
Il arrive quelquefois que Ton eft obligé de dreffer,
fans avoir totalement débrùti j c’eft qu’alors il fe
trouve, par quelques circonftances , des parties de
la glace trop minces, pour qu’on puiffe atteindre
par-tout la furface, fans compromettre la confer-
vation de la glace, ou du moins fans la réduire
à une épaiffeur trop foible pour fon volume. Dans
r*' cas, on eft obligé de retrancher, par un fécond
•écarri après le premier apprêt, les endroits qui font
reftès bruts.
I que l’aôion de polir puiffe l’emporter : on prend
donc le parti de l’effacer , en paffant de Y émeril
groflier dont on doucit les dernières touches. On
adoucit la piqûre de ce premier èmeril par un fécond
Lorfque le premier côté d’une glace eft atteint,
on la défselle. Après avoir enlevé les rebords du
plâtre qui l’entourent, on introduit deux lames de
couteaux entre elles & la pierre, & s’en fervant
avec ménagement, comme de deux leviers , on
décolle la glace de deffus la pierre. On a l’attention
de placer les couteaux du même côté de la glace ,
& à un telle diftance l’un de l’autre, que leur aôion
ne fe contrarie jamais. On continue la même manoeuvre
julqu’à ce que l’on voie la glace entièrement
détachée ou à peu près ; car, li elle ne tient
qu’en un petit nombre d’endroits , l’ouvrier, en appliquant
fes doigts contre fon épaïffeur, & la tirant à
lu i, achève aifément de la décoller : la glace, encore
;rès-épaiffe à un premier dèfcellage, rélifte
fort bien à cet effort.
Les ouvriers défignent, par le mot éventer, l’action
de donner accès à l’air au deffous de la glace
au premier inllant de l’emploi des couteaux & ils
difent que l’évent avance, à mefure que Ton voit
à l’oeil les progrès du dèfcellage.
L’on nettoie foigneufement la pierre ainli que
la glace, & l’on retourne cette dernière , c’eft-à-
dire, on la fcelle de nouveau, mettant fur le plâtre
le côté qui a déjà été travaillé ; & l’on opère fur
la furface brute, comme on a opéré fur le premier
côté.
Autant que les circonftances le permettent, il
ne faut pas travailler brut contre brut, c’eft-à-dire,
employer fur une levée àbfolument brute , un
deffus qui le foit aufli : il eft aifè de fentir que les
inégalités trop fortes des deux furfaces, rendroient
le frottement dur & irrégulier, & expoferoient, par
cela même, la conservation des glaces. L’ouvrier
ne peut* donc fe difpenfer de redoubler de ména-
gemens & d’attentions, lorfqu’il lui eft impoflible
de travailler une levés brutte avec un deflus au
moins acheminé, & vice verfâ.
Lorfque le fécond côté de la glace e ft, comme
le premier , paffé au gros fable , on fubftitue à
celui - ci du fable plus fin ; & on le paffe jufqu’à
ce qu’il ait effacé la piqûre du premier ; alors on
ufe plus parfaitement les dernières touches de fable
doux, pour que la nouvelle piqûre qu’il a imprimée
fur la furface de la glace, foit, s’il eft poflible,
plus générale & plus uniforme. C’eft cette dernière
précaution, qu’on entend particulièrement par le
mot doucï , dont on a fait la dénomination de tout
le premier apprêt.
La piqûre du fable doux eft encore trop forte, pour
, dont le grain eft plus fin ; & e'nfin, on pafle
un troifième èméril encore plus fin que les deux
premiers.
On a le plus grand foin de ne pas paffer d’un
éméril à l’autre, fans avoir adouci les dernières
touches du précédent : on effuie aufli la levée, à
chaque touche, avec des éponges plus ou moins
fines , fuivant que le travail avance , & que la fur-
face de la glace , ayant reçu une piqûre plus fine ,
demande à être prèfervée avec plus d’exaélitude du
contaâ des corps trop rudes. Après que le fécond
côté eft ainfi terminé, on déficelle la levée pour la
retourner, & paffer au fable doux & aux trois éme-
rils , le premier côté qui n’eft encore qu’au gros ,
fable. On auroit pu le faire dès le premier fcellage,
mais un douci fini eft toujours altéré par un trop
long féjour dans le plâtre.
