
on doit plufieurs bons articles du traité d’horlogerie
dans l’Encyclopédie; M. Ferdinand Berthoud, fa-
vant & ingénieux horloger, dont les écrits & les
inventions dans fon art font également recommandables
, & qui a aufli fourni d’excellens articles
dans cet ouvrage ; M. le Faute , dont on a un beau
traité d'horlogerie, & grand nombre de fuperbes &
d’excellens ouvrages ; M. Galonde, M. de l’Epin
e , & tant d’autres célèbres artiftes qui font honneur
à la France par leurs découvertes & par leurs
productions ).
Nous devons à ces premiers artiftes grand nombre
de recherches, & fur-tout la pérfe&ion de la main-
d’oeuvre ; car, par rapport à la théorie & aux principes
de l’art de la mefure du temps, ils n’en ont
aucunement traité. Il n’eft pas étonnant que l’on
ait encore écrit de nos jours beaucoup d’abfurdités ;
le feul ouvrage où il y ait des principes eft le Mémoire
de M. R ivaz, en réponfe à un affez mauvais
écrit anonyme contre fes découvertes: nous devons
à ce mémoire & à ces difputes l’efprit d’émulation
qui a animé nos artiftes modernes ; il feroit à fou-
haiter que M. Rivaz eût fuivi lui-même l'horlogerie
, fes connoiftances en mécanique auroient beaucoup
fervi à perfectionner cet art.
Il faut convenir que ces artiftes qui ont enrichi
l ’horlogerie, méritent tous nos éloges, puifque leurs
travaux pénibles n’ont eu pour objet que la perfection
de l’art, ayant facrifié pour cela leur fortune :
car il eft bon d’obferver qu’il n’en eft pas de l'horlogerie
comme des autres arts, tels que la peinture,
l ’architeCture ou la fculpture : dans ceux-ci l’artifte
qui excelle eft non-feulement encouragé & récôm-
penfé ; mais , comme beaucoup de per fonces font
en état de juger de fes productions , la réputation
& la fortune fuivent ordinairement le mérite. Un
excellent artifte horloger peut au contraire pafTer
fa vie dans l’obiCarité, tandis que des plagiaires,
des charlatans & autres marchands ouvriers jouiront
de la fortune & des encouragemens dus au
mérité : car le nom qu’on fe fait dans le monde,
porte moins fur le mérite réel de l’ouvrage que fur
la manière dont il eft annoncé.
C ’eft à l’efprit d’émulation dont nous venons de
parler, que la fociété des arts, formée fous la protection
de M. le comte de Clermont, dut fon origine.
On ne peut que regretter qu’un établiifemeirt
qui aUroît pu être fort utile au public , ait été de fi
courte durée ; on a cependant vu forrir de cette fo-
ciété de très-bons fujets qui ont illaftré l’académie
des fciences , & différens mémoires fort bien faits
fur l’horlogerie. De ccnc.rt avec plufieurs habiles
horlogers , nous avions formé le projet de rétablir
cette efpèce d’académie , & propofé à feu Mrs Julien
le R o y , Thiout l’aîné, Romiiiy, & quelques
autres horlogers célèbres. Tous auroient fort defiré
qu’il réufsit ; mais un d’eux me dit formellement
qu'il ne vouloit pas en être fi un tel en étoit; cette
periteffe me fit concevoir la canfe de la chûte delà
fociété des arts, & déiefpéref de la rétablir , à
moins que le miniftère ne favorisât cet établiffe-
ment par des récompenfes qui ferviroient à dilfipef
ces baffes jaloufies.
On me permettra de parler ici de quelques-uns
des avantages d’une fociété ou académie d’horlogerie.
Quoique l’horlogerie foit maintenant portée à un
très-grand point de perfeftion , fa pofition eft cependant
critique ; car fi d’un côté elle eft parvenue
à un degré de perfedion fort au-deffus de l'horlogerie
angloife,par le feul amour de quelques artiftes,
de l’autre elle eft prête à retomber dans l’oubli.
Le peu d’ordre que l’on peut obferver pour ceux
que l’on reçoit; & plus que tout cela, le commerce
qu’en font les. marchands, des ouvriers fans droit
ni talens ,-des domeftiques & autres gens ifttrigans,
qui trompent le public avec de faux noms , ce qui
avilit cet art : toutes ces chofes ôtent infefiftble-
ment la confiance que l’on avoit aux artiftes célèbres
, lefquels enfin découragés & entraînés par le
torrent, feront obligés de faire comme les autres,
de eeïïer d’être artiftes pour devenir marchands.
