
! quoi on en forme un tas couches par couches ?
jufqu’au poids de cinquante livres, qui eft à peu
près celui qu’on donne à un pain de beurre. On met
entre chaque couche de beurre, une couche de fol
affez confidérable 8c plus forte que celle qu’on répand
donc indifpenfables pour que le fromage s’y façonne J
de manière que la fermentation y toit ménagée :
plufieurs particuliers, par ces raifons, les font voûter,
& ils en ont été amplement dédommagés. ,
Le petit lait qu’on a tiré de la bafte oii s’eft précipité
le caillé , refte encore chargé d’une partie des
fubftances caféeufes 8c butireufes., qu’il tient en
diffolution. En Auvergne , on ne s’occupe d’abord
qu’à obtenir la fubftance butireufe , & c’eft à quoi
tendent les procédés que nous allons décrire .
On mêle au petit lait environ un douzième de
lait nouvellement tiré , & on le met repofer dans
des balles {fig. 6) , qui aient un pied & demi de
hauteur, fur autant de diamètre. Dans ^certains
burons, on a des poinçons de vin fciés par le milieu,
lefquels contiennent jufqu’à cent cinquante pintes
de Paris * 8c on les remplit de petit lait : en un mot,
on a foin de faire ufage de vafes qui foient aufli
larges que profonds. En çon/équençe de cette forme,
la.crêmenon-feulement a moins de trajet àfairepour
s’élever à lafurfaçe du petitlait, èn vertu de fa légèreté
refpeéjave ; mais encore elle fe porte vers cette
furface par un plus grand nombre de points, eu egard
à, la maffe du petit, lait ; malgré cette difpofition favorable
* la crème emploie quelquefois plufieurs
jours à .former une foible couche qui recouvre le
pètit la i f Eilé e# beaucoup plus de temps à fe fé-
parér du caillé 6c du petit la it, apres 1 enlèvement
des parties qui entrent dans la compofition du
fromage. Le. beurre, au refte, fait de cette crème
feçondaire, eft d’un meilleur goût que celui fait de
la première crème : il paroîtroit par là que les portions
de la fubftance butireùfe , les plus adhérentes
au petit lait, entraîneroient avec elles plus de ces
principes falins que le petit lait tient en diffolution. Il
en eft de même de la partie cafeeufe; car la bro-
cou 8c les recuites , comme nous le verrons par la
fuite , font un fromage feçondaire, d un goût délicat
8c agréable.
Quoi qu’il en foit de la faifon phyfique de cet
e ffe t, on attend que toute la crème qui peut fe
former à la furface du petit lait, en foit féparée :
on attend même quelquefois pendant environ quinze
jours, fuivant le temps qu’il fait. On a obferve
que le grand froid, comme la grande chaleur, re-
tardoit également la féparation de la creme : lorfque
la couche en eft bien formée, on l’enleve avec une
écuelle , 8c on la dépofe dans une bafte: on remet
dans la première bafte une nouvelle charge de petit
lait-, avec l’addition de lait nouvellement tire , 8c
on attend l’effet du repos. Sitôt qu on a obtenu ainfi
une certaine quantité de crème, on la met dans un
vaiffeau de forme conique {fig, ip ) , & avec la me-
nole ouïe frefniau {fig. , on la bat pour en feparer
les parties féreufes. Dès que le beurre eft bien
ramaffé 8c dégagé de toute autre fubftance , on
l’étend par couches fur une table ; on lè fend parallèlement
en petites tranches : on enlève tous les
poils 8c toutes les ordures qui s’y trouvent mêlées ;
pn lave chaque tranche dans le petit lait ; après
entre chaque'couche de tomme dans la fabrication
du fromage : on tranfporte ces pains ainfi
formés 8c couverts de feuilles de gentiane, dans le
caveau des fromages, 8c on les coriferve jufqu à
l’arrière‘ faifon, qu’on les defcend des montagnes
pour les débiter aux marchands. ( ;
Les couches de fel fe fondent peu à peu, pénètrent
à mefure les parties butireufes , 8c les préfervent
de rancir , à quoi contribue aufïi la fraîcheur
du caveau : il fuinte à travers la maffe de ces pains ,
des gouttes de petit lait , qui font chargées de fel.
Le beurre nouvellement fait eft_ blanc , & n’a
qu’une faveur douce à mefure qu’il vieillit, il prend
line couleur d’un rouge orangé., & devient ties-
piquant au goût ; il a même un peu <1 odeur: c eft
en cet état que le peuple le trouve bon : c’eft la
nourriture ordinaire du vacher, des. valets & patres,
pendant leur féjour à la montagne.
