
Pour commencer la fonte, on couvre Fâtre du I
fourneau de lingots élevés par bouts les uns fur les
autres, afin que la flamme puiffe circuler entre eux.
On allume le feu dans la chauffe avec du bois fec.
La flamme eft portée dans le fourneau par l’ouverture
de la chauffe, & s’y répand. Quand les pre -
miers lingots font en fufion, on continue d’en mettre
d’autres qu’on a tenus expofés au feu fur les glacis
des portes du fourneau, d’où ils coulent quelquefois
d’eux-mêmes en fufion dans le fourneau. Si
on les y jettoit froids, ils feroient figer le métal en
fufion , qui s’y attaeheroit & formeroit un gâteau.
Ce n’eft pas là la feule manière dont le gâteau fe
puiffe faire. L’humidité d’une fumée épaiffe qui fe
répandrait dans le fourneau ; le rallentiffement de
la chaleur d’un feu mal conduit ; la moiteur d’un
mauvais terrain, &c. fuffifent pour caufer cet accident,
à la fuite duquel il faut quelquefois rompre
le fourneau, retirer le métal, le divifer & le remettre
en fonte.
Quand tout le métal eft fondu, on continue le
feu ; & on ne le préfume affez chaud, que quand
la flamme du fourneau devient r ou gequ e quand
les craffes fe fendent à fa fiarface, & montrent en
s’écartant d’elies-mêmes un métal brillant comme
un miroir, & qu’en le remuant avec des pelles de
bois, il s’en élève une fumée blanche : alors on débouche
le fourneau en enfonçant le tampon avec
une barre de fer fufpendue, qu’on appelle perrier;
le tampon enfoncé, le métal coule dans l’écheno
• ou’on a eu foin de faire bien chauffer. On lève les
quenouillettes par le. moyen d’une bafcule, & le
métal fe précipite dans les jets ; on peut efpérer du
fuccès, quand il coule fans bouillonner ni cracher,
qu’il en refte dans l’écheno, & qu’il remonte par Les
évents. Pour la ftatue équeftre de Louis X IV , le
fourneau fut en feu pendant quarante heures ; & il
refta^dans l’écheno 2.192.4 liv. de métal.
On laifle repsfer le métal dans le moule pendant
trois ou quatre jours , afin qu’il y prenne corps ; &
quand la chaleur eft entièrement cefîee , on le découvre
, & l’on a une figure toute femblable à celle
qu’on avoit exécutée en cire. On a pouffé la fonderie
fi loin, que la cire n’étoit quelquefois guère plus
nette que ne l’eft l’ouvrage fondu, & qu’on pour-
roit préfque fe contenter de le laver, & de l’écurer
avec la lie de vin : mais les gens habiles qui font toujours
difficilement contens d’eux-mêmes , retouchent
les contours de leurs figures. D’ailleurs il y
a des trous à boucher, des jets à couper, des évents
& d’autres fuperfluités à enlever ; c’eft ce qu’on
exécute avec des cifeaux. On fe fert de la marteline
pour détacher une craffe qui fe forme fur l’ouvrage
du mélange du bronze, & de la potée, &
qui efl plus dur que le bronze même. La marteline
efl une efpèce de marteau d’acier pointu par un
bout’, & à dents de l’autre, avec lequel on frappe
fur l’ouvrage, pour ébranler la craffe qu’on enlève
enfuite au cifeau. On emploie auffile grattoir,.le
rifloir, & le gratte-boffe ; on achève de nettoyer avec
l’eau-forte, dont on Frotte l’ouvrage avec une broffe
ufant aufli du grattoir. & du gratte-boffe. On réitère
cette manoeuvre trois ou quatre fois ; puis on écure
avec la lie de vin.
Quant aux petits ouvrages , quand on en a ôté
les jets, ôn les laiffe tremper dans l’eau-forte pendant
quelque temps ; la craffe fe diffout & fe met
en une pâte qu’on ôte aifément.
On bouche enfuite les trous en y coulant des
gouttes de métal. On appelle goutte, ce que l’on fond
après coup fur un ouvrage ; ces gouttes rempliffent
quelquefois les plus grands creufets.
