
F O N T A I N I E R. ( Art du )
3L< E fontainier eft l’artifte qui, par des principes
certains & des expériences réitérées, fait faire la
recherche des eaux & les jauger pour en connoître
la quantité ; il les amaffe dans des pierrées pour les
conduire dans un regard de prife ou dans un refer-
voir ; il relève leur pente, & les conduit au lieu
deftiné ; il connoît la force & la viteffe des eaux
jailliffantes ; il les calcule pour en favoir la dépenfe.
Il donné une jufte proportion aux tuyaux pour
former de beaux jets bien nourris, qui s’élèvent à
la hauteur requife; & par une fage économie, il
les diftribue dans un jardin, de manière qu’ils puif-
fent jouer tous enfemble fans s’altérer lun 1 autre.
Le fontainier mefure la depenfe des eaux, c eft-
à-dire, leur écoulement ou leur débit dans un temps
donné. Il fe fèrt pour cet effet d’une jauge ^ percée
de plufieurs trous , depuis un pouce jufqua deux
lignes circulaires.
’ On diftingue deux fortes de dépenfes, la naturelle
&.\'effeélive. .
La dépenfe naturelle eft celle que les eaux jaillil-
fantes feraient, fuivant les règles conftatées par les
expériences , fi leurs conduites & ajutages n etoient
point fujets à des frottemens.
\A dépenfe effective eft celle qui fe fait réellement,
& qui, comme on voit, doit être toujours moindre
que celle qui eft indiquée par le calcul. Au refte, on
calcule toujours la dépenfe des eaux par la fortie
de l ’ajutage , & jamais par la hauteur des jets.
Le fontainier diftribue les eaux pour en former
diverfes cafcades qui tombent en nappe , comme
étoit la pièce d’eau appelée la rivière de Marly ; ou
en gouttelettes, comme oh en voit dans les bqfquets
de Saint-Cloud ; ou en rampe douce, comme celles
de Sceaux ; ou en buffets, comme à Trianon & à
Verfailles; enfin, par chute de perrons, comme la
grande cafcade de Saint-Cloud.
Le fontainier fait aufli donner aux baffms la forme
& la grandeur qu’ils doivent avoir.
On conftruit les baffins de quatre manières, en
glaife i eh ciment, en plomb, en terre franche.
Si on les conftruit en glaife, on ouvre dans la
terre un efpace beaucoup plus grand que ne doit
£tre le baflin : on bâtit un mur de moellons pour
foutenir les terres ; on refait un autre mur à chaux
& à ciment à quelque diftance du premier : on
remplit ce vide de terre glaife qu’on pétrit bien,
& qu’on nomme le corroi. L’ufage de ce corroi eft
de retenir les eaux. On fait au fond un femblable
corroi de glaife, que l’on recouvre- de pavés unis à
chaux & à ciment.
Les baflins revêtus de plomb , le font par les
plombiers qui réunifient leurs travaux avec ceux
fontainier. Ce font aufli ces ouvriers qui font
les tuyaux de plomb deftinés à conduire les
eaux. .
Pour former des jets d'eau, on réunit dans des
réfervoirs les eaux qui coulent d’endroits plus éleves
que le lieu où l’on veut faire les jets ; ou bien fi
l’on n’a que des eaux fituées dans des terrains bas,
on le élève dans des réfervoirs par le moyen
de machines ou de moulins qui - font jouer des
pompes. ' , r
Ces eaux réunies dans un lieu élevé, font conduites
par des tuyaux qui pafient fous terre; elles
fuivent tous les détours du terrain ; elles aboutiffent
à un bafiiin qui eft horizontal à la terre, où elles
vont jaillir dans les airs par l’ajutage placé au milieu
de ce baflin.
Pour faire cet ajutage, il a fallu creufer au milieu
du baflin un petit fofîe, où l’on pofe la petite boule
d’où doit fortir le jet d’eau , & dans cette boule
on doit'avoir mis un bout de tuyau de conduite.
