
On obtient Fèclairciffement déliré par le mou- I
vement de la tafl'e, dont l’agitation produit à peu
près ce que le battage opéreroit en pareil cas
dans la fécondé cuve; c’eft-à-dire, que fi la matière
àvoit affez fermenté dans la première cuve ,
pour que les parties, ayant les difpofitions les plus
prochaines à l’union , s’y déterminaffent par le battage
, il fe forme également dans la taffe de petites
malles ou grains, plus ou moins diftin&s, uiivant
la qualité de l’herbe & le degré de fon développement
dans.-la fermentation prélente*
Quand ce grain, qui n’eft pas plus gros que le
moindre grain de moutarde, eft bien formé, il
cale ou fe précipite , par fon propre poids, au
fond de la taffe , & ne laiffe d’ordinaire à l’eau
.qui le fumage, qu’une couleur claire & dorée,
à peu près lèmblable à de vieille eau-de-vie de
Cognac ; c’eft ce qu’on remarque lorfqu’après
avoir agité la taffe , on la penche tant foit peu
pour laiffer un côté du fond à découvert : on voit
non-feulement les effets ci-deffus, mais encore un
grain fubtil rouler ou s’éloigner du bord le plus
élevé qu’il doit laiffer net, l’eau formant vers ce
bord un filet bien clair & détaché du grain.
On continue de temps en temps cette manoeuv
r é , jufqu’à ce que ces indices fe montrent auffi
clairement que le permettent les circonftances.
x II ne fuffit pas de fonder la cuve par en haut,
lorfqu’on veut en avoir une conhoiffance exaéte :
car l’indigo des mornes ne préfente bien fouvent
qu’un faux grain à la fuperfiçie. D ’ailleurs, l’herbe
qui eft en bas entre bien plus tôt en fermentation
que celle du deffus, qui refte près de deux heures
avant d’être couverte ; & dans les temps pluvieux
• où l’indigo n’a befoin que de dix ou douze heuresr
de fermentation, le haut de la cuve change fi peu,
.qu’à peine y trouveroit-on un grain qu’elle n’a
pas la force d’y développer ou d’y foutenir.
Il eft donc du devoir d’un indigotier de fonder
également fa cuve par en bas, au moyen du cornichon
qui va prendre de l’eau dans le fond ; ou
encore mieux , en lâchant le robinet afin d’en
confronter la différence & continuer alternativement
jufqu’à ce qu’il lui trouve les qualités re-
quifes.
Lorfque la taffe offre à peu près le grain &
Teau qu’on peut attendre de la qualité de l’indigo,
il eft de la prudence de ne pas expofer les prin-
.ripes de ce grain à line plus longue fermentation ,
qui les feroit tomber dans une diffolution dont le
battage ne pourroit les relever ; ce qui entraîne-
jroit la perte de cette cuve : c’eft pourquoi il convient
de faifir ce moment pour couler la cuve ,
& en retirer toute l’eau qui tombe chargée d’un
vert foncé dans la batterie.
Quoiqu’il importe peu en apparence aux indigotiers
de favoir que la couleur verte eft le /ré-
fultat de la combinaifon du jaune & du bleu, il
n’eft cependant pas moins vrai que tout leur tra-
yail ^ ijn rapport direri: & effentiel à la con'noiffafice
de cette loi , & qu’elle n’a rien de frivole
pour eux, puifque tout leur art ne confifte qu’à
développer les principes de ces couleurs,, afin
d’avoir la facilité de les défunir & d’éconduire
enfuite la partie jaune , en réfervant la bleue dont
l’exa&e divifion fait toute la perfeâion de l’art.
L’apprêt que reçoit l’extrait dans le vaiffeau de
la batterie , confifte dans -kt violente agitation &
le bouleverfement qu’occaftoune la chute des bu-
quets. Par ce mouvement, toutes les parties propres
à la compofition de la fécule fe rencontrent,
s’accrochent & fe concentrent en forme de petites
maffes, plus ou moins groffes, fuivant les diffé-
rens états de l’herbe, de la fermentation & du
battage. Ces petites maffes font ce qu’on appelle
le grain.
