
de cette v ille, & ils fervirent à les chauffer pendant
fix mois.
La bibliothèque des rois de Pergame dont nous
venons de parler , fut fondée par Eumènes &
Attalus. Animés par un efprit d’émulation , ces
princes firent tous leurs efforts pour égaler la
grandeur & la magnificence de Rois d’Egypte, &
fur-tout en amafiant un nombre prodigieux de
livres, dont Pline dit que le nombre étoit de plus
de deux cents mille. Volaterani dit qu’ils furent
tous brûlés à la prife de Pergame ; mais Pline &
plufieurs autres nous affurent que Marc-Antoine
les donna à Cléopâtre, ce qui ne s’accorde pourtant
pas avec le témoignage de Strabon, qui dit
que cette bibliothèque étoit à Pergame de fon
temps , c’eft-à-dire , fous le règne de Tibère. On
pourroit concilier ces différens hiftoriens , en remarquant
qu’il eft vrai que Marc - Antoine avoit
fait tranfporter cette bibliothèque de Pergame à
Alexandrie , & qu’après la bataille d’Aâium ,
Augufte, qui fe plaifoit à défaire tout ce qu’An-
toine avoit fait , la fit reporter à Pergame. Mais
ceci ne doit être pris que fur le pied d’une con-
je&ure , aufli bien que le fentiment de quelques
auteurs qui prétendent qu’Alexandre-le-Grand en
fonda une magnifique à Alexandrie , qui donna
lieu par la fuite à celle de Ptolomées.
Il y avoit une bibliothèque confidérable à Suze
en Perfe , où Métofthènes confulta les annales
de cette monarchie , pour écrire l’hiftoire qu’il
nous a laiffée. Diodore de Sicile parle de cette
bibliothèque : mais on croit communément qu’elle
contenoit moins de livres de fciences , qu’une
collection des lois , des chartes & des ordonnances
des rois. C ’étoit un dépôt femblable aux
chambres des comptes de France.
Nous ne favons rien de pofitif fur l’hiftoire de
la Grèce, avant les guerres de Thèbes & de Troie.
Il feroit. donc inutile de chercher des livres" en
Grèce avant ces époques.
Les Lacédémoniens n’avoient point de livres :
ils exprimoient tout d’une façon fi concife & en
fi peu de mots, que l’écriture leur paroifloit fu-
perflue, puifque la mémoire leur fumfoit pour fe
fouvenir de tout ce qu’ils avoient befoin de fa-
voir.
Les Athéniens au contraire, qui étoient grands
parleurs , écrivirent beaucoup ; & dès que les
fciences eurent commencé à fleurir à Athènes, la
Grèce fut bientôt enrichie d’un grand nombre
d’ouvrages de toutes efpèces. Valere Maxime dit
que le tyran Pififtrate fut Je premier de tous les
Grecs qui s’avifa de faire le recueil des ouvrages
des favans ; en quoi la politique n’eut peut-être
pas peu de part; il vouloit, en fondant une bibliothèque
pour l’ufage du public , gagner l’amitié
de ceux que la perte de leur liberté faifoit gémir
fous fon ufurpation. Cicéron dit que c’efl à Pi-
fiftrate que nous avons l’obligation d’avoir raf-
fcmblé en un feul volume les ouvrages d’Homère,
qui fe chantoient auparavant par toute la vjfçCC
par morceaux détachés & fans aucun ordre. Platon
attribue cet honneur à Hipparque, fils de Pififtrate.
D’autres prétendent que ce fut Solon ; & d'autres
rapportent cette précieufe collection à Lycurgue
& à Zénodote d’Ephèfe.
Les Athéniens augmentèrent confidérablement
cette bibliothèque après la mort de Pififtrate , &
en fondèrent même d’autres; mais Xerxès, après
s’être rendu maître d’Athènes, emporta tous leurs
livres en Perfe. Il eft vrai que , fi on en veut
croire Aulu-Gelle, Seleucus Nicator les fit rapporter
en cette ville quelques fiècles après.
Zuringer dit qu’il y avoit alors une bibliothèque
magnifique dans l’île de Cnidos, une des Cyclades :
quelle fut brûlée par l’ordre d’Hippocrate le médecin
, parce que les habitans réfutèrent de fuivre
fa doéfrine. Ce fait au refte n’eft pas trop avéré.