Ainfi cette boule , qui eft ordinairement de pierre ,
eft creufe en dedans. On foude un autre tuyau au
premier pour le fortir hors du baflin. On pofe un
autre tuyau avec foupape, pour faire ecouler les
eaux du baflin quand on veut le nettoyer. On pave
le baflin & on le cimente de manière que les eaux
n’en puiffent point fortir.
L’eau s’élève par fon propre poids a la hauteur a
peu près du réfervpir , g en deduifant ce que lui fait
perdre le frottement, & l’oppofition qu elle trouve
dans l’air en fortant par l’ajoutoir.
Les ajoutoirs font des cylindres de fer-blanc ou
de cuivre percés de plufieurs façons ÿ lefquels fe
viffent fur leur écrou que l’on foude au bout du
tuyau montant, appelé fpuche.
11 y a deux fortes d’ajoutoirs, les fimples & les
compofés. ■
Les fimples font ordinairement élevés en cône &
percés d’un feul trou.
Les compofés font applatis en deffüs & percés fur
la platine de plufieurs trous, de fentes, ou d’un
faifceau de tuyaux qui forment des gerbes & des
! girandoles.
Parmi les ajoutoirs compofés , il y en a dont le
milieu de la fùperficie eft tout rempli, & qui ne
font ouverts que d’une zone qui les entoure ; on
les appelle ajoutoirs 4 l'épargne, parce qu’qn prétend
qu’ils . dépenfent moins d’eau & que le jet en
paraît plus gros. _ ^
On fait prendre aux ajoutoirs plufieurs figures,
çoinme de gerbes, de pluies, d’éventails, de foleils ,
de girandoles $ de fouillons.
Il s’enfuit de ce qui précède, que ç’eft la différence
des ajoutoirs qui qiet de la différence dans
les jets. * 4. _
Ainfi,
F O N
Ainfi, le même tuyau d’eau peut fournir autant
'de jets différens, qu’on y place de différens ajout0
Si l’on veut favoir quels ajoutoirs font les meilleurs
, Mariote affure, conformément à l’expérience,
qu’un trou rond, égal & poli à 1 extrémité ^ d un
tube , donne un jet plus élevé que ne ferait un
ajoutoir cylindrique ou même conique; mais que des
deux derniers, le conique eft le meilleur.
Voici une Table de Mariote.
Table des dépenfes d'eau pendant une minute par
différens ajoutoirs ronds ; l'eau du réfervoir étant a
douze pieds de hauteur.
Pour l’ajoutoir d'une ligne
diamètre,
Pour deux lignes,
Pour trois lignes.,
Pour quatre lignes,
Pour cinq lignes,
Pour fi# lignes,
Pour fept lignes,
Pour huit lignes,
Pour neuf lignes,
de
i pinte { & 7g.:
6 pintes §•■ ;
14 pintes.
25 pintes à peu près.
39 pintes àpeu près.
56 pintes.
76 pintes
110 pintes f.
126 pintes.
Si ôn diyife ces nombres par 14 , le quotient donnera
les pouces d’eau; ainfi 126 divifés par 14 font
9 pouces, &c.
On diftingue les fontaines artificielles qui doivent
leur aélion à des machines, par le moyen defquelles
l’eau eft verfée ou lancée.
De ses machines, les unes agiffent par la pefan-
teur de l’eau, les autres par le rëffort de l’air. Du
nombre des premières font les jets d’eau dont nous ^
venons de parler, qui tirent l’eau d’un réfervoir
plus élevé. En difpofant les ajutages félon les differentes
dire&ions , on aura une fontaine ou jet qui
lancera l’eau félon la diverfité de ces directions.
On peut même, au lieu de différens ajutages , fe
contenter de pratiquer des ouvertures différentes à
un même tuyau.
. Si on place fur l’orifice de l’ajutage une.petite
boule ', elle fera élevée par l’eau qui monte & fe
foutiendra en l’air, pourvu qu’il n’y faffe point de
vent.