L’eau fortement agitée & bouleverfée, qui pa-
roiffoit d’abord verte, devient infenfiblement d’un
bleu extrêmement foncé.
Pendant le cours de ce travail, on jette, à différentes
reprifes, un peu a huile de poiflon ou une
poignée de graine de palrna chrijli écrafée , qui
eft fort huileufe , dans la batterie , pour difliper
l’écume épaiffe qui s’élève fous le coup des bu-,
quets.
La groffeur , la couleur , & le départ plus ou
moins prompt de cette écume, fervent encore,
avec les indices tirés de la taffe , à faire juger de
la qualité de l’herbe, de l’excès ou du défaut de
fermentation, & à régler le battage.
Lorfque le grain tarde à fe présenter fous une
forme convenable, on l’excite par la continuation
de ce travail, qu’on gouverne toujours, à l’aide
des indices ei-deffus , jufqu’à ce qu’on en foit fa-
tisfait.
Quand le grain eft fur fon gros, on examine la
diminution que le battage doit nèceffairement lui
occafionner ; c’eft ce qu’on appelle le raffinage :
par ce moyen, il s’arrondit & fe concentre de manière
à caler & à rouler parfaitement au fond de
la taffe. Lorfqu’il eft à ce -point, on ceffe le battage;
l’eau qui tient en diffolution la partie jaune
& les autres principes fuperflus, fe fépare quelque
temps après dè la fécule, & s’éclaircit peu à peu ,
en la fubmergeant tout-à-fait.
Deux ou trois heures fuffifent au repos de la
cuve , quand rien ne lui manque; mais fi on n’eft
pas preffé , il vaut mieux la laiffer tranquille pendant
quatre heures, afin que le grain le plus léger
ait le temps de fe dépofer, & qu’il fe trouve
moins d’eau mêlée avec le fèdiment.
M. de Renne, ancien habitant de Hile de France
laiffoit repofer la batterie pendant vingt - quatre
heures, & ob.tenoit par ce procédé un indigo comparable
au plus beau des grandes Indes»
Quand on veut faire écouler l’eau , on ouvre
d’abord le premier robinet feulement , pour que
l’écoulement n’occafionne aucun trouble dans la
cuve.
Quand toute l’eau qui étoit à cette portée eft
épuifée , on lâche le fécond robinet qui met à
découvert la fécule étendue fur le fond de la
cuve.
Les eaux fortant de ces deux robinets, tombent
naturellement dans le Baffinot ou diablotin, lequel, ■
étant bientôt rempli, dégorge fur le plan du re-
pofoir, d’où elles s’écoulent par fon ouverture,
qui, fuivant les lois du pays, doit déboucher dans
quelque foffe ou marre perdue, parce que cette
eau eft capable d’empoifonner les animaux qui boi-
roient d’une ravine ou d’un ruiffeau ,.avec lefquels
on auroit eu .l'imprudence de la mêler. ( On a
même obfervé que la pouflière de l’indigo étoit ,
pernicieufe à la poitrine, occafionnant des crache-
mens de fan g aux gens qu’on employoit long-temps
au triage de cette denrée.)
Quand Teau de ces deux premiers robinets ,
d’une couleur ambrée & claire, après u\e bonne
fabrique de l’indigo, eft écoulée, on lâche un peu
le troifième robinet, afin de laiffer paffer d’abord
l’eau mêlée avec la fécule. On la repouffe dès
qu’elle fe préfente. On continue ce manège jufqu’à
ce qu’il n’en vienne prefque plus; après quoi on
vide toute Teau du baffinot, pour y recevoir la
fecule.