Le petit lait dont la . crème a été féparée par le
repos , contient encore des parties cafeeufes , qui
fe dégagent & fe précipitent par l’ébullition : on en
fait un fromage feçondaire, en les enveloppant
dans une ferviette, & en les fufpendant aux travees
de la cabane iS & /<?). Ce fromage fert à la
nourriture du vacher & des patres.
Le petit lait enfin , dépouillé fucceffivement de
toutes les parties caféeufes & butireufes qut s y
trouvent unies , fert à nourrir des cochons qu on
élève à côté du buron : fur trente vaches , on en-
graifle quatre cochons, & on en élève quatre autres
petits qu’on engraiifera l’année fuivante.
S. VI. Préparation &• commerce des fromagesi
On compte le produit .d’une vacherie en fro-.
mage & én beurre , fur le pied d’un quintal 8c demi
de fromage par vache , & d’un quintal de beurre
par vingt vaches. Il y a des cantons où chaque
vache donne, comme nous l’avons v u , jufqu a deux
quintaux de fromage ; mais il doit etre quefiion ici
d’un produit moyen. On ne comprend pas. dans
cette eftiniation l e . beurre 8c le fromage qui fe
confomment fur la montagne ou dans la ferme. Le
fromage étant une denrée dont la vente eft afliiree „
les propriétaires & les fermiers en ont porté le produit
aufli haut qu’il a été poflïble, en obtenant un
quintal & demi par vache. Le prix ordinaire d’un
quintal de fromage eft de 20 livres : ainfi une trentaine
de vaches donnant quarante-cinq quintaux de
fromages , produiront 900 livres de revenu par la
vente des fromages ; & fi l’on y ajoute un quintal
& demi de beurre , à raifon de vingt-cinq livres le
quintal, cela fera 37 livres 1.0 fols. Selon l’ufage
reçu, il doit revenir au propriétaire un cochon de
30 livrés ; ce qui formera un total de 967 livres
19 fois ;,fur quoi.il faut défalquer jes pertes, auxquelles
il eft'expofé; telles font Celles de la mortalité
des beftiaux, les accidens dès' chûtes , les dé-
penfes des réparations de la ferme & des bnrons ,
enfin les impofitions; ^
Il faut fuivre maintenant les fromages jufqu’à
ce qu’ils foient livrés aux marchands qui les débitent.
Il paroît que le mouvement de fermentation
qu’on a communiqué à la tomme pour la faire
foufiler, continue toujours dans la maffe des fromages
, quoiqu’ils foient gardés en Un lieu frais :
ce mouvement produit, comme nous l’avons déjà
expliqué , une croûte compofée en grande partie de
molécules butireufes, 8c que les vachers enlèvent
lorfque cette croûte jaunit trop : ils n’en ' laiffent
fubfifter que ce qu’il fai# pour prendre la nuance
qu’ellé doit avoir , ainfi que nous l’avons dit, afin
que le fromage foit de bonne vente.
Il feroit à defirer qu’on pût empêcher cette partie
butireufe de tranffuder au-dehors trop abondamment.
C’eft en conféquence de l’appauvriffement
de la pâte du fromage, par la tranfliidation de la
partie butireufe , & de.la trop grande fermentation
qu’on communique à la tomme, que les fromages
d’Auvergne paffent fi rapidement & en moins d’un
an , à l’état d’alkâlefcence 8c de décompofition.
Peut-être parviëndroit-on à les préferve’r de cet
accident', en faifant ces fromages fuivant les procédés
des fromages dé Gruyères , tels qu’ils feront
décrits par la fuite ; ou peut-être encore mieux,
en fuivant les procédés de la Hollande, tant dans
la fabrication des fromages, que dans leur prépa- ^
ration après qu’ils font faits.