Cléarque, tyran d’Hèraclée & difciple de Platon
& d’Ifocrate, fonda une bibliothèque dans fa capitale;
ce qui lui attira l’eftime de tous fes fu jets,
malgré toutes les cruautés qu’il exerça contre
eux.
Camérarius parle de la bibliothèque d’Apamée
comme d’une des plus célèbres de l’antiquité. Angélus
Rocha, dans fon catalogue de la bibliothèque
i du Vatican, dit qu’elle contenoit plus de 20,000
volumes.
Si les anciens Grecs n’avoient que peu de livres,
les anciens Romains en avoient encore bien moins.
Par la fuite ils eurent, aufli bien que les Juifs ,
deux fortes de bibliothèques, les unes publiques,
les autres particulières. Dans les premières étoient
les édits & les lois touchant la police & le gouvernement
de l’état : les autres étoient celles que
chaque particulier formoit dans fa maifon, comme
celle que Paul Emile apporta de Macédoine après
la défaite de Perfée.
Il y avoit aufli des bibliothèques facrées qui
regardoient la religion des Romains, & qui dé-
pendoient entièrement des pontifes & des au-
gures.
Voilà à peu près ce que les auteurs noiis apprennent
touchant les bibliothèques publiques des
Grecs & des Romains. A l’égard des bibliothèques
particulières , il eft certain qu’aucune nation n’a
eu plus d’avantages ni plus d’occafions pour en
avoir de très-confidérables que les derniers, puifque
les Romains étoient les maîtres de la plus
grande partie du monde connu pour lors.
L’hiftoirè nous apprend qu’à la prife de Carthage
, le fénat fit préfent à la famille de Regulus
de tous les livres qu’on ayoit trouvés dans cette
v ille , & qu’il fit traduire en latin 28 volumes ,
compofés par Magon , Carthaginois , fur l’agriculture.
Plutarque allure que Paul Emile diftribua à fes
en fa ns la bibliothèque de Perfée , roi de Macédoine
, qu’il mena en triomphe à Rome. Mais
I Ifidore dit pofitivement, qu’il la donna au public.
Afinius Pollion fit plus , car il fonda une biblio-
téque exprès pour l ’ufage du public , qu’il com-
pofa des dépouilles de tous les ennemis qu’il avoit
vaincus , & de grand nombre de livres de toute
efpèce qu’il acheta : il l’orna de portraits de favans,
& entre autres de celui de Varron.
Varron avoit aufli une magnifique bibliothèque.
Celle de Cicéron ne devoit pas l’être moins , fi
on fait attention à fon érudition, à fon goût, &
à fon rang : mais elle fut confidérablement augmentée
par celle de fon ami Atticus , qu’il pré-
féroit à tous les tréfors de Créfus.
Cicéron lui-même nous apprend dans fes épîtres,
qu’il avoit fait venir d’Athènes quantités de buftes
ou de têtes en marbre, qui repréfentoient les plus
fameux philofophes de l’antiquité ou des faux-
dieux. Il fit placer ces têtes ou buftes fur des
gaînes écarries de cinq pieds de hauteur ; il mit
ces monumens dans l’entre-deux de fes tablettes.
L’antiquité avoit donné le nom de hermès, à ces
piédeftaux de pierre ou de bois écarris. Cicéron
appelloit Herme - Athène la tête qui repréfentoit
la ville d’Athènes, & qui étoit foutenue par une
gaîne. A Paris , à Rome , l’on voit quantité de
bibliothèques ornées de têtes de bronze ou de
marbre, qui repréfentent les grands hommes.
Les anciens renfermoient quelquefois leurs livres
dans des armoires en marqueterie, compo-
fées de bois de différentes couleurs , d’ébène ,
d’ivoire, &c. avec des ornemens incruftés en fleurs,
en animaux, &c. L’on a trouvé dans les décombres
d’Herculanum une très-belle armoire en marqueterie
, pleine de volumes, c’eft-à-dire, de longues
feuilles de papier ou de parchemin écrites &
roulées fur un petit cylindre de bois. Quoique
depuis environ quinze ans l’on ait découvert plus
de cent volumes de cette efpèce, cependant l’on
n’en a pu tranfcrire que deux ou trois , parce
que l’on n’occupe à cet ouvrage qu’un copifte &
deux aides. Il feroit à fouhaiter que toutes les
nations civilifées de l’Europe envoyaffent à Naples,
à leurs frais , chacune deux habiles gens, pour
tranfcrire en fix mois tous ces manufcrits , qui
font plus précieux que la ftatue équeftre de No-
nius Balbus en marbre, que le roi fait garder par
des fentinelles. Il faudroit plus d’adrefle que de
talens, pour copier ces manufcrits que l’on voit
dépérir avec un regret mortel.
