
dans la même langue. On a rapporté un exemple
de police françoife dans l’article des Car attires
d'imprimerie, premier volume de ce Didionnaire.
} O n a befoin quelquefois de compter la copie
d’un manufcrit, pour favoir combien de formes
ou de pages elle contiendra. Pour cela, on com-
pofe une page, du même caractère & de là même
juftification qu’on veut donner à l’ouvrage , &
1 on marque dans le manufcrit l’endroit ou finit
cette page ; enfuite on compte le nombre de lignes
du manufcrit qui font entrées dans la page de
compofition , & on continue de compter fur le
manufcrit le même nombre de lignes que celui
compris dans la page de compofition, jufqu’à ce
qu il y en ait fufïifamment pour une forme. Enfin,
on compte combien une forme de compofition
contient de feuillets de manufcrit.
Lorfqu’on fait le nombre des feuillets qu’il faut
pour faire une forme de compofition, on fuppute
combien le manufcrit a de feuillets ; & , s’il faut
dix feuillets pour faire une forme de compofition ,
on faura que quarante feuillets font quatre formes;
cent feuillets, dix formes ; ainfi dû refie.
On peut abréger cette opération * en divifant le
nombre des feuillets du manufcrit, par le nombre
des pages qu’il faut pour une feuille de compo-
fition.
Qyant aux titres qui font dans le manufcrit,
comme les parties , chapitres , articles , fetlions ,
paragraphes, ou autres, on doit compofer un titre
de chaque forte avec1 les mêmes vignettes & les
blancs dont on voudra orner un ouvrage, enfuite
compter combien chaque titre contiendra de lignes,
& faire une fupputation de toutes ces lignes, pour
favoir combien elles feront de pages ou de formes.
Si c’efi pour des placards, comme des affiches
en feuille, on prend la jufiification de fes lignes
fur le papier qu’on veut employer à cet effet ;
enfuite on compofe une ligne ou deux du manufcrit
, & on calcule le nombre de lignes que le
manufcrit contient. Si la matière court trop loin,
en la faifant de petit-canon, ôn doit employer le
parangon; ainfi des autres caradères à proportion,
en obfervant de laiffer la marge tant des côtés,
que de la tête & du bas.
De la cajfe.
La caffe eft compofée de deux cadeaux, l’un
fupérieur & l’autre inférieur. Le. cadeau eft une
efpêce de long tiroir de bois, d’environ 33 à 34
pouces de long, fur 14 de large & a 2. lignes de
profondeur : il eft divifé en deux parties égales par
une barre parallèle à la largeur, aufli forte que
celle de la bordure ; & chaque partie eft fous-di-
vifée , par des lattes mifes de champ, en plufieurs
eompartimens nommés cajfetïns, égaux dans le caf-
feau füpérieur, & de grandeurs différentes tdans
Je cadeau inférieur.
On pofe les caffes deux ou trois à côté l’une de
l’autre fur des tréteaux en pente en forme de pupître
: le cadeau inférieur, ou bas de cajfe, placé
au bas de la pente , retient le cadeau fupérieur,
ou haut de caffe. Les cades ainfi affemblées & montées
fur des tréteaux , fe nomment rang de deux
ou de trois caffes. Chaque compofiteur doit avoir
fon rang, & quelquefois plufieurs , fi l’ouvrage
qu’il fait eft fufceptible de trois ou de quatre fortes
de caradères difiérens en groffeur, avec leur italique.
Dans le cadeau fupérieur, dont les caffçtins,
égaux en grandeur , font au nombre de quatre-
vingt-dix-huit, favoir , fept de long fur fept de
large dans une moitié de cadeau, & autant dans
l’autre, on met du côté gauche, félon l’ordre alphabétique
, les majufcules ou grandes capitales ;
du côté droit, les petites capitales fuivant le même
ordre ; & au-dedous des unes & des autres , les
lettres accentuées , quelques lettres liées, comme
plufieurs autres moins courantes, & quelques
lignes, comme crochets , parenthèfes , paragraphes
, &c.
