
France des bibliothèques qui ne le cedent point
à celles que nous venons de nommer : les unes
font publiques, les autres font particulières.
Les bibliothèques publiques font celle du ro i,
dont nous allons donner l’hiftoire ; celles de S.
Vi&or, du college Mazarin, delà Doârine-Chré-
tienne , des Avocats , & de S. Germain des prés :
celle-ci eft une des plus confidérables , par le
nombre & par le mérite des anciens manufcrits
qu’elle poffede : elle a été augmentée en 1718 des
livres de M. L. d’Etrées, & en 172.0 de ceux de
M. l’abbé Renaudot. M. le cardinal de Gefvres
légua fa bibliothèque à cette abbaye en 1744 ,
fous la condition que le public en jouiroit une fois
la femaine. M. l’évêque de Metz, duc de Coaflin,
lui a aufli légué un nombre confidérable de manufcrits
, qui avoient appartenu ci-devant au chancelier
Séguier.
De la bibliothèque du. roi de France.
Après avoir parlé des principales bibliothèques
connues dans le monde, nous finirons par celle
du roi de France, la plus riche & la plus magnifique
qui ait jamais exifté. L ’origine en eft allez
obfcure : formée d’abord d’un nombre peu con-
. fidérable de volumes , il n’eft pas ailé de déterminer
auquel des rois de France elle doit fa fondation.
Ce n’eft qu’après une longue fuite d’années
& de diverfes révolutions , qu’elle eft enfin par-*,
venue à ce degré de magnificence & à cette ef-
pèce d’immenfité, qui éterniferont à jamais l’amour
du roi pour les Lettres, & la proteâicn que fes
Miniftres leur ont accordée.
Quand on fuppoferoit qu’avant le XIVe fiécle,
les livres des rois de France ont été en affez
grand nombre pour mériter le nom de bibliothèques
, il n’en feroit pas moins vrai que ces bibliothèques
ne fubfiftoient que pendant la vie de
ces princes : ils en difpofoient à leur gré ; & pref-
que toujours diflîpées'à leur mort, il n’en paftbit
guère à leurs fucceffeurs, que ce qui avpit été. à
l ’ufage de leur chapelle. S. Louis qui en avoit
raffemblé une affez nombreufe, ne la laiffa point
à fes enfâns ; il en fit quatre portions égales, non
compris les livres de fa chapelle, & la légua aux
Jacobins & aux Cordeliers de Paris , à l’abbaye
de Royaumont , & aux Jacobins de Compiegne.
Philippe le Bel & fes trois fils en firent de même ;
ce n’eft donc qu’aux règnes fuivans qu’on peut !
rapporter Petabliffement d’une bibliothèque royale,
fix e , permanente, deftinée à Fulage du public , en
un mot comme inaliénable, & comme une des
plus précieufes portions des meubles de la couronne.
Charles V dont les tréfors littéraires con-
fiftoieut en un fort petit nombre de livres qu’avoit
eus le roi Jean fon prédéceffeur, eft,celui à qui l’on
croit devoir les premiers foncfemens de la biblior
theque royale d’aujourd’hui. Il étoit favant ; fon
goût pour la lefture lui fit chercher fous les. moyens
d’acquérir des livres, aufti fa bibliothèque fut-elle
confidérableinent augmentée en peu de temps.
Ce prince toujours attentif au progrès des lettres ,
ne fe contenta pas d’avoir raffemblé des livres
pour fa propre inftrtuflion ; rl voulut que fes fujets
en profitaffent, & logea fa bibliothèque dans une
des tours du Louvre, qui, pour cette raifon, fut
appelée la tour de la librairie. Afin que l’on pût
y travailler à toute heure, il ordonna qu’on pendît
à la voûte trente petits chandeliers & une lampe
d’argent. Cette bibliothèque étoit compofée d’environ
910 volumes, nombre remarquable dans un
temps où les lettres n’avoient fait encore que de
médiocres progrès en France , & où par confè*
quent les livres dévoient être affez rares.
Ce prince tiroit quelquefois des livres de fa bibliothèque
du Louvre , & les faifoit porter dans
fes différentes maifons royales. Charles VI , fon
fils & fon fucceffeur, tira aufli de fa bibliothèque
plufieurs livres qui n?y rentrèrent plus : mais cës
pertes furent réparées par les acquifitions qu’il faifoit
de temps en temps. Cette bibliothèque refta à peu
près dans le même état jufqu’au règne de Charles
V I I , où par une fuite des malheurs dont le
royaume fut accablé , elle .fut totalement diflâpée;
du moins n’en parut - il de long - temps aucun
veftige.
