
5 ï 6 ' I M P
ils font tous deux la même manoeuvre qui a été
expliquée au tirage de la première forme, & avec
le même foin & la même attention. Toute la dif-
fér ence qu’il y a , c’eft qu’au lieu de marger les
feuilles, on les pointe, & qu’au lieu de prendre
garde à la marge, on prend garde fi le regiftre
ne fe dérange point, c’eft-à-dire, fi les pages du
premier & du fécond côté fe rencontrent bien
les uns fur les autres, enobfervant de retourner
de temps en temps une feuille , pour voir la couleur
de Fimprefiion dupremier côté afin de donner
au fécond côté la même teinte ; au moyen de cette
attention, Fimprefiion fera égale & fuivie des
deux côtés. Il obfervera aufli de changer la feuille
de décharge à chaque rame, plus ou moins, à
proportion que le premier côté décharge fur cette
feuille ; fans cela Fimprefiion maculerait.
Tous les foirs en quittant l’ouvrage, celui des
deux imprimeurs qui eft au barreau, décharge, la
forme, fi le tirage n’en eft pas fin i, en mettant
fur le tympan deux ou trois mauvaifes feuilles
sèches & les tirant ; il retourne ces feuilles & les
tire une fécondé fois : ou bien il trempe fupérfi-
ciellement la brade dans la leflive, en donne
quatre ou cinq tours à la forme , & la décharge
comme nous venons de voir, ou bien , s’il y a
encore beaucoup à tirer fur la forme, .il ia porte
au baquet, la la v e , la laiffe fécher pendant
la nuit, & le lendemain matin la met fur la
preffe.
L’autre imprimeur démonte les balles , mais il
y fait un peu plus de façon que pour les rafraîchir
pendant la journée. Après avoir détaché cinq
ou fix clous, il ôte le pain de laine, le preffe entre
fes deux mains en tournant pour le défappla-
t i r , fépare le cuir de la doublure, plie Je cuir
en deux du côté qu’il eft encré ; prend de l’eau
nette dans une jatte, y plonge plufieurs fois la
doublure en la maniant pour la rendre douce ;
y plonge aufii le cuir à l’envers , & le frotte à
deux mains principalement quand il eft neuf ; étale
la doublure & le cuir par deffus, & les roule
l’un fur l’autre jufque fur l’extrémité du bois de
balle : le cuir & la doublure roulés enfemble font
alors comme une efpèce de bourrelet, que l’imprimeur
plonge plufieurs fois dans l’eau & preffe
avec la main. Il en fait autant à l’autre balle ; puis
il les met l’une auprès de l’autre à terre dans un
lieu humide, & les couvre d’un vieux blanchet
ramoiti.
Quand il y a mille ou douze cent cinquante
de papier tiré des deux côtés, les imprimeurs le
chargent. On le met entre deux ais fous un poids
de quarante ou cinquante livres, plus que moins,
6 on Fy laiffe pendant cinq ou fix heures. Après
que le papier a été chargé , le foulage étant ap-
p la ti, Fimprefiion paraît plus unie, plus nourri
e , & fort davantage. (Cet article eft du P rote de
F imprimerie de M, Le Breton.}
ImpreJJion en rouge <5* noir.
Il nous refte à parler de Fimprefiion en rouge
& noir, c’eft-à-dire, de celle dans laquelle on
imprime fur la même forme avec ces deux couleurs.
Pour y procéder , quand les épreuves ont
été faites en noir, on doit laver la forme avec
une plus grande attention qu’à l’ordinaire, de
façon qu’il ne refte point de noir fur le cara&ère ;
on doit la laver avec de la leflive bien chaude.
