
494 I M P
Difiribution,
Après que le compofiteur a donné à Tes deux
caffes le plus de propreté, qu’il lui a été poflible,
il doit diftribuer. Pour cela le prote lui donne des
paquets de lettres, fi le caractère eft en paquet. Le
compofiteur en ôte l’enveloppe, les arrange furie
marbre ou fur un ais, l’oeil en deffus & le cran
tourné de fon côté , prend de l’eau claire avec une
éponge, en mouille la quantité qui lui eft nécef-
faire pour emplir fa cafte, & délie les paquets à
mefure qu’il les diftribue.
Si le cara&ère eft en forme, le prote indique
au compofiteur une forme de diftribution. Il va
la prendre, l’apporte, met fur le marbre- un grand
ais ou le plus fou vent deux demi-ais, met la forme
fur ces ais, l’oeil du caraâère en défias, prend un
marteau, l’y defferre , mouille le cara&ère avec
l ’éponge, ôte le châflis, ôte aufli la garniture, la met
arrangée fur un autre ais , garde ce châftîs & cette
garniture s’ils doivent lui fervir, finon il les donne
au prote pour les ferrer.
Le compofiteur prend une réglette qui doit être
un peu plus longue que les lignes de diftribution,
& enlève les titres courans des pages, les lignes
de cadrais, les vignettes , les réglets doubles ou
fimples , en un mot tout ce qu’il croit pouvoir
lui fervir dans fa compofition , & k met dans
une galée.
Enfuite il pofe le plat de fa réglette contre le
corps du caraôère du côté du cran, & du côté de
la main gauche le bout de la réglette au niveau des
lignes de diftribution ; il appuie le doigt annulaire
de chaque main contre la réglette ; & preflant les
lignes de côté également en fens contraire avec
l’indicateur & le doigt du milieu aufli de chaque
main, & tirant un peu vers lu i , il fépare, puis
enlève une quantité de caractère qui s’appelle une
poignée, plus ou moins groffe à proportion de la
longueur des lignes de diftribution. La main droite
foutient feule un inftant cette poignée, pendant lequel
la gauche s’ouvre & fe préfente les doigts
écartées , pour la recevoir & la foutenir fur le
doigt annulaire ou fur le petit doigt , appuyée
contre le pouce dans toute fa hauteur.
Le compofiteur commence à diftribuer. Il prend
avec le doigt du milieu , l’index & le pouce de
la main droite, en commençant par la fin de la
ligne qui fe trouve la première en deffus, un ,
deux ou trois * mots de la diftribution, à proportion
de leur longueur; & foutenus fur le doigt
annulaire , il les l i t , & par un petit mouvement
du pouce , de l’index & du doigt du milieu , en
met chaque lettre l’une après l’autre dans le caf-
fetimde la caffe qui lui eft deftiné.
Il prend enfuite deux ou trois autres mots ,
il les diftribue de même, & encore deux ou trois
autres après , jufqu’à ce que la première ligne foit
finie. Il entame de même la ligne fuivante qui fe
trouve la première en deffus, & ainfi fucceflive-
I M P
ment les autres lignes jufqu’à ce que la poignée foit
entièrement diftribuée. Enfuite il prend plufieurs
autres poignées & les diftribue de même, jufqu’à
ce que la cafté fe trouve remplie.
En diftribuant, le cran doit être deffous & l’oeil
de la lettre tourné du côté du compofiteur, à
caufe de la commodité évidente qui en réfulte dans
la diftribution , malgré la méthode contraire de
quelques étrangers, qui diftribuent le cran deffus,
& le pied du caraâère tourné de leur côté.
Le compofiteur doit, en diftribuant , éviter avec
le plus grand foin de faire ce qu’on appelle dans
l’imprimerie des coquilles , c’eft - à - dire, de mettre
dans un caffetin les lettres qui font d’un autre
caflètin. Les lettres de la diftribution devant entrer
dans la compofition, il arrive de ce mélange,
que le compofiteur qui porte la main dans un caffetin
pour prendre une lettre , en prend une autre,
ce qui charge l’épreuve de fautes & le compofiteur
de corrections. Si en diftribuant il lui échappe
quelque lettre & qu’elle tombe dans un autre caffetin
, il doit la chercher auflitôt, & faire enforte
de la trouver pour la mettre à fa place.
