
fèvre à Edimbourg, mérite une place dans l’histoire
de cet art utile & ingénieux. M. Ged n’im-
primoit point avec des caractères mobiles, mais
avec des planches métalliques où les caraCtères
étoient fixes & faillans : voici quelle étoit fa méthode.
D ’abord il mettoit, à la manière ordinaire,
en types mobiles la page qu’il vouloit imprimer ;
enfuite , ayant corrigé les fautes qui pouvoient s’y
trouver, il appliquoit aux caraCtères une pâte de
fon invention, qui lui fervoit de moule pour y
jeter fa planche.
La mort de M. Ged en 1749, & celle de fes
fils Jacques & Guillaume à qui feuls il avoit confié
fon fecret, arrivée quelques années après, nous
laiffe ignorer la compofition tant de la pâte que
de la planche. Si fes fils euflent vécu , comme
ils étoient imprimeurs de profefiion , ils auroient
probablement perfectionné la découverte.
En 1744 M. G ed , à l’aide des planches telles
que nous les avons décrites, imprima un Sallufie .
que nous avons v u , avec ce titre : C. Crifpi Sal-
luflïi belLi Catilinarii & Jugurthini hifioriæ. Edin-
burgi Guill. Ged aurifaber Edinenfis non typis mo-
bilibus, ut vülgo fieri folet, fed tabellis feu lamïnis
fujîs excudebat 1744, in-160.
•Nous avons aufli vu une des planches fur lef-
quelles ce Sallufie avoit été imprimé. Le métal
fembloit être de la même efpèce que celle dont
fe fervent communément les fondeurs de caractères
d’imprimerie.
La beauté des livres imprimés de cette manière,
dépend entièrement de la beauté des caractères
où l’on applique la pâte qui fert de moule aux
planches. Quand M. Ged imprima fon Sallufie ,
l ’art de fondre les caractères d’imprimerie n’étoit
point à ce point de perfection en Ecoffe où l’on
l ’y a porté depuis. L’art de faire le papier n’étoit
pas plus avancé dans ce temps-là. Cependant fon
Sallufie eft d’une impreflion belle & nette, 8c on
ne voit pas de différence à cet égard entre ce livre
& d’autres du même temps, imprimés avec des
caractères mobiles.
Les avantages que M. Ged fe propofoit de tirer
de fon invention, étoient principalement les fui-
vans.
Premier avantage. Epargne fur les caraCtères.
Selon fa méthode , il ne faut pas plus de caractère
pour former fes planches , qu’il n’en faut pour
compofer une feuille. Quand la première demi-
feuille étoit compofée, M. Ged formoit là-deffus
fes planches, tandis qu’on- compofoit la fécondé
demi-feuille. On décompofoit les caraCtères de la
première demi-feuille , & on s’en fervoit pour
compofer la troifième , 8c en même temps on
faifoit des planches pour la fécondé, & ainfi de
fuite jufqu’à ce que le livre fût imprimé. Par ce
procédé il y avoit moins d’interruption que dans
1a manière ordinaire d’imprimer, félon laquelle
les compofiteurs font fréquemment arrêtés faute
de caraCtères, jufqu’à ce qu’on ait tiré plufieurs
impreflions d’une première feuille. Car M. Ged
étoit eii état de faire des planches pour une demi-
feuille en moins de deux heures , ce qui four-
niffoit aux compofiteurs une fuite non interrompue
de caraCtères.
En formant les planches, les caraCtères n’étant
point foulés par une preffe , ni remplis d’encre
comme il arrive dans l’impreflion ordinaire , ne
courent aucun rifque d’être caffés ni trop ufés,
ne fouffrant pas du poids de la preffe.
Par ce moyen la dépenfe. fi grande en caraCtères
devient fort modique, le nombre requis étant peu
confidèrable, & ce nombre n’étant point fujet au
dèpériffement.
Deuxième avantage. Epargne furie papier. Dans
la manière ordinaire , il faut tout d’abord tirer
quelques centaines 8c fouvent des milliers d’exem-
-plaires d’un livre pour défrayer les dépenfes de
la preffe, ce qui, en cas que le livre ne fe vende
pas bien , occafionne une perte confidèrable fur
les intérêts de l’argent pour le papier & la main-d’oeuvre
: au lieu que par la méthode des planches,
on peut tirer 100, 50, 2.0, tel nombre enfin
d’exemplaires que l’on veut félon le débit, & fans
qu’il y ait à perdre fur les premières épreuves.