Dans le cadeau inférieur, qui eft compofé de
cinquante-quatre caffetins dé grandeurs différentes,
on place les lettres minufcules pour le difcourS ordinaire
; on les nomme de bas de cajfe, ou finalement
lettres du bas , à caufe de leur local. Ces
lettres ne font point rangées par ordre alphabétique
comme les capitales, mais leurs cadetins font
difpofés de manière que les plus grands, deftinés
pour les lettres qui font le plus employées, telles
que les voyelles, &c. fe trouvent fous la main de
l’ouvrier. On met audi dans le bas de caffe les
chiffres, quelques-unes'des lettres liées, les fignes
de ponduation , les cadrats , cadratins , demi-;
cadratins, & les efpaces.
Des personnes qui compofent une imprimerie.
L e prote, le compofiteur, Yimprimeur à la preffe l
compofent effentiellement une imprimerie. Il convient
de parler de leur perfonne, avant d’entrer
dans les détails de leurs opérations.
Le prote d’une imprimerie étant celui fur lequel
roule tout le détail, & étant obligé de veiller
également fur les compofiteurs & les imprimeurs,
il doit connoître .parfaitement la qualité de l’ouvrage
des uns & des autres, & fur-tout ne pas
trop donner à l’habitude & aux préjugés d’état, qui
nuifent fi fort au progrès de tous les arts. Pour
ce qui regarde la compofition, il doit favoir fa langue
, & être jnftruit dans les langues latine &
grecque ; pofféder à fond l’orthographe & la ponctuation
; connoître & favoir exécuter la partie dut
compofiteur, pour lui indiquer en quoi il a manqué,
& le moyen le plus convenable pour réparer fes
fautes. Quant à YimpreJJion , il doit avoir affez de
goût pour décider quelle eft la teinte , en quelque
forte, qu’il faut donner à l’ouvrage ; avoir l’oeil à
ce que les étoffes foient préparées convenablement ;
favoir par quel endroit pèche la preffe quand l’ouvrage
fouffre , & connoître affez toutes fes parties
pour les faire réparer au befoin , & comme il con-
V Pour la ledure des épreuves, comme c’eft fur lui
que tombe le reproche des fautes qui peuvent fe ghf-
fer dans une éd ition, il faudroit qu’il connut autant
qu’il eft poflibie, les termes ufités, & favoir à quelle
fcien çe , à quel a r t , & à quelle matière ils appartiennent.
Il y a de l’ injuftice à lui imputer les irrégularités
, quelquefois même certaines fautes
d’orthographe ; chaque auteur s’en faifant une à
fon g o û t , il eft obligé d’exécuter ce qui lui eft
prefcrit à cet égard. En un m o t , on exige d un
prote qu’ il joigne les connoiffances d’un grammairien
à l’intelligence néceffaire pour toutes les
parties du manuel de fon talent.
Il faut au compofiteur, pour exceller dans fon état,
une grande partie des qualités néceffaires dans^ le
prote, puifque c’eft parmi fes femblables que l’on
choifit ce dernier. Il a beloin dans fes opérations
d’une grande attention pour faifir le fens de ce qu’il
compofe, & placer la ponduation à propos; pour
ne rien oublier , & ne pas faire deux fois la meme
chofe, fautes dans lefquelles la plus légère diftrac-
tion fait fouvent tomber. Il doit éviter dans fa compofition
les mauvaifes divifions d’une ligne à 1 autre
(on ne devroit jamais divifer un mot d une page
a l’autre) ; efpacer également tous les mots de la
même ligne, & tâcher qu’une ligne ferrée ne fuive
ou ne précède pas une ligne trop au large ; mettre
de l’élégance dans fes titres, fans défigurer le fens ;
qu’il prenne garde, en corrigeant fes fautes, de
rendre fa compofition auffi belle & auffi bien ordonnée
que s’il n’y avoit pas eu de faute.
Un imprimeur à la preJfe doit joindre a une
grande attention fur la teinte &.le bel oeil de l’im-
preflion, beaucoup de capacité pour juger d’où peuvent
provenir les défauts de fon impreflion , foit
dans le dérangement de quelqu’une des parties de
la preffe, foit dans le mauvais apprêt de les balles,
de fon papier & de fes étoffes, foit enfin dans la
façon de manoeuvrer. Son talent eft de faire paroître
l’impreflion également j$ioire & nette, non-feulement
fur la même feuille5; mais fur toutes les feuilles
du même ouvrage, & de faire que toutes les pages
tombent exadement l’une fur l’autre.