Quand le compofiteur a fini de diftribuer , il
voit fi fa caffe eft bien affortie ; s’il lui manque
quelque forte, il la cherche dans les autres caffes
du même caraftère ; s’il en a quelqu’une de trop,
il la furvide.
Prendre la juflification.
Le compofiteur prend enfuite la juftification.
Prendre la juftification, c’eft defferrer, avec le dos
de la lame d’un couteau, la vis d’un compofteur,
& en faire mouvoir les branches, c’eft-à-dire, les
avancer ou reculer dans toute la longueur de la
lame, en portant la vis & l’écroù d’un trou à un
autre, à proportion de la longueur des lignes de
l’ouvrage, oc ferrer la vis.
Si l’ouvrage eft commencé, il faut prendre la
juftification fur une ligne bien juftifiée ( c’eft-à-
dire , ni forte ni foible ) dkme nouvelle Compofition.
Il ne faut point la prendre fur une ligne de
diftribution; on rifqueroit de la prendre trop foible,
parce que les lignes fe refferrent & fe rétréciffent
plus ou moins à proportion du plus ou moins de
temps qu’elles reftent en châflis, & les lignes de petit
caradère plus que les lignes de gros cara&ère.
Si la copie eft imprimée, & que la réimpref-
fion fe faffe du même format & du même caractère,
il faut, en préfentant le compofteur fur une
page, prendre la juftification tant foit peu plus
large que les lignes , par exemple, d’un t , parce
que le papier, qui a été trempé pour l’impreflion,
s’eft rétréci en féchant : ou bien le compofiteur
choifit une ligne un peu ferrée de cette page imprimée
, la compofe , & prend la juftification fur
cette même ligne.
Quand on prend la juftification d’un ouvrage
de longue haleine , on détermine ordinairement
Mwgngg
I M P
la longueur des lignes fur un nombre d’m m du
earaâere. Au moyen de cetre détermination, fi
l’on eft obligé de déjuftifier le compofteur pour
un autre ouvrage, on eft sur, en reprenant, de
trouver iufte'la juftification,, & .de ne point varier.
La juftification prife , le compofiteur prend une
galée ou infol. ou ïn -jf. ou in-8 . fuivant le format
de l’ouvrage fur lequel il va travailler, & la
place fur les petites capitales de ûl caffe de romani.
Compofition..
Le prote donne au compofiteur une quantité
de copie plus ou moins considérable,. après avoir
marque l’alinea ou il doit commencer ; c’eft une
attention à laquelle il ne faut point manquer quand
il y a plufieurs compofiteurs lur un ouvrage , pour
éviter de compofer deux fois la même chofe, comme
cela arrive quelquefois.
Si cette copie eft infol.. ou in-af. le compofiteur
la plie en deux, en met le bas dans la cre-
nure de fon vifôrium, & en arrête le haut avec
le mordant, précifément au deffus de la ligne où
il doit commencer.
Enfuite tenant fon compofteur de la main gauche
, le rebord en~defîùs & en-dedans delà main,
les quatre doigts de f f ous& le pouce dans le
vide que forment le. rebord des couliffes & l’équerre
qui eft au bout du. compofteur, il lit trois
ou quatre mots de la copie ; puis avec le pouce,
le doigt index & te doigt du milieu de la main
droite, il lève toutes les lettrés de ces trois ou
quatre mots , l’une, après l’autre dans chaque caffetin
où elle fe trouve, après avoir donné un
çoup-d’oeil pour en voir le cran , & les arrange
dans le vide du compofteur, fous le pouce de la
main gauche qui les maintient, l’oeil de la lettre
en haut ; & le cran en bas & en deffous , obfer-
vant de mettre une efpace moyenne ou deux minces
entre chaque mot, & d’avancer le pouce & les
doigts de la main gauche vers le bout du compofteur
à. mefure qu’il s’emplit.