Lorfque les deux furfaces d’une glace ont ainfi
éprouvé l’a&ion des trois émerils , elles font' dif-
pofées à recevoir le poli.
Le travail des deffus fuit la même marche que
celui de la levée , & on les emploie fucceflivement
à paffer le gros fable, le fiable doux, & les trois
émerils.
On fie procure de l’émeril de différens grains ,
par un procédé fort {impie. On place dans un vafie
une certaine quantité d’émeril pulvérifié & paffé
par un tamis de crin, par exemple, 50 ou 60 Hv. ;
on remplit le vafie d’eau, & , après avoir laiffè
pendant quelques heures au fluide le temps d’imbiber
l’éméril, on agite le tout -en le bradant fortement
avec une pelle de bois jufqu’à ce que l’é-.
méril foit bien délayé, & que l’on ne fente plus
rien dans le fond du vafie. Alors on laiffe repofier
le mélange, & , comme l’émeri-l n’eft pas mifcible
à l’eau, il commence, fur le champ, à fe précipiter.
Si l’on donne au temps du repos une très-
courte durée , par exemple, une demi-minute , &
que l’on décante alors l’eau du vafe dans un-autre
vàiffeau, il eft évident qu’elle tiendra encore fiufi-
pendues de très-groffes parties d’émeril qui n’ont
pas eu le temps de.fe précipiter, & que le dépôt
que formera cette eau, fournira de l’émeril d’un
grain très-fort.
Qu’on remplace l’eau qu’on a tirée du premier
vafie, qu’on braffe de nouveau, & qu’on laiffe re-
pofer le mélange plus long-temps, par exemple ;
cinq minutes , la précipitation fera plus complette ;
cette fécondé eau, qu’on décantera, tiendra füf-
pendues des parties plus fines que la première , &
fournira le fécond émeril.
En répétant cette opération une troifième fois ,
& accordant un plus long-temps , par exemple ,
quinze minutes àfta précipitation, on obtiendra un
troifième émeril, plus fin que les deux premiers,
I & on peut encore s’en procurer un quatrième, qui
eft quelquefois utile au poli , en augmentant la
durée de la précipitation , & la portant à vingt
minutes.
Le procédé que nous venons de décrire , doit
être exécuté dans un ordre rètrogade , & l’on commence
par extraire l’émeril le plus fin ; car, fi l’on
commençoit par le premier , ne donnant qu’une
demi-minute à la précipitation, l ’eau que l’on dé-
canteroit, tiendroit également fufpendues toutes
les parties trop fines , pour avoir eu le temps de fe
précipiter, & par confisquent toutes celles dont on
auroit pu former des émerils plus fins.
Lorfque les émerils de toutes les efipèces fe font
dépofés, chacun dans le vafe qui lui eft propre ,
on décante l’eau qui les couvre ; l’on prend le dépôt
qu’on place dans une chaudière de fonte : à l’aide
du feu, on fait évaporer l’eau fuperflue, jufqu’à ce
que l’émeril ait la confiftance d’une efpèce de pâte ;
alors on le façonne en boules , communément nommées
pelotes, qu’on diftribue aux ouvriers.'
Le banc de roue eft fiemblable, par la forme, au
banc de moilon ; il eft feulement proportionné par
fes dimenfions , aux grandes glaces qu’on veut y
travailler-: on lui donne communément de 100 à
120 pouces de long, fur 72, à 80 de large. Comme
il fieroit, finon impraticable, du moins très-long ,
& très-difficile de doucir , avec des petits deffus,
line levée aufli étendue, on emploie à la roue,
pour deffus, de grandes glaces d’un moindre vo-
îùme à la vérité que la le vée, mais qui lui font proportionnées.
Au lieu de fceller le deffus fur une pierre, on le
fcelle fur une table bièn droite, de bois léger ,
fig. 2 , pi. XLI. Attendu le volume de ce deflus,
deux hommes le font mouvoir , & pour qu’ils
puiffent le faifir, on fix e , pendant le travail, fur
la table, une roue de bois , dont on voit le géo-
métral , figure 3 , pi. X L I ; telle que fes jantes
puiffent être aifément embraffées par la main de
l’ouvrier. Le diamètre de la roue eft, dans la figure,
d’environ fiept pieds ; en général il doit être relatif
à l’étendue de la table , à laquelle la roue s’adapte,
& égaler à peu près la longueur de la dernière
fable.
