
l’étranger ; d’autre part, en ce qu’il procure aux
gens de lettres de fa nation, avec facilité & moins
de frais, un ouvrage fouvent utile & quelquefois
néceffaire. Au refte, quoique ce droit foit légitime
à certains égards, parce que les libraires des
différentes nations font dans l’ufage de fe faire
refpeétivement cette efpèce de tort, on doit cependant
convenir qu’il eft contre le droit des gens,
puifqu’il nuit nêceffairement au premier entrepreneur.
Il feroit à fouhaiter que tous les libraires de
l ’Europe vouluffent être affez équitables pour fe
refpeâèr mutuellemeut dans leurs entreprifes ; le
public n’y perdroit rien, les livres pafferoient d’un
pays dans un autre par la voie des échanges. Mais
il y a des pays où les productions littéraires ne
font pas affez abondantes & affez du goût des autres
nations, pour procurer par échanges aux libraires
qui les habitent, tous les livres qu’ils peuvent
débiter. Ils trouvent plus d’avantage à imprimer
quelques-uns de ces livres qu’à les.acheter; c’eft
ce qui s’eft oppofé jufqua préfent, & ce qui s’op-
pofera vraifemblablement toujours à l’accord équitable
qui feroit à defirer entre les libraires des
différens pays.
Dans l’état où font les chofes, ce droit de propriété
fondé fur celui de premier occupant, eft
suffi folide que celui des deux autres cas, & mérite
de la part du fouverain la même proteâion ;
avec cette différence cependant, que l’on interdit
avec raifon l’entrée & le débit des éditions étrangères
d’un livre dans le pays où il a pris naiffance,
& que l’on devroit autorifer l’introduétion d’une
édition étrangère d’un livre , quand il vient du
pays où il a été originairement imprimé, quelque
privilège qui ait été accordé pour l’impremon du
même livre dans le pays où il arrive. C ’eft un
ufage établi en Hollande, & peut-être ailleurs :
les états-généraux ne refufent point de privilège
pour l’impreflion d’un livre originaire de France,
mais ils n’interdifent point chez eux l’entrée &
le débit des éditions du même livre faites en France.
Cela devroit être réciproque & feroit jufte ; ce
feroit un moyen de diminuer le tort que l’on fait
au premier entrepreneur, qui a feul couru tous
les rifques des événemens. ( Cet article ejl de M.
D a v id , un des anciens libraires affociés pour l'Encyclopédie.
)
Du Libraire commerçant.
Le libraire commerçant doit être laborieux, honnête,
très-économe, a â if, entreprenant par degrés,
curieux dans fes entreprifes, exaét dans fes enga-
gemens, & ami des favans, qu’il doit confulter
oc voir le plus qu’il pourra pour pouvoir être au
fait des anecdotes de la littérature.
La correfpon dance prompte & fui vie tant dans
la France que dans les pays étrangers, pour y
faire paffer des exemplaires de tous les livres qu'il
imprime , 8c en favoir tirer quelquefois en échangé
qui conviennent dans fon pays, fait une partie de
fon travail.
La tenue des livres doit être faite par un commis
e x a â , fur lequel il faut que le libraire ait
l’oeil, ainfi que fur les garçons de magafin dont le
travail confifte à étendre le papier imprimé qui
arrive de l’imprimerie, & à le détendre fans qu’il
foit ni trop fec ni trop mouillé.
Les deux extrémités font dangereufes : la première
,’ en ce que l’encre féchant trop v ite , elle
n’a pas le temps de s’incorporer intimement avec
le papier qui doit conferver une certaine humidité
pour nourrir l’une 8c l’autre partie ; que d’ailleurs
en laiffant trop long-temps le papier fur les
cordes , la pouflière 8c l’air le rouftiffent, & qu’en-
fin il fe travaille beaucoup plus difficilement parce
qu’il fe bourfoufle 8c devient trop mouvant :
la fécondé eft encore plus à craindre, parce qu’une
trop grande humidité met en fermentation le papier
qui s’échauffe de façon que fi on le laiffoit trop
long-temps en cet é ta t, il tomberoit tout à fait
en pourriture. Les garçons de magafin doivent
donc avoir grand foin d’examiner fi le papier qu’on
leur apporte de l’imprimerie n’eft pas échauffé en
dedans, 8c s’il n’a pas déjà commencé à fe piquer.