Quand ces trois ou. quatre mots font compofés,
il en lit trois ou.quatre autres, en lève de même
toutes* les lettres, & les met dans le compofteur
jufqu’à ce qu’il foit plein ou à peu de. chofe près.
Alors , le mot qui fe trouve au bout de la ligne
eft fini, ou il ne l’eft pas ;, fi le mot eft fini,; le
compofiteur juftifie fa ligne, c’eft-àrdire, la fait
de la longueur déterminée dans le compofteur par
la juftification qu’il a prife, en mettant également
des efpaces plus ou moins entre chaque mot, jufqu’à
ce que le compofteur foit tout-à-fait plein,
& qne la ligne s’y trouve un peu ferrée.
Si le mot n’eft pas fini, le compofiteur peut le
divifer par fyllabe, & ayant une fyllabe au moins
de deux lettres en mettant une divifion au bout
de la ligne., plus ou moins forte , fuivant la place
qu’il a..
Si la ligne e.ft. d’un petit; format eeft-ardirea,
I M P 495
in-12, in-i-6 ,in-i8 , Scc. le compofiteur peut la mettre
dans la galée avec les doigts de la main droite
feulement, fans le fecours de la réglette , en pref-
fant le commencement de la ligne avec le pouce,
preffant la fin en1 fens contraire avec le doigt index
, la ligne appuyée fur le côté du doigt du milieu
dans fa longueur.
Si la ligne eft i/z-8°. ou in-40. le compofiteur
prend fa réglette de la main droite, la pofe à plat
fur la ligne qui eft dans le compofteur, appuie
un bout de la réglette contre le talon de la cou-
liffe du compofteur, & avec le pouce en-deffus
fur la réglette , le doigt annulaire ou le petit
doigt qui arrête le commencement de la ligne r
le doigt index qui en maintient la fin , & le doigt
du jnilieu qui la foutient par le milieu en-deffous..
il tranfporte la ligne du compofteur dans la galée..
Si la ligna eft infol. , le compofiteur eft obligé
de fe fervir des deux mains pour la mettre dans-
la galée.
Il commence enfuite la fécondé ligne, la finit,,
la juftifie, la met dans la galée de la même manière
, obfervant d’efpacer également les mots &.
de bien juftifier les lignes, à caufe de l’égal inconvénient
qui réfulte d’une ligne trop forte ou d’une
ligne trop foible.
Une ligne trop foible ne peut pas être ferrée
dans l’impofition par les bois de la garniture, &
met les lettres dé cette ligne dans le cas de s’écarter
les unes des autres, & même de tomber
dans le tranfport qu’on fait de la forme , du marbre,
fur la preffe aux épreuves, & de la preffeaux
épreuves fur le marbre pour corriger, ce qu’on
appelle en terme d’imprimerie des fonnettes.. Une
ligne trop forte empêche les lignes de deffus &
les> lignes de deffous d’être ferrées , & les met
dans l’inconvénient des lignes trop foibles-
Le compofiteur doit avoir aufli l’attention de
jetter la vue fur chaque ligne avant de la juftifier ou
en la juftifiant, pour voir s’il n’a point, en compo-
fant, oublié ou doublé quelque lettre ou quelque
mot, s’il n’a point renverfé ou mis quelque lettre
pour une autre, comme cela arrive très-fouvent :
alors il ajoutera dans la ligne ce qui fera oublié
ôtera ce qui fera doublé, & changera les lettres
qui devront être changées, avant que de mettre la
ligne dans la galée..
Le compofiteur n’oubliera pas non plus de baif-
fer fon mordant fur la copie à mefure qu’il compofe
, pour faire enforte de ne ri,en oublier, &
pour trouver du premier coup-d’oeil la ligne & le;
mot où il en eft.
On voit- fouvent dans les pages d’une impref-
fion des lettres qui ne font imprimées qu’à moitié
: cela provient ordinairement de" ce que le compofiteur
a couché des lettres dans fon compofteur,.
& de ce qu’il les a tranfportées dans la galée fans
avoir eu foin de les relever ; ce défaut peut encore
provenir de. ce que le compofteur n’eft pas blem
à l'équerre „ ou. que la lettre eft plus, épaiffe. par;