On fixe la roue fur la table , en faifiant pafler le
pivot C , figure 3 , pl. X L I, placé au milieu de
celle-ci, dans le milieu de la Voue , & arrêtant fix
rayons de la dernière roue, par fix fiupports établis
fur la table, & entaillés pour recevoir ces rayons.
On voit, figé /, pl. X L I , le banc de roue garni
de fon deflus & de fia roue.
Deux ouvriers , placés chacun à une extrémité
du banc, exécutent des mouvemens femblablesà
ceux du moilon , faifant parcourir au deflus toutes
les parties de la glace, & s’appliquant fur celles qui
l’exigent, en faifant paffer fucceflivement les jantes
de la roue dans leurs deux mains , & imprimant
ainfi au deffus un mouvement de rotation fur la
même place.
Pendant que la levée eft encore brute, on fait
agir le deffus avec le fimple poids de la table ; mais
à mefure que les inégalités s’ufent, on augmente
le frottement par le poids de pierres carrées, fig. 2,
pl. X L I , qu’on pofe fur la table, & que de cet
ufage on appelle motions de charge : il faut avoir
fur-tout l’attention de charger la table le plus également
qu’il eft poflible.
Tout ce que nous venons d'expofer , prouve
que le travail de la roue & celui du moilon ne
diffèrent que très-peu, & feulement dans certains
moyens : la différence la plus effentielle, confifte
dans le fcellage & dans le dèfcellage des deffus.
Au lieu qu’à raifon de leur volume, les deffus de
moilon étant faciles à manier,-on les fcelle fur leur
pierre ; ici on pofe le deffus fur la levée : c’eft fur
le deffus qu’on gâche le plâtre , & qu’on ficelle la
table avec l’attention de la placer également, c’eft-
à-dire , de faire qu’elle déborde le deffous par-tout
d’un efpace égal. Pour donner aux ouvriers la facilité
de pofer la table fur le deffus, on fixe à chacune
des extrémités de la première , deux chevilles par
lefiquelles on la faifit. De même lorfqu’on veut dé-
ficeller le deffus, on l’amène fur l’une des têtes de
la levée , de manière que deux chevilles de la table
fie préfentent hors du banc. L’un des ouvriers introduit
les couteaux entre la glace de deffus & la
table , tandis que l’autre foulève celle-ci, & favo-
rife, par des fecouffes ménagées , l’aâion des couteaux.
Après que , par leurs efforts réunis & leurs
tentatives réitérées-, les deux ouvriers font parvenus
à détacher le deffus de la table, ils le font
tourner jufqu’à ce qu’ils fe foient mis à portée d’enlever
la table en faififfant les chevilles qui font à fies
extrémités.
Il arrive fiouvenf que les glaces à travailler n’ont
pas affez d’étendue pour couvrir exaâement le
banc, foit du moilon, foit de la roue ; dans ce cas ,
il n’y a pas d’inconvénient à en affortir plufieurs,
c’eft-à-dire, à en fceller plufieurs les unes à côté
des autres , pour occuper toute la furface de la
pierre. On doit alors commencer par égalifier les
joints avec un moilon, pour que le deffus puiffe
paffer fur la levée fans accrocher la glace, dont
l’épaiffeur excède celle des autres. On peut aufli
former des deffus de roue de deux morceaux.
Lorfque les glaces font doucies, on les tranfiporte
dans un magafin particulier, où elles font de nouveau
examinées.
On remarque les défauts qui ont échappé au premier
écarri , ou ceux qui réfultent du premier
apprêt, & qu’on défefpère de pouvoir enlever par
le travail du poli, & on les ôte en écarriffant de
nouveau les glaces. Ce fécond écarri eft beaucoup
moins difficile que le premier. La glace doucie étant
moins épaiffe que la glace brute, le trait du diamant
la pénètre plus aifément, 8Til fuffit pour le faire
ouvrir, de frapper au deffous, affez légèrement,
avec la tige du diamant, au lieu de fe iervir d’un
marteau.
Pour polir une glace, on la fcelle de nouveau