Quand le papier eft détendu, on le redreffe 8c
on le met en preffe pendant environ fix heures.
Affemblage.
Lorfque l’on a affez de feuilles pour faire un
affemblage qui doit être de dix feuilles au plus ,
on les arrange fur la table d’affemblage, en commençant
à pofer la feuille cotée A à l’extrémité
gauche de la table, puis la feuille B près de celle
A , 8c ainfi de fuite, toujours de gauche à droite.
Le nombre des feuilles que l’on veut affembler
étant arrangé de cette manière, l’on doit regarder
fi les lettres fuivent bien depuis A jufqu’à la fin ;
puis examiner attentivement, en foulevant la
feuille de la main gauche, 8c laiffant paffer avec
les doigts le moins de feuilles qu’il eft pofiible,
s’il n’y en avoit pas de retournées ou fens deffus
deffous.
Cette opération finie, les uns prennent une
aiguille bien pointue, d’autres fe fervent du bout
du pouce ou du doigt index de la main droite qu’ils
mouillent légèrement de temps à autre avec leur
falive, pour enlever par le coin à droite la feuille
A que la main gauche reprend par le milieu, 8c
met fur la feuille B qui eft enlevée également,
ainfi que les fuivantes, jufqu’à la fin : cette petite
poignée fe pofe au bout de la dernière feuille,
8c Fon recommence de la même manière jufqu’à
former une poignée d’environ cent vingt feuilles
que l’on redreffe fur la table le plus également
qu’il eft pofiible : l’on fait cinq ou fix de ces poignées
que- l’on met l’une fur l’autre ; cette forte
poignée fe pofé à terre fur des macülatures, 8c
l’on continue ainfi jufqu’à la fin l’affemblage qui
forme une ou plufieurs piles, félon le nombre
auquel l’ouvrage eff tiré. . , . « / •
Il y a beaucoup de garçons qui, au lieu de poler
au bout de la table la levée de toutes les feuilles,
recommencent dix ou douze fois de fuite en con-
fervant toujours la poignée dans leurs mains : cette
méthode ne vaut rien, en ce que la main corrompt
d’un bout le bord des feuilles, que de l’autre il.
fe forme beaucoup de remplis ou de cornes ; ce
poids d’ailleurs fatigue le poignet ; 8c le papier,
qui ne fauroit être trop bien redreffé, ne l’eft que
très-difficilement, 8c jamais aufii parfaitement que
par la méthode indiquée ci-deffus. #
Quand une des huit ou dix feuilles que l’on
affemble manque, l’a.ffemblage eft fini : pour lors
il faut relever de deffus la table celles qui refirent
8c les ployer : ces cahiers s’appellent deffets : l’on
mettra en preffe tout le papier affemblé, puis on
le collationnera.
Collationnage.
Le travail du collationnage confifte à mettre fur
la table une quantité de l’affemblage à volonté ,
8c avec la pointe d’un canif ou d’une aiguille
enfoncée par la tête dans un tres-petit manche de
bois que l’on tient de la main droite, on eleve
feuille à feuille les huit ou dix affemblées qui pour
lors s’appellent parties d’affemblage. La main gauche
reçoit exaâement cette partie aufii feuille a feuille
entre les doigts 8c le pouce, 8c l’oeil examine attentivement
fi les fignatures de chaque feuille A , B ,
C , 8cc. fe fuivent bien ; pour lors la main gauche
tourne un peu cette partie à droite 8c la partie
fuivante à gauche, de manière qu elles fe divifent
en deux angles faillans, diftans l’un de 1 autre de
trois ou quatre pouces au plus : il eft bon d ob-
ferver que chaque partie ne contient que les huit
à dix feuilles plus ou moins que Fon a affemblees.