Troifième avantage. Les livres imprimés de cette
manière peuvent l’être très-correctement. S’il s’y
gliffoit quelques erreurs typographiques, 8c il s’y
en gliffera toujours malgré tous les foins des correcteurs
, on peut les corriger tout auffitôt que
découvertes ; car on p eu t, difoit M. G e d , fans
détruire la planche, y changer des mots & même
des fentences , pourvu que les mots & fentences
à mettre ne demandent pas plus d’efpace que les
mots ou fentences que l’on veut ôter; & quand
même on ne pourroit faire ce changement fans
détruire les planches , la dépenfe qu’exigeroient
quelques pages feroit fort peu de chofe.
Par tout ce que nous venons de dire , il eft
clair que les frais d’une impreflion dont on ne
fait qu’une édition , feront bien moins confidé-
rables félon cette méthode que dans la méthode
ordinaire ; mais quand il eft queftion de livres
qu’on redemande fouvent, comme les auteurs
clafllques & autres , les avantages font bien plus
manifeftes 8c plus confidérables. Car après que la
dépenfe ordinaire eft défrayée, en tirant un nombre
d’exemplaires bien moins confidèrable qu’on
ne fait communément à la première édition d’un
livre, chaque exemplaire qu’on tirera dans la fuite
ne coûtera pas la vingtième partie de ce que coûtera
un exemplaire d’une fécondé ou fubféquente
édition faite à la façon ordinaire. Les frais de caractères
, ceux de compofition , correClion , &
l’intérêt fur le papier St la main-d’oeuvre, feront
épargnés.
M. Ged , l’inventeur de cette nouvelle méthode
, par une fatalité affez ordinaire aux hommes
à talens , ne recueillit jamais les fruits qu’il
pouvoit efpérer de fon induftrie. Les fondeurs de
caraCtères
caraCtères 8c les imprimeurs , par des vues inté-
reffées, s’oppofèrent conftamment à fon invention.
Ils s’imaginèrent quelle diminuèrent leurs profits.
Les contradictions qu’il eprouvoit étoient caufe
qu’il trouvoit de grandes difficultés à fe procurer
des caraCtères pour fervir de moule à fes planches,
aufli bien que des imprimeurs pour les compofer.
( Communiqué par un Anglais ampleur. )
Autre imprimerie nouvelle.
Il faut encore citer parmi les effais d’imprimerie,
«n art nouveau de M. Hofman, Allemand établi
en France (en cette année 1784). Cet art qui tient
plus à la gravure qu’aux procédés de l’imprimerie
en -caraCtères mobiles, confifte a tranfporttr, foit
le dejjin , foit l’écriture faite fur une planche de !
métal préparé, en l’appliquant fur une autre planche
de métal aufli préparé, laquelle par la force
d’un mordant en eft auffitôt faifie, & peut exprimer
tout de fuite , par les moyens ordinaires de
l’impreffion en taille douce , tel nombre d’exemplaires
ou d’épreuves de gravurés qu’on veut avoir
parfaitement femblables à l’original,
Preffe nouvelle.
M. l’abbé Fritelli a trouvé un nouveau méca-
tiifme pour la preffe à imprimer. Un feul homme
fait agir cette preffe. Elle a ceci de particulier que,
débarraffée de cette groffe vis qui eft adaptée aux
preffes ordinaires, l’impreflion s’exécute fi parfaitement
, que les lettres paroiffent fans ^ue le papier
en fouffre. Dans les autres preffes, l’effet contraire
eft produit par le ralentiffement des cordes
de fufpenfion. M. Fritelli ne s’en fert point. La
furface plane de cette preffe eft telle qu’on peut
commodément impofer en même temps plufieurs
formes fur le papier le plus grand : on place cette
machine, même au milieu d une chambre, fans
avoir befoin des appuis ou des fupports dont les
preffes ordinaires ije peuvent point fe paffer, pour
conferver une certaine folidité. ( Journal des gens
du monde, vol. I V , ri*. 19, 1783.)
Autres preffes nouvelles.