L’horlogerie, dans fon origine en France, paroif-
foit un objet trop foible pour mériter l’attention du
gouvernement ; on ne prévoyoit pas • encore que
cela pût former dans la fuite une branche de commerce
aufli confidé-rable qu’elle l’eft devenue de nos
jours ; de. forte qu’il n’eft pas étonnant qu’elle ait
été abandonnée à elle-même: mais aujourd’hui elle
eft abfoiument diftérente; elle a acquis un très-grand
degré de perfeûion : nous poffédons au plus haut
degré l’art d’orner avec goût nos boites de pendules
& de montres, dont la décoration eft fort au-defîùs
de celles des étrangers qui veulent nous imiter : il
ne faut donc plus envifager l'horlogerie comme un
art feulement utile pour nous-mêmes ; il faut de
plus le confidérer relativement au commerce qu’on
en peut faire avec l’étranger.
C’eft de l’établiffement d’une telle fociété que
l’ârt de l’horlogerie acquerra le plus de confiance dè
l’étranger.
Car i°. une telle académie ferviroit à porter
l’horlogerie au plus haut point de perfection , pari
l’émulation quelle exciteroit parmi les artiftes, ce
qui eft certain, puifque les arts ne fe perfectionnent
que par le concours de plufieurs perfonnes qui traitent
le même objet.
a0. Les registres de cette fociété ferviroient comme
d’archives , où les artiftes iroient dépofer ce qu’ils
auroient imaginé ; les membres de ce corps pins
éclairés & plus intéreftés à ce qu’il ne fe commît
aucune injuftice , empêcheraient les vols qui fe font
tous les jours impunément : fur les mémoires que
l’on raffembleroit, on parviendrait à la longue a
publier un traité .’horlogerie très-différent il e ceux
que nous avons ; c’eft faute de pareilles archives
que l’on voit renaître avec fuccès tant de conftruc-
tions proferites , & c’eft-ce qui- continuera d’arriver
toutes les fois que l’on approuvera indifféremment
toutes fortes de machines, nouvelles ou non»
Or le public imagine que l’art fe perfectionne ;
tandis qu’il ne fait que revenir fur fes pas en tournant
comme fur un cercle. On prend pour neuf
tout ce que l’on n’a pas encore vu.
30. L’émulation que donnerait cette fociété , ferviroit
à former des artiftes qui partant du point où
leurs prédécefleurs auroient laide l’a r t, le porteraient
encore plus loin ; car pour être membre du
corps, il faudroit étudier , travailler , faire des expériences,
ou fe réfoudre à être confondu avec le
nombre très-confidérable des mauvais ouvriers.
M II en réfulteroit un avantage pour chaque
membre ; car alors le public étant iiiftruit de ceux
à qui il doit donner fa confiance, cefferoit d’aller
acheter les ouvrages d’horlogerie chez ce marchand
qui le trompe, a duré de ne trouver chez l’artifte
que d’excellentes machines ; enfin de ces différens
avantages , il en rèfulteto-it que la perfeûion où notre
horlogerie eft portée, étant par-là connue de
l’étranger , ceux-ci la préféreraient en total à celle
de nos voifins. ( Article de M. F. Berthoud.')
Entrons actuellement dans les détails de l’art de
l ’horlogerie , en parcourant lesjuachines qu’il produit
, & les moyens qu’il emploie : c’eft ce qui
formera comme un g-première partie de ce traité ; la
fécondé partie renfermera l'explication des planches
d’horlogerie , & en quelque forte un traité pratique
de l’art.
D e l à C l e p s y d r e .
Clepfydre , efpèce d’horloge à eau , ou vafe
de verre qui fert à mefurer le temps par la chûte
d’une certaine quantité d’eau.
Il y a aulfi des clepfydres de mercure.
Les Egyptiens fe fervoient des clepfydres pour
mefurer le cours du foleil.
Ticho-Brahé en a fait ufage de nos jours pour
mefurer le mouvement des étoiles, & Dudley dans
toutes les obfervations qu’il a faites à la mer.