On continue ainfi jufqu’à ce que la main gauche
ne fe trouve pas trop fatiguée de porter une certaine
quantité de parties, tournées de droite a
gauche : alors on les renverfe fens deffus deffous
lur la table ; 8c l’on continue le même travail
jufqu’à ce que tout foit collationné. Si le papier
eft bien égal 8c qu’il foit bien redreffé , il fera très-
avantageux de le mettre encore en preffe.
Le collationnage a deux objets très-effentiels,
i°. d’examiner bien attentivement fi en affemblant
l’on n’a pas enlevé deux feuilles à la fois ; s’il n’y
en a pas eu d’oubliées, 8c s’il ne fe trouve pas
des feuilles retournées : toutes ces fautes deviennent
très-graves, parce que les relieurs ou les bro-
cheufes travaillent fi fort à la hâte 8c fi machinalement
, qu’ils relieront ou brocheront ces ouvrages
affez fouvent tels que vous les leur donnerez.
Il eft donc de la plus grande importance de collationner
très-exa&ement 8c avec l’attention la plus
fcrupuleufe. Les feuilles que Fon a trouvées de
trop doivent être remifes avec les deffets, 8c s’il
y en a de celles qui ont manqué, l’on en forme
autant de parties qu’il s’en eft retrouvé : le refte
forme les deffets qui fervent à remplacer les feuilles
que les relieurs déchirent, gâtent, ou perdent.
2°. Cette façon que Fon a donnée au papier en
tournant chaque partie de droite à gauche, fert à
pouvoir les prendre aifément pour les ployer 8:
en former des cahiers.
Ployage du papier.
Lorfque le papier a été bien preffé, rien de plus
aifé que de le ployer. Il s’agit d’avoir fur la table
à gauche une quantité à volonté de ce qu’on a
collationné'; l’on prend de la main gauche une
partie que la main droite ouverte maintient 8c que
la gauche ploie de la paume de la main en frottant
promptement 8c fortement de haut en bas dans
l’inftant où la droite a arrangé bien également les
deux bords du papier, portés précédemment par
la gauche l’un fur l’autre. Ces bords s’appellent
barbes 8c font oppofés au dos. Tout ce qui eft collationné
fe ploie de même jufqu’à la fin.
Redreffer le papier & le mettre en paquets.
A mefure que Fon a ployé une certaine quantité
de cahiers, on les redreffe bien 8c on les
compte par dixaine que Fon retourne 1 une par le
dos 8c l’autre par la barbe, puis on les met en
pile, 8c l’on continue ainfi jufqu’à ce que tout l’affemblage
foit ployé. L ’on mettra encore ces parties
ployées en preffe , 8c on les laiffera en p ile ,
en attendant que toutes les parties d’affemblage ,
qui doivent former l’ouvrage complet, aient été
travaillées de même.
Si l’ouvrage avoit plufieurs volumes, Fon pourrait
affembler chaque volume par corps , ce qui
fe fait en plaçant le premier cahier A , fur la table
d’affemblage à gauche, comme nous l’avons expliqué
à l’affemblage des feuilles ; l’on placera enfuite
le cahier H , fi l’on a fait l’affemblage du premier
cahier de huit feuilles, ou K s’il a été de d ix , &
ainfi de fuite. Tout l’affemblage pofé fur la table,
Fon aura encore bien foin d’examiner fi tous les
cahiers fe fuivent bien ; puis on prendra le cahier
A 8c les autres fucceflivement que l’on redreffera
au bout de la table 8c que Fon placera devant foi ;
l’on continuera ainfi jufqu’à ce que la dixaine de
cahiers foit levée.
Si quelques dixainesfe trouvoient mal comptées," •
ou qu’en affemblant l’on eût pris deux cahiers au
lieu d’u n , l’on s’en appercevra aifément en comptant
les cahiers de chaque volume affemblé.
Il y a des endroits où Fon compte les cahiers
par vingt 8c ving-cinq. Cette méthode eft beau- __
coup plus longue, pour réparer les erreurs qui
peuvent fe faire ; il eft plus aifé de compter dix cahiers
fans fe tromper , que d’en compter vingt-cinq.
L ’on continuera d’aüembler ainfi tous les volumes
fuivans qui doivent former l’ouvrage complet
; pour lors on les mettra par corps en affem