Il faut pour une belle imprelfion qu’elle ne foit
ni trop noire, ni trop blanche ; elle doit être d’un
beau gris : trop noire, elle vient pochée, le caractère
paroît vieux, & fon oeil eft plein ; trop blanche
, elle vient égratignée, & fatigue les yeux du
ledewr. Au refte, on en juge mieux à la vue que
par raifonnement.
Il n’eft peut-être pas inutile ici qu’un imprimeur
faffe obferver aux auteurs que c’eft fouvent leur
faute fi leurs livres ontoefoin de fi longs errata. Leur
négligence à écrire lifiblement les noms propres &
les termes de fciences ou d’arts qui ne peuvent être
familiers à un compofiteur, en eft prefque toujours
la caufe. Il eft impoffible qu’un imprimeur entende
affez bien, toutes les matière fur lefquelles il travaille
\ pour ne pas fe tromper quelquefois. Gn engage
les gens de lettres à vouloir bien faire attention
à cet avertiffement, pour que leurs oeuvres ne
foient pas déshonorées auffi fouvent qu’elles le font
par des fautes groflières.
A l’art d’exprimer & de communiquer nos pen-
fées les plus abftraites, à l’art d’écrire, on ne pou-
voit rien ajouter de plus intéreffant, que celui de
répéter cette écriture avec promptitude, avec élégance
, avec corredion & prefque à l’infini, par le
moyen de l’imprimerie. L)e - là vint que bientôt
après fa découverte, les imprimeurs fe formèrent
& fe multiplièrent en fi grand nombre.
Main-d'oeuvre de l'imprimerie.
La main-d’oeuvre de Y imprimerie en lettres, ou
typographie, confifte dans deux opérations principales
; favoir, la compofition ou l’affemblage des
caradères , & YimpreJJion ou l’empreinte des caractères
fur le papier.
. On appelle , .dans l’imprimerie , compofiteur ou
ouvrier de la cajfe, celui qui travaille à l’affemblage
_des caradères.
On appelle imprimeur ou ouvrier de la preffe ÿ
celui qui travaille à l’impreflion ou à l’empreinte
des caradères fur le papier, par le moyen de la
preffe.
Nous allons commencer par les opérations du
compofiteur, qui font la difiribution, Yajfemblage
des lettres ou la compofition, Yimpofition, & la cor-
retlion.
Opérations du compofiteur.
Le compofiteur prend d’abord dans les rayons
ou tablettes de l’imprimerie , deux cajfes du ça-
radère deftiné pour l’ouvrage fur lequel il doit
travailler , une caffe de romain & une d’italique.
Il dreffe ces deux caffes dans le rang ou la place
qu’il doit occuper. Le rang le plus clair eft le- plus
avantageux; & il doit être arrangé de façon que
. quand le compofiteur travaille à fa caffe, il préfente
le côté gauche à l’endroit d’où il tire fon jour.
Le caradère romain étant ordinairement celui
dont il entre le plus dans la compofition, la caffe
de romain fe place le plus près du jou r, & la caffe
d’italique à côté.
S’il y a quelque temps que les caffes n’ont fervi
& qu’elles foient poudreufes, le compofiteur prend
un foufflet, & fouffle tous les caffetins l’un après
l’autre pour en faire fortir la pouflîère, en commençant
par le haut de la caffe. Il regarde en-
fuite s’il n’y a point dans fes deux caffes quelques
lettres d’un autre corps ; s’il en trouve, il les ôte
& les donne au prote (qui eft celui qui a foin des
caradères & des uftenfîles de l’imprimerie) pour
les mettre à leur place. S’il y a quelques fortes
de trop, il les furvide & les met dans des cornets
; ou mieux encore, dans des ca féaux ou grands
tiroirs à eompartimens qui répondent à ceux des
caffes, deftinés à feryir d’entrepôt aux caradères.