Plutarque parle de la bibliothèque de Lucullus
comme d’une des plus confidérables du monde,
tant par rapport au nombre de volumes, que par
rapport aux fuperbes ornemens dont elle étoit décorée.
La bibliothèque de Céfar étoit digne de lu i ,
& rien ne pouvoit contribuer davantage à lui donner
de la réputation, que d’en avoir confié le foin
au favant varron.
Augufte fonda une belle bibliothèque proche du
temple d’Apollon, fur le mont Palatin. Horace ,
JuYénal & Perfe, en parlent comme d’un endroit
où les poètes avoient coutume de réciter & de
dépbfer leurs ouvrages.
S c r ip ta P a la t in u s qu c ecu n q u e r e cep ii A p o l l o , dit Horace,
Vefpafien fonda une bibliothèque proche le
temple de la Paix, à l’imitation de Céfar & d Augufte.
Mais la plus magnifique de toutes ces anciennes
bibliothèques, étoit celle de Trajan, qu’il appela
de fon propre nom , la bibliothèque Ulpienne :
elle fut fondée pour l’ufage du public ; & félon
le cardinal Volaterani , l’empereur y avoit fait
écrire toutes les belles aâions des princes & les
décrets du fénat, fur des pièces de belle toile qu’il
fit couvrir d’ivoire. Quelques auteurs affurent que
Trajan fit porter à Rome tous les livres qui fe
trouvoient dans les villes conquifes , pour augmenter
fa bibliothèque : il eft probable que Pline
le jeune, fon favori, l’engagea à l’enrichir de la
forte.
Outre celle dont nous venons de parler, il y
avoit ' encore à Rome une bibliothèque confidérable
, fondée par Simonicus, précepteur de l ’empereur
Gordien. Ifidore & Boèce en font des
éloges extraordinaires : ils difent qu’elle contenoit
80,000 volumes choifis, & que l’appartement qui
les renfermoit , étoit pavé de marbre doré, les
murs lambriffés de glaces & d’ivoire, & les armoires
& pupitres de bois d’ébène & de cèdre.
Les premiers Chrétiens, occupés d’abord uniquement
de leur falut , brûlèrent tous les livres
qui n’avoient point de rapport à la religion. AEles
des A pô tre s........Ils eurent d’ ailleurs trop de difficultés
à combattre, pour avoir le temps d’écrire
& de fe former des bibliothèques. Ils confervoient
feulement dans leurs églifes les livres de l’ancien
& du nouveau Teftament , auxquels on joignit
1 par la fuite les aéfces des martyrs. Quand un peu
plus de repos leur permit de s’abandonner aux
fciences , il fe forma des bibliothèques. Les auteurs
parlent avec éloge de celles de S. Jérôme,
& de George, évêque d’Alexandrie.
On en voyoit une célèbre à Céfarée , fondée
par Jules l’A fricain, & augmentée dans la fuite
par Eufèbe, évêque de cette v ille , au nombre
de 20,000 volumes. Quelques -uns en attribuent
l’honneur à S. Pamphile, prêtre de Laodicée, &
ami intime d’Eufèbe ; c’ell ce que cet hiftorien
femble dire lui-même. Cette bibliothèque fut d’un
grand fecours à S. Jérôme, pour l’aider à corriger
les livres de l’ancien teftament : c’eft là qu’il
trouva l’évangile de S. Mathieu en hébreu. Quelques
• auteurs difent que cette bibliothèque fut
difperfée , & qu’elle fut enfuite rétablie par S.
Grégoire de Nazianze & Eufèbe.
. S. Auguftin parle d’une bibliothèque d’Hip-
pone. Celle d’Antioche étoit très-célèbre : mais
l’empereur Jovien, pour plaire à fa femme , la fit
malheureufement détruire. Sans entrer dans un
A a a a ij