On fe fert dans quelques fabriques d’une cheville
carrée, à la place de celle qui ferme la troifième
bonde : la fécule s’arrête jufqu’à ce que Teau
fe foit échappée par les iffues que forme le carré;
on la retire enfin pour que toute la fécule, qui ref-
femble en cet état à une vafe fluide d’un bleu
prefque noir, tombe dans le baffinot qu’on a eu
foin de vider auparavant, & on fait descendre un
nègre dans la batterie, pour achever d’amener,
avec un balai, le refte de la fécule vers la bonde.
On place au devant de cette troifième bonde,
un panier pour intercepter tout ce qui lui eft étranger.
S’il en paffe encore dans le diablotin, on enlève
ce qui fumage avec une plume de mer ; on
retire enfuite la fécule au moyen d’un eoui ou
moitié de calebaffe , d’où on la tranfvafe dans des
facs de toile garnis de cordons , par lefquels on
‘ les fufpend des deux côtés aux crochets du râtelier.
On laiffe l’indigo s’y purger jufqu’au lendemain.
Lorfque les facs qui doivent être lavés & fé-
chès à chaque fois qu’on en fait ufage, ne rendent
plus d’eau , on en partage le nombre en deux,
& on fufpend chaque moitié en réunifiant les
cordons de chaque lot. Ce commun affemblage
les preffe , & achève d’en exprimer le refte de
Veau.
Enfuite on renverfe & on étend la fécule, qui
eft encore très-molle, dans des caiffes fort plates
qu’on expofe pendant le jour au foleil fur des
établis, dont une partie eft à l’abri de la fécherie,
& l’autre en plein air. C ’eft là que l’indigo fe
deffèche infenfiblement. Sitôt que le foleil Ta pénétré
, il fe fend comme de la vafe qui auroit
quelque confiftance.
O n d o i t p r é f é r e r l e f o i r a u m a t i n p o u r l e - c o m m
e n c e m e n t d e c e t t e o p é r a t i o n , p a r c e q u ’u n e c h a l
e u r t r o p c o n t i n u e l l e f u r p e n d c e t t e m a t i è r e , e n
fa it l e v e r l a f u p e r f i ç i e e n é c a i l l e s & l a r e n d ra -
b o t e u f e ; c e q u i n ’a r r i v e p o i n t , l o r f q u ’a p r è s c i n q
o u f i x h e u r e s d e c h a l e u r , e l l e , a u n i n t e r v a l l e d e
f r a î c h e u r q u i d o n n e l e t e m p s à t o u t e l a m a f f e d e
p r e n d r e u n e é g a l e c o n f i f t a n c e . O n p a f f e a l o r s l a
t r u e l l e p a r d e f f u s , p o u r e n c o m p r i m e r & r e j o i n d r e
t o u t e s T e s p a r t i e s f a n s l e s b o u l e v e r f e r .
E n f i n , l o r f q u e l’i n d i g o a a c q u i s u n e c o n f i f t a n c e
c o n v e n a b l e , o n e n p o l i t e n c o r e l a f u p e r f i ç i e , &
o n l e d i v i f e p a r p e t i t s c a r r e a u x d ’u n p o u c e &
d e m i e n t o u t f e n s : o n c o n t i n u e d e T e x p o f e r a u
f o l e i l , n o n - f e u l e m e n t j u f q u ’â c e q u e l e s c a r r e a u x
f e d é t a c h e n t f a n s p e i n e d e l a c a i f f e , m a i s e n c o r e
j u f q u ’à'. c e q u ’il p a r o i f f e e n t i è r e m e n t f e c . C e p e n d
a n t , il n ’e f t e n c o r e , f u i v a n t l e s l o is , n i l i v r a b l e
n i m a r c h a n d ; il f a u t q u ’il a it r e f l u é ; c a r a u t r e m
e n t , fi o n l’e n f u t a i l l o i t o n n e t r o u v e r o i t , a u
b o u t d e q u e l q u e t e m p s , q u e d e s f r a g m e n s d e p â t e
d é t é r i o r é e & d e m a u v a i s d é b i t .