Les clepfydres ont été, dù>on / inventées en
Egypte fous le règne des Ptolémées ; elles étoient
fort utiles en hiver , les cadrans folaires étant plus
d’ufage en été..
Ces machines ont deux grands défauts ; l’un, que
IVàu coule avec plus ou moins de facilité, félon
que l’air eft plus ou moins denfe ; l’autre, que l’eàu
s’écoule' plus promptement au commencement qu’à
la fin .. /
M. Âmontons a propofé une clepfydre qui n’eft
fujette, félon lui, à aucun de ces ueux inconvé-
niens,.& qui a l’avantage defervir d’horlpge comme
les clepfydres ordinaires , de fervir en mer à la découverte
des longitudes, & de mefurer lemouve-
vement-d .s aftres : mais cette clepfydre n'a point
été adoptée.
Coriflrii&ion d’une clepfydre.
Il faut divifer un vaiffeau cylindrique en parties
qui puiffent fe viaer dans les dwifions de temps
marquées ; les temps dans lefquels le vaiffeau total
& chaque partie doivent fe vider étant donnés.
Suppofons, par exemple, un vaiffeau'cylindrique
t e l , que l’eau totale qu’il contient doive fe vider
en douze heures , & qu’il faille divifer en parties,
dont chacune mette une heure à fe vider.
i°. dites : Comme la partie du temps 1 eft au
temps total 12/, ainfi le même temps 12. eft à une
4e proportionnelle 144.
2,°. Divifez la hauteur du vaiffeau en 144 parties
égales , & la partie fupérieure tombera dans la
dernière heure , les trois fuivantes dans 1 avant-
dernière , les- cinq voifines dans la dixième , &c.
enfin les vingt-trois d’en-bas dans la première heure.
Car puifque les temps croiffent fuivant la férié des
nombres naturels 1 , 2., 3 ,4 , 5 > & c- & que les hauteurs
font en raifon des quarrés des nombres impairs
1 , 3 , 5 , 7 , 9 , &c. pris dans un ordre rétrograde
depuis la douzième heure, les hauteurs comptées
depuis la douzième heure feront comme^ les
quarrés des. temps 1 ,4 ,9 > 2 5 » & c* .^.ou P
s’enfuit que le quarré 144 du nombre de divifions
du temps, doit être égal aii nombre de parties de la
hauteur du vaiffeau qui doit fe vider. Or la liqueur
defeend d’un mouvement retardé, & l’expérience
prouve qu’un fluide qui s’échappe d’un vaie cylindrique
, a une viteffe qui eft à-peu-pres comme la
racine quarrée de la hauteur du fluide ; de forte que
les efpaces qu’il parcourt en temps égaux, décroif-
fent comme les nombres impairs.
M. Varignon a généralifé-ce problème fuivant fa
coutume , & a donné la méthode de divifer eu
graduer une clepfydre de figure quelconque » en-
forte que les parties du fluide contenu entre les-
diviftons, s’écoulent dans des temps donnés.
L’açadémie des fciences de Paris propofa les loi*
du mouvement des clepfydres pour le fujet du prix
de l’année 172.5. Il fut remporté par M. Daniel Bernoulli
, & fa pièce eft imprimée dans le recueil des
prix de l’académie. Quoiqu’elle foit fort ingénieufe,
l’académie avertit dans une efpèce de programme
qui eft à la tête, qu’il lui a paru que la queftioû
propofée n’avoit pas encore été fuffifamment ap*
! profondie.
Une des grandes difficultés qu’on rencontre dans
la théorie des clepfydres , c’eft de déterminer avec
e-xaàitude la viteffe du fluide qui fort par le trou
de la clepfydre.
Lorfque le fluide eft en mouvement & qu’il eft
encore à une certaine hauteur , cette viteffe eft à-
peu-près égale à celle que ce même flui e aüreit
acquife en tombant, par fa pefanteur, d’une hauteur
égale à celle du'fluide. Mais lorfque le fluide commence
à fe mouvoir , ou lorfqu’il eft fort peu eleve
au-deffus du trou, cette loi n’a plus lieu, & devient
extrêmement fautive.
D ’ailleurs il ne fuffit pas , comme on le pour-
roit penfer d’abord , de connoître à chaque inftant
la viteffe du fluide , & du frottement contre les