Louis XI , dont le règne fut plus tranquille ,
donna beaucoup d’attention au bien des lettres ;
il eut foin de raffembler, autant qu’il le p u t, les
débris de la librairie du Louvre; il s’en forma une
bibliothèque qu’il augmenta depuis des livres de
Charles de . France , fon frère ; & félon toute apparence
de ceux des ducs de Bourgogne,. dont il
réunit le duché à la couronne.
Charles VIII , fans être favant eut du goût
pour-les livres; il en ajouta beaucoup à ceux que
fon. pere avoit raffemblés, & fmgulièreraent une
grande partie de la bibliothèque de Naples, qu’il
.fit transporter en France après fa conquête. On
diftingue encore aujourd’hui , parmi les livres de
la'bibliothèque du roi de France , ceux des rois
de Naples & des feigneurs Napolitains par les armoiries
, les foufcriptions , les fignatures ou quelques
autres marques.
Tandis que Louis XI & Charles VIII raffem-
bloient ainfi le plus de livres qui leur étoit poflible,
les deux princes de la maifon d’Orléans, Charles,
& Jean comte d’Angoulême , fonfrere , revenus
d’Angleterre. après plus de vingt-cinq ans de pri-
fo n , jetterent, le premier à Blois & le fécond , à
Ango'ulême, les fondemens de. deux bibliothèques,
qui devinrent bientôt royales ,. & qui firent oublier
la perte qu’on avoit faite, par la difperfioii
des livres de la tour du Louvre, dont-on croit
que la plus grande partie avoit été enlevée par
le duc de Bedfort. Charles en racheta en Angleterre
environ foixante volumes , qui furent apportés
au château de Blois , & réunis à ceux qui
y étoien^ déjà en affez grand nombre»
Louis X II, fiis de Charles, duc d’Orléans ? étant
parvenu à la couronne , y réunit la bibliothèque
de Blois , au milieu de laquelle il avoit été, pour
ainfi dire, élevé ; & c’eft peut-être par cette con-
fidération qu’il ne voulut pas qu’elle changeât fie
lieu. Il y fit tranfporter les livres de fes- deux pré-
déceffeurs Louis XI & Charles V I I I , & pendant
$out le cours de fon régné il s’appliqua à augmenter
ce tréfor , qui devint encore bien plus confidérable
lorfqu’il y eut fait entrer la bibliothèque que
les Vifcomti & les Sforce , ducs de Milan, avoient
établie à Pavie, & en outre les livres qui avoient
appartenu au célébré Pétrarque. Rien n’eft au deffus
fies éloges que lés écrivains de ce temps-là font
de la bibliothèque de Blois ; elle étoit l’admiration
non-fèulement de la France, mais encore de
l’Italie.
, François I , après .avoir augmenté la bibliothèque
de Blois , la réunit en 1544 à celle qu’il avoit
commencé d’établir au château de Fontainebleau
plufieurs années auparavant : une augmentation fi
confidérable donna un grand luftre à la bibliothèque,
de Fontainebleau, qui étoit déjà par elle-
même affez riche. François I avoit fait acheter en
Italie beaucoup de manufcrits grecs par Jérôme
Fondiile, homme de lettres, en grande réputation
dans ce temps-là * il en fit encore acheter depuis
par fes ambaffeurs à Rome & à Venife. Ces miniftres
s’acquittèrent de leur commiftion avec beaucoup
de foin & d’intelligence ; cependant ces différentes
acquittions ne formoient pas au-delà de
400 volumes, avec une quarantaine de manufcrits
orientaux. On peut juger delà combien les livres
étoient encore peu communs alors , puifqu’un
prince qui les recherchoit avec tant d’empreffe-
ment , qui n’èpargnoit aucune (dépenfe , *• & qui
employoit les plus habiles gens pour en amaffer,
n’en avoit cependant pu raffembler qu’ un fi petit
nombre , en comparaifon de ce qui s’en eft répandu
en France dans la fuite.