Pour les couler, on taille b pièce en queue d’a-
ronde , en b fouillant jufqu’à moitié de l’épaiffeur
du bronze. On y met de b terre que l’on modèle
fuivant le contour qu’elle doit avoir, & fur laquelle
on fait'jin moule de terre , ou de plâtre & brique ,
au deffus duquel on pratique un évent & un petit
godet qui fert de jet pour y faire couler le métal ;
on déplace enfuite cette pièce du moule, pour 1a
faire recuire comme le moule de potée, & après
avoir ôté la terre du trou où l’on doit couler la
goutte, on remet cette portion recuite dans fa place
, en l’attachant avec des cordes à l’ouvrage, pour
qu’elle y foit jointe de manière que le métal ne
puiffe s’écouler. Après avoir fait bien chauffer le
tout, on y coule le métal, fondu très-chaud dans
un creufet, enforte qu’il faffe corps avec le bronze :
on pratique 1a même chofe aux fentes : mais fi elles
fe trouvent dans un endroit où il feroit difficile de
jeter du métal, on lime une pièce de 1a même étoffe
que l’ouvrage , & de 1a mefure de b fente , & on
l’enfonce à force, après avoir entaillé cette fente
en queue d’aronde, de b moitié de l’épaiffeur du
bronze.
On achève enfin tout ce grand travail en vidant la
pièce fondue de fon noyau; fi c’eft une ftatue équeftre,
ou defcend dedans par l’ouverture pratiquée au deffus
de la croupe du cheval : on retire une partie des fers
de l’armure & du noyau par le haut ;le refte s’écoule
parles ouvertures du.ventre. 0.n bouche bien tous
ces trous. Si on négligeoit ce foin , les ouvrages venant
à fe charger d’eau en hiver, & cette eau défi-
Cendant dans les parties inférieures, dans les cuiffes
& dans les jambes, elle pourroit s’y glacer & détruire
les formes de ces parties, peut-être même les
ouvrir. On coupe les jets ; on enlève avec un cifeau
les barbures ; on répare l’ouvrage jufqu’à ce qu’il
n’y ait plus rien à défirer, & on le tire de 1a foffe ,
pour le placer fur fon piédeftal.
La ftatue équeftre élevée par b ville de Paris dans
b place de Louis-le-grand en 1699, eft le plus grand
ouvrage qui ait peut-être jamais été fondu d’un feul
jet; il a vingt-un pieds de haut. Les ftatues équeftres
de Marc-Aurèle à Rome, de Cofme de Médicis à
Florence , d’Henri IV & de Louis XIII à Paris, ont
été fondues par pièces féparées. Il en eft de même
de b chaire de l’églife de S. Pierre de Rome ; cet
ouvrage, qui a quatre-vingt pieds de haut, eft fait
de pièces remontées fur une armature»
Les
Les Egyptiens , les Grecs» ont connu l’art de
fondre : mais ce qui refte de leurs ouvrages, & ce
que l’hiftoire nous apprend des autres, n’*eft que
médiocre pour 1a grandeur. Le coloffe de Rhodes ,
ainfi que quelques autres ouvrages qui nous paroif-
fent prodigieux aujourd’hui, n’étoient, félon toute
apparence*, que des platines de cuivre rapportées:
c’eft ainfi qu’on a fait la ftatue du connétable de
Montmorency ,■ élevée à Chantilly. -
On peut exécuter de très-grands ouvrages "d’un
feul jet ; l’expérience qu’on fit du fourneau de 1a
ftatue équeftre de b place de Louis-le-Grand, prouve
que le métal en fufion peut couler à cinquante pieds
à l’air fans fe figer ; c’eft ce que Landouillet n’ig noroît
pas. Quand on propofa de faire dans le choeur
de Notre-Dame de Paris un autel en baldaquin de
bronze de cinquante pieds de haut , pour acquitter
le voeu de Louis XIII, cét habile fondeur , commif-
faire de 1a fonderie de Rochefort, s’offrit de le fondre
d’un feul jet dans le choeur même de Notre-
Dame , dans la place où le modèle étoit fait, éta-
bliffant fes fourneaux dans l’églife, enforte qu’il n’y
eût eü aucun embarras de tranfport. Ce projet étoit
beau & poffible, mais au deffus des lumières de fon
temps ; & l’on pourroit dire que Landouillet naquit'
un peu trop tôt.
Lorfque M. le Moine, habile fculpteur, exécuta
la ftatue équeftre de Louis XV pour la ville, dé Bordeaux,
il y avoit 50 ans que celle de Louis XIV
pour 1a ville de Paris avoit été fondue ; les mouleurs
, les forgerons & lès fondeurs qu’on y avoit
employés n’étoient plus vivans ; & la pratique en
étoit prefque perdue , fans les mémoires & lés def-
fins recueillis par M. Boffrand, & communiqués à
M. le Moine : ce fut â l’aide de ces mémoires que
l’art de fondre d’un jet des ftatues équeftres fe retrouva.