De-là on la met en train fur la preffe avec une
grande précaution : on ferre bien les coins de re-
giftre, de manière que la forme ne puiffe nullement
fe déranger ; on fait enforte que les couplets
du tympan & de la frifquette ne puiffent vaciller
aucunement. On découpe enfuite fur la frifquette
la partie qui doit venir en rouge, & les
morceaux de parchemin que l’on en ôte doivent
fe coller fur.le tympan, au même endroit où ils
étoient à la frifquette ; ou on les met fous chacun
des mots de la forme qui doivent fe trouver en
rouge j c’eft ce qu’on appelle taquonner : ces morceaux
détachés de la frifquette fe nomment ta-
quons,
Par ce moyen on donne plus de hauteur au
caraâère. (Dans les imprimeries où l’on fait fou-
vent des livres d’églife, & autres où cette im-
preflion eft plus ufitée, il y a des caraéïères plus
hauts deftinés à' cet ufage. ) On imprime comme
à l’ordinaire la partie rouge ; quand elle eft finie
fur une forme , on la lave encore fortement pour
détacher le rouge , on ôte les mots ou les lignes
qui ont été imprimés, on y fubftitue des cadrats ,
on reporte la forme fur la preffe, & avec les
mêmes précautions on imprime la partie noire.
Il n’eft pas aifé de faire rencontrer exaâement
& en ligne cette forte d’impreflion ; le moindre
dérangement dans le jet du tympan ou de la fri£
quette, ou dans les pointures , fuffit pour la gâter.
Peu d’imprimeurs y réufiiffent ; & c’eft ce qu’ils
ont de plus difficile à exécuter.
Les pe^ux dont on fe fert pour les balles à
Fimprefiion rouge, font des peaux blanches-
ImpreJJion de planches gravées en bots.
Lorfque la planche eft fortie des mains du graveur
, c’eft fouvent à l’imprimeur pour qui elle
eft deftinée à la faire valoir fon prix.
Les preffiers prennent une feule fois de l’encre
pour cinq épreuves; d’où il peut arriver que les
premières foient pochées, les fécondés bouèufes ,
& les dernières grifes ; défaut à éviter. •
Il faudrait à chaque épreuve prendre de l ’encre,
& n’en prendre que ce qu’il fa u t a v o i r des balles
moins pefantes, toucher avec ménagement &
moins de promptitude, en un mot, ufer des précautions
néceffairesr
Si le papier eft trop foc, Fimprefiion deviendra
neigeufe ; autre défaut. L’impreftion eft neigeufe
lorfque les tailles & les traits de la gravure font
confondus, & qu’on n’apperçoit que des petits
points vermichelés.
Si le papier eft trop humide-, on aura des taches
ou places dans lefquelles l’eftampe aura trop ou
n’aura pas affez pris de noir.
Si la planche eft plus haute que la lettre, il
faut qu’elle vienne pochée. Laiffez-la de niveau
avec la lettre, le tympan foulera toujours affez ;
ou fi l’empreinte n’eft pas affez forte, vous aurez
toujours la reffource des hauffes.
Manière de bien imprimer les endroits creufes de la
gravure.
On fera atteindre le papier aux endroits creu- 1
fés , foit avec le doigt, le pouce, ou la paume
de la main , félon leur étendue lorfqu’on imprimera
au rouleau ; ce fecours ne fera pas nécef-
faire à Fimprefiion en lettres où Fon a celui des
hauffes & de la foule du tympan, qu’il faut toutefois
favoir préparer. On collera un morceau de
papier ou deux à l’endroit du tympan qui répondra
au creux de la planche. Il faut que ces papiers
occupent toute l’étendue du creux. Sur ces premiers
papiers on en collera# d’autres qui iront
toujours en diminuant jufqu’au centre. Il ne faut
pas couper ces morceaux avec des cifeaux, mais
en déchirer les bords avec les ongles. Sans cette
attention, l’épaiffeur du papier formera une gau-
frure & un trait blanc à l’épreuve.
Si un lointain ou un autre endroit creufé vient
trop dur à Fimprefiion, il faudra mettre une ou
plufieurs hauffes au tympan de toute l’étendue
de la planche ; mais découper ces hauffes & en
ôter le papier à l’endroit qui répondra au lointain ;
ou même fans employer de hauffes, découper la
feuille du tympan à l’endroit convenable. On
pourrait même dans un befoin y découper le parchemin
du tympan & le premier lange ou blanchet..
Il faudra que les blanchets ayent déjà
fervi.; neufs ils feraient venir la gravure trop
dure.
