de longueur mr deux pouces & demi de largeur,
percçe de fept trous, dont celui du milieu a environ
trois lignes de diamètre ; d’un trou à chacun
des quatre coins , diftant de quatre ou cinq lignes
des bords de la planche, pour recevoir les extrémités
de deux petites baguettes de bois pliant,
auxquelles on fait prendre la forme d’un demi-
cercle d’environ deux pouces de rayon, enforte
que chaque baguette forme une petite arcade; &.
de deux autres petits trous, à cinq ou fix lignes près
des deux qui font dans les coins d’un côté de la
planche, pour recevoir avec l’extrémité des baguettes
le bout de deux ficelles , qu’on y introduit
de manière que les noeuds qui font au bout de
chaque ficelle , conjointement avec l’extrémité des
baguettes, fervent à les y maintenir fermes & inébranlables.
Quand les ficelles font arrêtées dans ces deux
trous par leurs extrémités , on les paffe par chacun
de leurs autres bouts au travers des deux autres
trous qui font aux deux points oppofés de l’autre
côté de la table, & on les réunit enfemble au point
du milieu.
Ces ficelles de dix à douze pouces de longueur
Chacune , étant ainfi réunies, on les attache à une
autre ficelle de cinq à fix pouces de longueur, non
compris- la patte qui fert à l’attacher au bout d’une
perche. Cette ficelle qui s’alonge de deux ou trois
pouces au-delà de la jonftion des deux autres ficelles
, a un noeud à fon extrémité, & un autre à
fon milieu pour-retenir les deux ficelles, & les empêcher
de gliffer lorfque la taupe fe prend.
Cette planche ainfi préparée, on l’affure fur la
terre avec quatre crochets de bois , pour empêcher,
quand la taupière eft tendue, que l’effort de la petite
perche ne l’enlève de terre.
Dans le trou du milieu de cette planche , on met
une cheville de bois pour arrêter le noeud qui eft
à l’extrémité de la ficelle, & pour l’empêcher de
s’échapper du trou quand la perche la tient tendue.
Lorfque la taupière eft dreffée, cette machine
doit être perpendiculaire à la planche, moins longue
que les arcades, & on ne doit l’enfoncer qu’au-
tant qu’il le faut pour empêcher le noeud qui eft
Arts 6* Métiers. Tome III. Partit II.
à l ’extrémité de la ficelle, de paffer au travers du
trou quand la perche la tient en arrêt.
Pour faire ufage de cette machine , on commence
par découvrir la motte ou taupinière que la
taupe a faite. On voit quelle eft la direction de fon
paffage fouterrain , & avec la bêche on coupe le
terrein à côté, de la longueur & de la largeur de la
taupière, c’eft-à^-dire, de cinq pouces & quelques
lignes de longueur fur trois pouces de largeur.
On tend enfuite' la machine, & on la place
dans cette petite tranchée, en obfervant que les
deux bouts où fe trouvent les arcadeà qui portent
fur la terrerépondent exactement aux deux ex-,
trémités du paffage de là taupe.
A la place de ficelles, on peut fe fervir de fil de
fer ou de laiton adouci àu feu.
On doit obferver de boucher avec un peu de
terre, ou avec des gazons, les petits jours qui
pourroient fe trouver aux deux bouts de la taupière*
Lorfqu’elle eft bien affurée, on prend une petite
perche , qu’on enfonce par fon plus gros bout d’un
demi-pied dans la terre , à deux ou trois pieds de
diftance de la taupière ; on la plie enfuite, en la
baiffant jufqu’à ce qu’elle paffe dans la patte de la
ficelle qui tient réunies les deux qui font à côté
des petites arcades.
De quelque côté que' la taupe vienne, il faut
néceffairement qu’en paffant fous une des deux
arcades, elle faffe tomber en pouffant la petite cheville
qui eft au milieu , & le bout de la ficelle qui,
n’étant plus retenu par cette cheville, s’échappe,
par le moyen de la perche qui fait redreffer la fi-
I celle du milieu , & tire violemment celles qui font
dans les deux arcades : au moyen de quoi la taupe
fe trouve prife par la ficelle de l’une ou de l’autre
arcade : la détente de la perche eft un figne certain
de la prife de l’animal.
Communauté des jardiniers, préoliers-maraifchers.
Il y avoit une communauté de jardiniers établie
à Paris, & dont les plus anciens ftatuts font du
mois de février 1473.
Par plufieurs articles de ces ftatuts , il paroît que
cette communauté en avoit eu bien auparavant ,
puifqu’il y eft parlé des maîtres - jurés Jardiniers
comme d’un corps déjà établi, & d’une affez grande
antiquité.
Ces ftatuts furent publiés à fon de trompe en
1545 , & depuis confirmés par Henri III en 1576*
& enregiftrés en parlement la même année.
Les maîtres jardiniers , préoliers & maraifchers,
commç ils font qualifiés dans leurs ftatuts, ayant
trouvé à propos d’en dreffer de nouveaux en 1599,
en obtinrent la même année l’approbation- & au-
torifation de Henri I V , alors régnant, par des
lettres - patentes enregiftrées en parlement le 17
avril de l’année fuivante.
Ces ftatuts furent confirmés au mois de juin 164?,
au commencement du règne de Louis X IV . De
nouvelles lettres de confirmation furent données
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