C ’e f t p o u r é v i t e r c e t i n c o n v é n i e n t , q u ’o n l e m e t
e n t a s d a n s q u e l q u e b a r r i q u e r e c o u v e r t e d e f o n
f o n d s d é f a f f e m b l é , o u d e t o r q u e s d e f e u i l l e s d e
b a n n a n i e r d e f f è c h é e s , & o n l’y l a if f e e n v i r o n t r o is
f e m a i n e s . P e n d a n t c e t e m p s , l’i n d i g o é p r o u v e u n e
v r a i e f e r m e n t a t i o n ; il s’é c h a u f f e a u p o i n t d e n e
p o u v o i r y f o u f f r i r l a m a i n ; il r e n d d e g r o f f e s
g o u t t e s d ’e a u ; il j e t t e u n e v a p e u r d é f a g r é a b l e ,
f e c o u v r e d ’u n e f l e u r q u i r e f l e m b l e à u n e e f p è c e
d e f i n e f a r i n e ; e n f i n , o n l e d é c o u v r e , & f a n s
ê t r e e x p o f é d a v a n t a g e à l’a i r , il f e r e f f è c h e e n
m o i n s d e c i n q o u f i x j o u r s ; il a c q u i e r t a l o r s p l u s
d e p e f a n t e u r q u ’il n ’e n a v o i t a v a n t d ’a v o i r r e f l u é .
L o r f q u e l’i n d i g o a p a f f é p a r c e t é t a t , il e f t e n t
i è r e m e n t conditionné. M a i s il e f t i m p o r t a n t d e n e
p a s e n d i f f é r e r l a v e n t e , f i T o n n e v e u t p a s { a p p
o r t e r l a d i m i n u t i o n à l a q u e l l e il e f t f u j e t d a n s l e s
f i x p r e m i e r s m o i s d e f a f a b r i q u e . C e t t e d i m i u n t i o n
p e u t ê t r e é v a l u é e à u n d i x i è m e d e d é c h e t , &
m ê m e b e a u c o u p a u - d e l à .
Q u e l q u e s f a b r i q t i a n s f o n t f é c h e r l’i n d i g o à l’o m b
r e , d é s q u e l e s c a r r e a u x q u i t t e n t l a c a if f e ; il e ft
v r a i q u e c ’ e f t u n o u v r a g e l o n g , & q u ’il f a u t p l u s
j d e f i x f e m a i n e s a v a n t q u e l’ i n d i g o f o i t e n é t a t d e
r e f l u e r ; m a i s c e t t e f a ç o n d e l e f a ir e f é c h e r l u i
e ft t r è s - f a v o r a b l e . I l f e m b l e e n a c q u é r i r u n e n o u v
e l l e l i a i f o n , & f o n l u f t r e f e p e r f e c H c n n e p a r l a
d i f l i p a t i o n l e n t e d e s d i v e r f e s f u e u r s , q u i l e c o u v
r e n t d a n s c e t i n t e r v a l l e d ’u n e f l e u r a u f f i b l a n c h e
q u e l a p o u f l i è r e d e l a c h a u x .
C e t t e m é t h o d e n ’e f t p a s f u j e t t e a u m ê m e d é c h e t
q u e l’a u t r e , & p r o c u r e u n e q u a l i t é f u p é r i e u r e :
c ’e f t p o u r q u o i o n n e p e u t t r o p i n v i t e r l e s i n d i g o t
ie r s à f u i v r e c e t t e p r a t i q u e . C e p e n d a n t , c e u x
d o n t l e s é t a b l i s f o n t c o u v e r t s d ’u n e q u a n t i t é c o n -
f i d é r a b l e d e , c a if f e s , n e p o u r r o i e n t g u è r e l’a d o p t
e r , à m o i n s q u ’ils n e y o u l u f f e n t f a i r e u n p l a n c h e r