A l’égard de b ftatue équeftre de Louis XIV,
dont M. de Boffrand a expliqué la fonte & les ouvrages
dans un ouvrage intitulé : Defcriptiàn de ce
qui a été pratiqué pour fondre la Jlatue éqùeflre, &c.
la fculpture eft de François Girârdon , dont les
ouvrages font l’éloge mieux que je fie pourrais
faire ; & la fonte & fes opérations ont été conduites
par. Jean-Baltafar Keller, fuiffe de nation, homme
très-expérimenté dans les grandes fonderies.
Cet art d’honorer 1a mémoire des fouverains, des
héros & des grands hommes par le bronze, appartient
plus particulièrement au traité de l’art & du
génie de 1a fculpture : il*doit, par cette raifon , trouver
fa place, avèc les .détails fuffifans , dans l’ouvrage
de l’académicien , amateur très-inftruit, qui
seft chargé de tracer d’une main fûre & habile les
principes & les beautés des arts du deffin.
De la, fonte g de l'étain & du fer.
Noirs renvoyons à cet égard aux articles de ce
dictionnaire, où nous avons traite avec affez d’étendue
de 1a fonte de Xétain. & du fer. .
Ans & Métiers. Tome III. Partie /.
De la fonte du plomb.
Le plomb eft un métal très-imparfait,, d un blanc
bleuâtre, fort brillant lorfqu’il a été fraîchement
coupé, mais qui devient d’un gris mat.lorlqu il e
refté long-temps expofé à l’air; il eft tres-mou o£ u
tendre qu’on peut aifément le tailler : c eft apres 1 or,
le mercure & la platine, le corps le plus pelant de la
nature ; iln’eft ni fonore, ni ébftique; il s etend alternent
fous le marteau , mais fes parties ont tres-peu
de ténacité ; il fe fond avec beaucoup de promptitude
à un feu médiocre, & fa furface fe couvre
d’une efpèce de craffe ou de chaux. Il fe vitrine
avec une grande facilité ; & il a 1a propriété de,
changer pareillement en verre les autres métaux,
à l’exception de l’or & de l’argent ; il change aulii
en verre les terres & les pierres avec qui on le.
mêle : l’air, l’eau , les h u ile s le s fels, en un mot
tous les diffolvans agiffent fur lui.
Les mines de plomb font très-communes oc uni-
verfellement répandues dans toutes les parties du
monde. On les trouve ordinairement par filons un-
vis qui font plus riches à mefure qii’ils s’enfoncent
plus profondément en terre ; on en rencontre aulii
par maffes détachées ; mais fans nous arrêter a un
examen de ces différentes natures de mines , dont
le minéralogifte rendra compte dans une autre di-
vifion de cet ouvrage, contentons - nous de parler
des procédés relatifs à l’art du fondeur.
La fonte du plomb eft très-fimple ; on n eft pas1
obligé pour cela d’employer une chaleur aufli
grande & aufli vive que pour tous les autres métaux.
Tout cet art ne confifte qu’à mettre le plomb ,
que l’on veut fondre, dans un vaiffeau de fer quelconque^
capable de le contenir, te l, par exemple ,
qu’une cuiller de fer , & de le préfenter enfuite au
feu jiifqu’à ce qu’il devienne liquide.
Si cette quantité monte beaucoup au deffus dé
vingt-cinq ou trente livres qu’on ne. pourroit porter
facilement à b main , on eft obligé alors d avoir
recours à une marmite ou poêle de fer ou de fonte
que l’on pofe,à terre & au premier endroit, dans
laquelle on met le plomb. On enveloppe enfuite
le tout d’un feu de bois ou de charbon pour échauffer
& faire fondre plus promptement la maffe du
plomb. C ’eft 1a manière,dont les plombiers font le
plus fouvent ufage lorfqu’ils n’ont befoin que d une
petite quantité de plomb , fur-tout lorfqu’ils travail-,
lent hors de. leur atelier.
Si l’on à befoin pour de certains ^ ouvrages d entretenir
liquidé cette même quantité de plomb , on
fe fert à cet effet (ce qui économife beaucoup c
charbon) d’une autre efpèce de poêle de fer ap-
pellèepolajlre, plus grande, de forme carrée , circulaire
ou ovale, dans laquelle on met le feu & la-
marmite qui contient le plomb. Ce feu ainfi concentré
contient plus de chaleur & çonfume moins
de charbon : ce polaftre fert aufli quelquefois en
même temps à faire chauffer les fers à fouder.
Nous ne parlerons pas ici des différentes manières