Si à l’orifice de l’ajutage on ajufte une efpèce de
couvercle lenticulaire percé d’un grand nombre de
petits trous, l’eau jaillira en forme de petits filets,
& s’éparpillera en gouttes très-fines,
Enfin, fi on foude au tube du jet deux fegmens- |
de fphères féparêës , mais affez proches l’un de
l’autre, & qu’on puiffe éloigner pu rapprocher, par
le moyen 4’une v is , l’eau fortira en forme de
nappe.
ÇonfiruElion d'une fontaine qui joue par le r effort de
- Çpif -
Concevez un vaiffeau cylindrique. percé,, dans,
fon fond, d’un petit trou par lequel on verfe l’eau
Arts <$» Métiers, Tome III. Partie I.
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dans la fontaine, & que l’on peut fermer a 1 aide
d’une vis. Il y a en haut fur fe couvercle un robinet
, par le moyen duquel on peut ouvrir ou fermer
ce vafe. Au robinet tient un tuyau qui pénétré
le milieu du vafe , & va fe rendre jufqu’au fond ou
il s’ouvre; on adapte au haut du robinet un petit
tuyau qui a une ouverture par laquelle l’eau doit
jaillir. ' '. / .
Le vafe ainfi difpofé, on y met de 1 eau fans
l’emplir, mais feulement jufqu’à une certaine hauteur.
On prefle enfuite l’air par le,tuyau qui eft dans
le vafe, au moyen d’une pompe foulante attachée
proche du robinet. L’air étant plus léger que l’eau
paffé à travers en montant en haut , & remplit 1 efpace
qui a été laiffé vide. Lorfqu on a ainfi prefle
une affez grande quantité d’air dans ce v a fe , on
le ferme avec le robinet ; & après en avoir retire
la pompe foulante , on y met le petit tuyau.
L’air enfermé dans l’efpace fupérieur comprime
l’eau, la pouffe en en bas & la fait entrer & monter
enfuite dans le tuyau. Alors fi l’on tourne le robinet,
l’eau fort par là petite ouverture & forme un jet
qui s’élève avec beaucoup de rapidité, mais qui
va toujours ordinairement en diminuant de hauteur
& de force, à mefure que l’eau du vafe baiffe &
que l’air en fe dilatant la comprime moins. Quand
toute l’eau eft fortie, l’air s’élance lui-même avec
bruit & fifflement par te tuyau.
Fontaine qui commence d jouer dés qu on^ allume lès
bougies , & qui cejfe quand on les eteint*
Prenez un vafe cylindrique appliquez - y des
tubes ouverts par en bas dans le cylindre, de ma-
niète que l’air puiffe y defcendre. Soudez à ces
tubes les chandeliers, & ajuftez au couvercle creux
du vafe inférieur, un petit ajutage avec un robinet-,.
& que cet ajutage aille prefque jufqu’au fond du
vafe. Il y a près du robinet une ouverture avec
une v is , afin que par cet orifice on puiffe verfer
l’eau dans le vafe,.
Les chofes ainfi difpofèes, fi 1 on allume les bougies
, leur chaleur raréfiant l’air contenu dans les
tubes contigus, l’eau renfermée dans, le vafe commencera
dès-lors à jaillir..
Fontaine par la dilution de l'air*
On emploie aufli la dilatation de l’air, pour fbr-i
mer des fontaines qui amufent les curieux. On fait,
par le moyen du feu ou de l’eau bouillante, dilater
l’air contenu dans un ballon de cuivre, qui communique
par un tube à un. vaiffeau rempli d’eau
jufqu’aux trois quarts. L’air échauffé du ballon fe
porte à la furface de l’eau qu’ il prefle par fon ref-
fort, & fait fortir en forme de jet par le petit canal,
terminé en pointe comme un ajutage. Comme 1 air
ne fe dilate que d’un tiers par la chaleur de l’eau
bouillante, il faut que le ballon d’air foit deux fois
aufli grand que le vaiffeau qui contient l’eau jailliflante,
' . , ' '. . ,,
Si l’on veut faire un Jet de feu au lieu d eau , on
fe fert d’efprit-dë-yin ou de bonne eau-de-vie, U
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