
ronce d’Europe ; la- fleur eft pareille à colle de l’églantier
ou rofier fauvage, & fa graine reffemble
à" celle du fenugr.ee. L’efpèce la plus large croît
près du village Chircées ou Girchèes, dont on lui,
donne le nom, à deux lieues d’Amadabat, capitale
du Guzaratte.
Il croît au(E de l’indigo dans plufieurs autres
endroits des Indes. Celui du territoire de Bayana,
d’Indona & de Corfa dans l’Indouftan, paffe pour
le meilleur. -
Il y a plufieurs autres efpèces de plantes , telles
que le ncli , le colinil, le tarron, dont les Indiens
tirent l’indigo.
Herbelot, dans fa bibliothèque orientale , dit
que les Perfiens & les Turcs appellent n il, la
plante que les Grecs & les Latins nomment ijatis
& glafium , dont le fuç fait la couleur bleue ou
violette , que nous appelions vulgairement indic
ou indigo, & par corruption annil au lieu de al-
n il, qui eft le mot turc avec l’articlé^arabe al.
La manière de travailler cette plante n’eft point
uniforme dans l’A fie , & il n’eft pas rare de voir
les fabriques d’un même canton, différer confi-
dérablement entre elles.
Parmi ces diverfes pratiques, on en remarque
deux principales, dont les produits fe diftinguent
par les noms d’inde & d'indigo.
La manipulation de Yinde diffère effentiellement
de celle de l'indigo, en. ce qu’on ne met que les
feuilles de la plante à infufer dans Peau pour obtenir
Yinde, au lieu qu’on met toute l’herbe, excepté
fa racine , à macérer à peu près de la même
manière pour avoir Yindigo.
Outre ces deux procédés fort variés dans leurs
eirconftances, il y en a encore un autre ufité dans
les Indes, qui confifte dans la feule trituration &
hiimeftation des feuilles de cette plante, dont on
forme une pâte ou efpèce de paftel qui porte aufli
le nom d'inde.
Les habitans de Sarqueffe , village à 80 lieues
de Surate & proche d’Amadabat , après avoir
coupé cette plante , la dépouillent de tout fon
feuillage & le mettent à infufer dans une certaine
quantité d’eau, qu’on verfe dans un vaiffeau nommé
la trempoirë, où ils le laiffent pendant trente ou
trente-cinq heures. Au bout de ce temps, On fait
paffer cette eau , qui eft chargée d’une teinture
verte tirant fur le bleu , dans un autre vaiffeau
nommé la batterie , où. l’on fait battre cet extrait
pendant une heure & demie par quatre forts Indiens
, agitant des cuillers de bois, dont les manches
, de 18 à 20 pieds de lon g, font pofés fur
des chandeliers à fourche.
En quelques endroits, on épargne le travail de
plufieurs hommes, en fe fervant d’un gros' rouleau
.de bois taillé à fix faces , des deux bouts
duquel Portent des aiflieux de fer qui tournent fur
des c.ollets de même matière, enchâffés dans les
deux côtés de la batterie.
Aux deux faces inférieures, près le deffous de.
1 ce rouleau , font attachés fix féaux en forme de
pyramide renverfée & ouverts par en bas.
Un Indien remue continuellement ce rouleau ,
à l’aide d’une manivelle fixée à un de fes aiflieux,
enforte que trois féaux s’élèvent d’un côté , tandis
que trois s’abaiffent de l’autre, continuant toujours
de la même façon jufqu’à ce que cette eau foit
chargée de beaucoup de mouffe. On jette alors,
avec une plume, fur cette écume, un peu d’huile
d’olive. On emploie pour ces afperfions, environ
une livre d’huile fur une cu,ve qui peut rendre
70 livres d’inde.
Auflitôt que cette huile eft jetée fur l’écume,
elle fe fépare en deux parties à travers lefquelles
on apperçoit quantité de petits grumeaux, comme
ceux, qui fe voient dans le lait tourné. On ceffe
pour lors le battage de l’extrait ; & quand il eft
affez repofé, on débouche le tuyau de la batterie ,
afin d’en écouler l’eau qui eft claire , & en retirer
la fécule qui refte au fond de ce vaiffeau en forme
de boue ou de lie de vin; l’ayant retirée, on la
met dans des chauffes de drap pour en faire for-
tir le peu d’eau qui pourroit s’y trouver ; après
i quoi on renverfe la matière dans des caiffes d’un
demi-pouce de haut, pour la faire fécher. Cette
^matière une fois sèche, eft ce que les marchands
appellent inde.