J’ai déjà dit que lès fromages trop falés man-
quoient d’une certaine confiftance, le réduifoient
en grumeaux 8c fe brifoient dans le tranfport ;,que
d’un autre côté, fi l’on n’y ,mettoit pas affez de
fe l, la croûte crevoit, 8c que la pâte mollaffe 8c
fans confiftance fortoit à travers les fentes. La
quantité de fel convenable eft donc un point bien
effentiel à faifir, pour éviter les uns ou les autres
inconvéniens. Au moyen de l’imperfe&ion de la
méthode aéluelle, les fromages d’Auvergne doivent
être vendus 8c mangés dans l’année ; il n’eft
guère poflible de les conferver au-dela ; il n’y a
guère même que le meilleur fromage du Cantal, qui
fe garde plus de neuf mois. Les premières chaleurs
du printemps , qui viennent à la fuite des tranf-
ports de ces fromages, quoiqu’ils fe faffent pendant
la nuit, portent la pâte à un tel degré d’alkalefcence,
qu’elle ne peut, en cet état, que fervir de cordial
au peuple.
Les fromages des hautes montagnes fe confer-
vent le mieux , 8c le plus long-temps ; mais Ceux des
montagnes baffes n’ont pas les mêmes avantages :
on attribue cette différence aux plantes qui com-
pofent les pâturages : outre cela, certaines caves
contribuent à donner aux fromages qu’on y dépofe,
une confiftance 8c une fermeté qui, toutes
chofes d’ailleurs égales , les font durer davantage.
Ceux même des montagnes baffes confervent ces
Arts & Métiers. Tome 111. Partie I.
qualités dans les caves de la ville de Murat, qui
eft au pied du Cantal ; au lieu qu’ils les perdent à
Aurillac, dans des celliers.
Le fléau qui fait le plus de ravages fur les fromages
d’A uvergne, font les mites qui éclofent
dans leur croûte, 8c qui s’y multipliant à l’infini,
l’excavent 8c la rongent, u l’on ne prend pas les
moyens de les détruire , en dépofant les fourmes
dans des* caves fraîches, fitôt que la croûte eft
formée , 8c en les frottant avec un linge au moins
une fois chaque femaine. On s’apperçoit bientôt,
fans ces précautions, que la croûte devient per-
fillée ; que les petites brèches, qui ne font pas d Rabord
plus grandes que des trous formes par la tête
d’une épingle , s’élargiffent infenfiblement, 8c deviennent
affez confidérables pour y loger une noix ,
en moins de huit jours : on les trouve remplies de
vermoulures grisâtres, 8c l’on diftingue au milieu
des débris du fromage , des animaux d’un petiteffe
infinie 8c d’une agilité extrême : leurs ravages augmentent
en raifon de la chaleur ; car ils font moins
redoutables dans les endroits rafraîchis par le voi-
finage des montagnes, comme Murat. Lorfque ces
infeéles fe font emparés d’une cav e , par la négligence
très-commune de ceux qui font prépofés
pour les détruire , on fent aifément quels dommages
ils caufent aux marchands.
Les pertes confidérables que leur dégât occa-
fionne, ont fait chercher quelquefois à des propriétaires
8c à des marchands inftruits, les moyens
propres à les détruire 8c à en préferver les fromages.
Ces moyens fe font réduits à les laver avec de
l’eau fraîche, 8c même à les y plonger ; 8c lorfque
/la contagion augmentoit, on a porté les foins juf-
qu’à laver les planches , les murs 8c les pavés des
caves ; enfin , on ne remettoit les fromages dans la
cave , quelorfqu’on étoitaffuré que la fraîcheur 8c
la propreté y régnoient. Cette opération dd lavage
des caves ne fe faifant qu’une ou deux fois l’année ,
dès les premières chaleurs du printemps , ou bien
en juin 8c juillet ; il n’eft pas étonnant qu’elle n’ait
pas donné des réfultats dont on ait eu lieu de s’applaudir
: on a cherché d’autres moyens ; on a employé
inutilement le vinaigré , l’eau de chaux ,
l’huile d’olive , l’huile de noix, des décodions de
plantes, des diffolutions de fuie 8c de miel : cette
dernière fuftbance a paru produire quelque effet ;
mais comme elle noircit le fromage , 8c qu’elle en
empêche le débit, on n’a pu en continuer l’ufage :
Les autres fubftances ont altéré la. qualité des fromages
, ou n’ont eu que des effets paffagers. Nous ferons
mention ci-après, à l’article du fromage de Hollande,
d’un moyen qui nous paroît plus efficace que tous
ceux dont nous avons fait mention jufqu’ici.
Les fromages faits en différentes faifons, ont
des qualités différentes : ceux qu’on fabrique fur la
j montagne, en juin 8c juillet, font toujours d’une
i qualité fupérieure ; on les appelle fromages de la.
I 5. Jean. Ceux qui fe fabriquent à la ferme, peii-
! dant que les vaches, y féjournent, foit au com