Encre noire à Vufage de Vimprimerie.
L’encre dont on fe fert pour Fimprefiion des
livres, eft un mélange d’huile & de noir ; on convertit
cette huile en vernis par la cuiffon : le noir
fe tire de la poix-réfine ; on retient artiftement
toutes les parties qu’exhale la fumée de cette forte
de poix quand on vient à la brûler dans une
bâtiffe faite exprès, nommée dans la profeflion
fac à noir. : on le décrira dans la fuite de cet
article.
Le vaiffeau dans lequel l’on veut faire le vernis
d’imprimerie, peut être de fer, de fonte ou de
cuivre ; de ce dernier métal il eft fait affez ordinairement
en forme de poire , & on le nomme
ainfi : les autres font tout fimplement de la figure
&. forme d’une chaudière ordinaire. De quelque
matière > que foit le vaiffeau , & quelque forme
qu’on lui fnppofe, il clpit avoir un couvercle de
cuivre , avec lequel on puiffe à volonté le boucher
très-exactement. Le corps de ce vaiffeau
doit être armé vers le milieu de deux anneaux
de fe r , un peu plus hauts que le niveau du couvercle
qui a aufii le fien : ces anneaux fervent
à paffer un ou deux bâtons, au moyen defquels
un homme à chaque bout peut fans rifquer, porter
& tranfporter ce vaiffeau, lorfqu’on veut le
retirer de deffus le feu, ou Fy remettre.
Pour fe précautionner contre tous les accidens
qui peuvent arriver, il eft de la prudence, pour
faire ce vernis, de choifir un lieu fpacieüx, tel
qu’un jardin, & même d’éviter le voifinage d’un
bâtiment. .
S i, comme je le fuppofe, on veut faire cent
livres de vernis , réduction faite ; mettez dans
votre poire ou chaudière cent dix à cent douze
livres d’huile de noix ; obfervez que cette quantité
, ou que celle que peut contenir votre vaiffeau,
ne le rempliffe qu’aux deux tiers au plus, afin de
donner de l’aifance à l ’huile , qui s’élève à me-
fure qu’elle s’échauffe.
Votre vaiffeau en cet état, bouchez-le très-
exaCtement, & le portez fur un feu clair que vous
entretiendrez l’efpace de deux heures. Ce premier
tems donné à la cuiffon, fi l’huile eft enflammée,
comme cela doit arriver, en ôtant votre poire de
deffus le feu, chargez le couvercle de plufieurs
morceaux de vieux linge ou étoffes imbibées d’eau.
Laiffez brûler quelque temps votre huile, à laquelle
il faut procurer ce degré de chaleur, quand elle
ne le prend pas par elle-même , mais avec ménagement
& à différentes fois.
Ce feu rallenti, découvrez votre vaiffeau avec
précaution, & remuez beaucoup votre huile avec
la cuiller de fer : ce remuage ne peut être trop
répété, c’eft de lui d’où dépend en très-grande
partie la bonne cuiffon. Ces choies faites , remettez
votre vaiffeau fur un feu moins v if; & dès
l’inftant que votre huile reprendra chaleur, jettez
dans cette quantité d’huile une livre pefant dé
! croûtes de pain sèches & une douzaine d’oignons,
! ces chofes accélèrent le dégraiffement de l’huile ;
; puis recouvrez Votre vaiffeau, & le laiffez bouillir
à très-petit feu , trois heures confécutives ou
environ : dans cet efpace de temps votre huile
doit parvenir à un degré parfait de cuiffon. Pour
le connoître & vous en affurer, vous trempez la
cuiller de fer dans votre huile, & vous faites
égoutter la quantité que vous avez puifée fur une
ardoife ou une tuile ■ fi cette huile refroidi eft
gluante & file à peu près comme une foible
glu » c’eft une preuve évidente qu’elle eft à fon
point, 8c dès lors elle change fon nom à'huile
en celui de vernis.
Le vernis ainfi fait, doit être tranfvafé dans
des vaiffeaux deftinés à le conferver; mais avant
qu’il perde fa chaleur, il faut le paffer à plufieurs