L'indz de la première cueillette, paffe pour la
meilleure. Celui de la fécondé eft moins beau ,
& ainfi des autres, la couleur du premier étant
d’un violet plus v if & plus brillant que celui des
coupes fuivantes.
L’auteur de l’Herbier d’Amboine, rapporte ainfi
le procédé que les Chinois emploient pour faire
l’indigo. Ils prennent les tiges & les feuilles de
• l’herbe verte, quelques-uns même y joignent les
fouches avec la racine qu’ils jettent dans une cuve ,
avec une quantité d’eau affez grande. On laiffe
macérer l’herbe vingt-quatre heures, pendant lefquelles
l’eau en extrait toute la couleur. On jette
enfuite les tiges avec leurs feuilles, & ©n verfe
dans chaque cuve trois ou quatre mefures, qu’on
nomme gantang, de chaux fine paffée au tamis,
qu’on remue vigoureufement avec de gros bâtons
, jufqu’à ce qu’il s’élève une écume pourprée.
On laiffe alors repofer la cuve pendant vingt-
quatre heures ; on en tire l’eau, & on fait fécher
' au foleil la fubftance qui fe trouve au fond î- on
en facilite le defféchement en la divifant en gâteaux
ou carreaux, lefquels étant bien fecs, forment
un indigo propre à être tranfporté & trafiqué.
L’Herbier d’Amboine indique cette autre préparation
de l’indigo, ufitée aux environs d’Agra.
Lorfque l’indigo, planté dans un terrain frais,
a reçu les pluies du mois de juin, & lorfqu’il a
atteint fa hauteur d’une aune, on le coupe & on
le met dans une tonne nommé tanck, qu’on remplit
d’eau. On charge cette eau d’autant de poids
qû’elle en peut porter. On la laiffe dans cet état
I pendant, quelques jours, jufqu’à ce-que l’on s’apperçoive
que l’eau ait acquis une forte couleur
bleue. On met deffous ou tout auprès une autre
tonne, dans laquelle on fait paffer la liqueur au
moyen d’un' canal, & on l’agite avec les mains.
On examine l’écume pour juger quand il convient
de ceffer l’agitation. On y verfe alors un quarteron
d’huile , & on couvre la cuve jufqu’à ce
que toute la partie bleue, qui en cet état reffemble
à de la boue, fe dépofe au fond.
Lorfque l’eau eft écoulée, On ramaffe la fécule,
on l’étend fur des draps , & on la fait fécher fur
un terrain fabloneux ; mais tandis qu’elle eft encore
humide, on en forme avec la main des boules
ou des mottes, que l’on renferme enfuite dans un
endroit, chaud.
Cette matière bleue eft alors en état-d’être vendue.
On l’appelle dans l’Indoftan noti, & chez les
Portugais bariga. Cet indigo ne tient que le fécond
rang pour la qualité ; car, lorfque les pluies de
la fécondé année ont humeété la terre, & que les
louches de l’indigo coupées l’année précédente ont
repouffé , les rejettons coupés & traités comme
ci-devant, donnent un indigo de première qualité,
qui s’appelle dans l’Indoftan tsjerri , & chez les
Portugais cabeça.
On fait la troifième année une. coupe de rejettons
que les pluies ont encore fait naître, & on
les traite de la même manière que ci-deffus ; mais
l’indigo qu’on en retire eft de la plus baffe qualité :
on lui donne le nom de fajjala ou de pée.
Pour diftinguer ces trois efpèces , il faut remarquer
que le tsjerri ou cabeça eft très-bleu, & qu’il
a une très-fine couleur; la fubftance en eft tendre ;
elle flotte fur l’eau ; elle produit une fumée très-
violette lorfqu’on la met fur les charbons ardens,
& laiffe peu de cendres,
Le noti ou bariga eft d’une couleur tirant fur le
rouge, lorfqu’on l’examine au foleil.