Plufieurs imprimeurs de Paris, jaloux de contribuer
aux progrès de leur art, font parvenus^ faire
d’heureux changemens dans la preffe ordinaire.
M. Didot l’aîné , . imprimeur de Paris , a
imaginé ou plutôt perfectionné une preffe dont il
fe fert pour fes fuperbes éditions. Cette preffe a
l ’avantage de tirer une forme en un feul temps,
fans que les points de contaCt entre les parties
fupérieures & les inférieures fouflrent le plus léger
dérangement. Tous les mouvemens en font doux,
ménagés 8c précis , les principales pièces de cette
preffe étant contenues dans des rainures portées
fur des roulettes, 8c amenées par un mécaniùne
puiflanc 8c aCtif fans fecouffe 8c fanç contrainte.
M. Didot le jeune, directeur de l’imprimerie de
A r t s & Métie r . Tome 111» Par tie //,
Monfieur , frère du R o i, a aufli imagine un mé-
canifme d’autant plus ingénieux , qu’il eft fimple
& propre à s’adapter à toutes les anciennes prelies.
Il confifte principalement en une vis double fur
un feul arbre , dont celle d’en haut eft attachée ,
comme dans les anciennes preffes , à fon écrou
encaftellé dans le milieu du fommier : & celle d en
bas, dont les filets font en fens contraire à celle
de deffus , entre dans un fort écrou fait en forme
de croix , chaque croifillon diminuant infenfible-
ment d’épaiffeur par le bout, 8c étant fortement
attaché par quatre vis fur le deffus de la platine
qui eft en cuivre . A , ,
Cette platine fe prolonge de chaque cote des
jumelles, par deux oreilles évidées en carre qui
vont chercher un fort conducteur en fer qui sa f-
fujettit -à volonté , avec une vis , dans une cou-
liffe pratiquée exprès à chaque jumelle, & qui la
rend invariable 8c inébranlable. Cette preffe q u i,
à quelques légers changemens près , eft dans la
forme des anciennes, eft conftruite avec une folidité
qui exige très-peu de réparations : elle a
aufli l’avantage de moins fatiguer l’ouvrier, parce
qu’elle tire la forme d’un feul coup; ce qui évité
le doublage 8c rend le foulage plus égal. Elle pourroit
gagner du temps à l’ouvrier, fi l’on pouvoit
trouver un moyen dre diftribuer plus promptement
l’encre fur la forme : mais que l’on ne s’y trompe
point ; lorfqu’il s’agit de faire une belle impreflion ,
les foins qu’il y faut apporter ne demandent point
la célérité des ouvrages ordinaires. : le plus habile
ouvrier, celui qui a le plus de talens ( car il
en faut dans cet état comme dans tous les^autres j ,
ne tirera , avec du vernis très-fort , qu un mille
d’un bel ouvrage , tandis qu’un moins habile tirera
, avec l’encre commune, trois mille d’un ouvrage
ordinaire.’ L’on ne pourroit donc gagner de
viteffe qu’en employant du vernis qui ne feroit
pour ainfi dire que de l’huile ; alors cette prefl’e
feroit :très-avantageufe pour l’imprimeur de 1 A lmanach
de Liège , ou pour ceux qui impriment
de la camelotte.
M. Aniffon Duperon, fils du directeur général
de l’imprimerie royale de France, vient aufli de
. faire exécuter une nouvelle preffe dont il efpère
\ i r e r , pour le ferviee du ro i, des avantages plus
grands, plus prompts 8c plus sûrs que l’ancienne
n’en peut donner.
M. Pierres , imprimeur ordinaire du R oi, a pré-
fenté à S. M. le 7 mai 1784, un modèle d’une autre
preffe de fon invention. Le R o i, apres en avoir
examiné toutes les pièces avec la plus grande attention
, a daigné imprimer lui-même fur ce petit
modèle ; 8c charmé de la facilité 8c de la beauté
de cet effai, a ordonné, pour fon amufement, un
pareil modèle, dont l’inventeur a eu l’honneur de
faire hommage à $a JVl<ijeftè le % juillet 1784.
Nous donnerons quelques détails du mècanifine
de cette nouvelle invention , d après les inftr uç^
tions que M. Pierres a bien voulu nous commis
V Y y v ,