La paftioe de François I pour les manufcrits
grecs , lui fit négliger les latins & les ouvrages
en langues vulgaires étrangères. A l’égard fies livres
françois qu’il fit mettre dans fa bibliothèque,
on en peut faire cinq claffes différentes : ceux qui
ont été écrits avant fon règne ; ceux qui lui ont
été dédiés ; les livres qui ont été faits pour fon
ufage , ou qui lui ont été donnés par les auteurs ;
les livres de Louife de Savoie, fa mère; & enfin
ceux de Marguerite de Valois, fa foeur : ce qui
ne fait qu’à peu près 70 volumes.
Jufqu’alors il n’y avoit eu , pour prendre foin
de la bibliothèque royale qu’un fimple garde
en titre. François I créa la charge de bibliothécaire
en chef, qu’on appella long-temps, & qui
dans fes provifions s’appelle encore maître de la
librairie du roi.
Guillaume Budée fut pourvu le premier de cet
emploi , & ce choix fit également honneur au
prince & à l’homme de lettres. Pierre du Chaftel
ou Châtellain lui fuccéda ; c’étoit un homme fort
verfé dansles langues grecque & latine : il mourut
en 15 5 2 ; & fa place fut remplie, fous Henri I I ,
par Pierre de Montdoré, confeiller au grand con-
fe il, homme très-lavant, fur-tout dans les ma^
thématiques. La bibliothèque de Fontainebleau
paroît n’avoir reçu que de médiocres accroiffe-
mens fous les règnes des trois fils de Henri I I ,
à caufe, fans doute, des troubles & des divifions
que le prétexte de la religion excita alors dans le
royaume. Montdoré , ce favant homme , foup-
çonné & accufé de donner dans les opinions nouvelles
en madère de-religion , s’enfuit de Paris
en 1567* & fe retira à Sancerre en Berry, où il
mourut de chagrir *rois ans après. Jacques Amyot,
qui avoit été pW_ ?pteur de Charles IX & des
princes R s frères, fut pourvu, après l’évafion de
Montdoré, de la charge de maître de la librairie.
Le temps de fon exercice ne fut rien moins que
favorable aux arts & aux fciences : on ne croit
pas, qu’excepté quelques livres donnés à Henri I I I ,
la bibliothèque royale ait été augmentée d’autres
livres que de ceux de privilège. Tout ce que
put faire Amyot , ce fut d’y donner entrée aux
favans, & de leur communiquer avec facilité l’u-
fage des manufcrits dont ils avoient befoin. Il
mourut en 1593 , & fa charge pafla au préfident
Jacques-Augùfte de Thou, fi célèbre par l’hiftoire
de fon temps qu’il a écrite.
Henri IV ne pouvoit faire un choix plus honorable
aux lettres : mais les commencemens de
fon règne ne furent pas affez paifibles , pour lui
permettre de leur rendre le luftre qu’elles avoient
perdu pendant les guerres civiles. Sa bibliothèque
fouffrit quelque perte de la part des faâieux; pour
prévenir de plus grandes diflipations, Henri I V ,
en 1595 , fit tranfporter au collège de Clermont
à Paris la bibliothèque de Fontainebleau, dont le
commun des favans n’étoit pas affez à portée de
profiter. Les livres furent à peine arrivés à Paris,
qu’on y joignit le beau manufcrit de la grande bible
de Charles - le.- Chauve. Cet exemplaire , l’un des
plus précieux monumens littéraires du zèle des
rois de France de la fécondé race pour la religion,
avoit été confervé depuis le règne de cet
empereur, dans l’abbaye de S. Denis. Quelques
années auparavant le vpréfident de Thou avoit engagé
Henri IV à acquérir la bibliothèque de Catherine
de Medicis, compofée de 800 manufcrits
grecs & latins ; mais différentes circonftances firent
que cette acquifition ne put être terminée qu’en
1 599* Quatre ans après l’acquifition des manufcrits
de la reine Catherine de Medicis , la bibliothèque
paffadu collège de Clermont chez.les Cordeliers,
où elle demeura quelques années en dépôt. Le préfident
de Thou mourut en 16 17 ; & François de
Thou fon fils aîné , qui n’avoit que neuf ans ,
hérita de la charge de maître de la librairie.
Pendant la minorité du jeune bibliothécaire ,
la dire&ion de la bibliothèque du roi fut confiée
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