Le fajfala ou pée eft une fubftance très-dure ,
& a une couleur terne.
Indigo d?Amérique.
On cultive trois fortes d’indigo dans la Caroline,
, province fituée dans l’Amérique, entre le 31e &
le 41e degré de latitude feptentrionale. Chacun
de ces indigos demandent un terrain différent. Le
premier, fa voir, celui de France ou d’Hifpagniola ,
pouffe un pivot fort long & a befoin d’un terrain
gras ; d’où vient que , bien qu’il foit excellent
dans fon efpèce, on le cultive peu dans les cantons
maritimes de la Caroline , parce qu’ils font
fabloneux. Une autre raifon qui empêche de le
cultiver, eft qu’il ne peut réfifter au froid de la
Caroline.
La fécondé efpèce, favoir, le faux guatimala ou
le vrai bahama fupporte mieux le froid , .parce
que la plante eft plus forte & plus vigourqule ; il
eft d’ailleurs plus abondant. Il vient dans les plus
mauvais terrains, & c’eft ce qui fait qu’il eft plus
cultivé que le premier, quoiqu’il foit moins bon
pour la teinture.
Le troifième eft l’indigo fauvage, qui, étant naturel
au pays, répond mieux aux vues du cultivateur
, tant pour la durée de la plante & la facilité
de la culture , que pour la quantité du produit.
On coupe la plante dès qu’elle commence à fleurir
; mais après qu’elle eft coupée, il faut prendre
garde de ne point la preffer ni la fecouer en la
portant dans l’endroit où 011 la met rouir, parce
qu’une grande partie de la beauté de l’indigo , dépend
de la farine qui eft attachée à fes feuilles.
L ’appareil pour faire l’indigo, confifte en une
pompe & quelques cuves & tonneaux de bois de
cyprès, lequel eft commun & à bon marché dans
le pays. On jette l’indigo dans une cuve d’environ
ia à, 14 pieds de long, fur quatre de profondeur,
à la hauteur d’environ 14 pouces, pour le
faire macérer : on met de l’eau dans la cuv e; &
au bout de 12 à 16 heures, félon le temps, l’indigo
commence à fermenter , s’enfle , s’élève &
s’échauffe infenfiblement. Alors, avec des pièces
de bois mifes en travers , on empêche qu’il ne
monte trop, & on marque le point de fa plus
grande crue. Lorfqu’il baiffe au deffous de cette
marque, on juge que la fermentation eft à fon plus
haut degré, & qu’elle commence à diminuer. On
ouvre enfuite un robinet pour faire écouler l’eau
dans une autre cu v e , qu’on appelle le battoir.- -
Après avoir fait écouler l’eau imprégnée des
particules de l’indigo, on fe fert d’efpèces de baquets
fans fonds , armés d’un long manche , pour
la remuer & l’agiter ; ce que l’on continue _de faire
jufqu’à ce qu’elle s’échauffe, qu’elle écume, fermente,
& s’élève au deffus des bords qui la contiennent.
On appaife cette fermentation violente en ver-
fant de l’huile fur l’écume , ce qui la fait baiffer
auflitôt. L’eau ayant été ainfi agitée pendant 30
ou 35 minutes, il commence à fe former de petits
grains ; ce qui vient de ce que les fels & les
autres particules de la plante que l’eau avoit di-
vifés, font alors réunis.
La liqueur étant au point convenable , on y
fait couler de l’eau de chaux, & on agite le tout
légèrement ; ce qui facilite l’opération. L’indigo
forme des grains plus parfaits, & la liqueur acquiert
une couleur rougeâtre; elle devient trouble
& boueufe, & on la laiffe repofer. On fait enfuite
couler la partie la plus claire dans différens autres
vaiffeaux , d’où on la tire lorfqu’elle commence
à s’éclaircir au deffus , jufqu’à ce qu’il ne refte
qu’un limon qu’on met dans des facs de groffe
toile : on fufpend ces facs jufqu’à ce que l’humidité
en foit entièrement diflipée.
Pour achever de fécher ce limon , on le tire des
facs & on le paîtrit fur des ais faits d’un bois poreux
, avec une fpatule de même matière , l’ex-
pofant foir & matin au foleil à différentes reprifes ,
mais peu de temps. On le met enfuite dans des