
Je froment , quand on voudroit, pat des ventilateurs
; & il croit le renouvellement de l’air fort
néceflaire à la confervation du grain. Un tas de fro^
ment eft bien éloigné d’être une maffe folide. Les
grains qui le compofent, laiffent entre eux des in-
terftiees affez confidérables qui font remplis d’air.
Il s’êft donné la peine de fupputer la proportion
qu’il y a entre le plein &. le vide ; il a trouvé que
c’étoit à peu près celle de 11 à 3 ; & le célèbre
M. Haies juge que le vide eft environ la feptième
partie du tout.
Cet air, au jugement de M. Duhamel, a befoin
d’être renouvellé de temps en temps, fans quoi il
pourroit nuire au grain.
Dans cette vue , il adapte à fes caiffes un double
fond ; un auffi folide que le refte, fermant exactement
par-tout ; un fécond à jour , compofé de.trin-
gles épaiffes de deux pouces ou plus qui fe croifent
les unes les autres, & forment une efpèce de treillis
' fur lequel on étend un drap de crin. Entre les deux
fonds, eft un efpace v id e , dans lequel on puiffe
introduire le tuyau d’un foufflet placé en dehors
de la caiffe à une diftance convenable. On fait
jouer le foufflet, il porte une grande quantité d’air
dans l’efpace vide entre les deux fonds inférieurs ;
cet air fe fait jour par le treillis entre les grains du
blé. Au fond fupérieur, on laiffe quelques ouvertures
qu’on couvre d’un linge , pour s’affùrer fi l’air
qu’on introduit entre les deux fonds pénètre partout
; non - feulement il enfle le linge, mais fi on
l ’ôte , il fouleve les grains de blé à une hauteur
confidérable. On fait durer, l’opération autant qu’on
le veut ; quand elle eft finie , il faut refermer très-
exactement toutes ces ouvertures pour barrer l’entrée
du grenier aux infeétes dommageables.
On comprend bien que plus le grenier eft grand,
& plus d’air il faut y introduire ; que les foufflets
doivent être grands à proportion, & qu’il faut d’au-
1 tant plus de force pour les faire agir.
On peut les faire jouer par différens moyens ;
ou à force de bras , ce qui feroit bien ennuyeux ;
ou à l’aide de quelque machine, comme pourroit
être une roue dans laquelle on enfermeroit un
chien , comme pour faire agir un tourne-broche.
On difpoferoit ces foufflets de façon qu’on pourroit
les faire mouvoir en y attelant un âne ou quelque
autre bête de fomme, ou par des ailes femblables
à celles d’un moulin à vent ; ou enfin fi l’on eft à
portée d’une eau courante , par des roues femblables
à celles des moulins à eau.
M. Duhamel juge cette opération très-utile, &
que feule , elle feroit capable de conferver en bon
état & de deffécher fuffifamment du blé médiocrement
bien conditionné , fi elle eft fouvent réitérée
;- de chaffer les infeétes dommageables au
grain, par l’inquiétude que leur donne ce mouvement
extraordinaire dans l’air mêlé parmi le grain,
& la fraîcheur qu’il produit dans tout le tas que le
grenier de confervation renferme.
Un meunier à qui on livroit du froment rempli
de charanfons , & à qui on demandoit s’il ne èrat-
gnoit point de mener dans fa maifon, où il y avoit
continuellement du grain, cette malheureufe engeance
, répondit que ces infeétes n’y prenoient
jamais pied ; que foit le bruit, fôit l’ébranlement
qu’éprouve le moulin , foit la fraîcheur que l’eau
y caufe, expulfoit tellement les charanfons, qu’on
n’y en voyoit jamais aucun.
. M. Duhamel recommande encore , quand un
grenier eft neuf, de s’affurer fi les murs en font
fuffifamment fecs. S’ils étoient humides , le froment
qui les toucheroit, fe çorromprôit immanquablement
; par cette raifon, plufieurs perfonnes préféreront
les greniers de bois à ceux de-maçonnerie ,
qui ne sèchent jamais que lentement.
Différens moyens _ de confervation.
A mefure qu’on apportera le froment dans le
grenier de dépôt, foit qu’il viènne des granges ou
du marché, le confervateur les fera pafler par les
différens cribles, obfervant de répéter les opérations.
Si lé froment étoit niellé ou charbonné, ou chargé
d’infeétes , le confervateur féparera le beau & gros
froment du petit, pour étuver à part ces différens
grains ; & le nettoiement devra être fait avec
d’autant plus de foin, qu’il n’y aura plus à y revenir
quand une fois le froment aura été difpofé dans les
greniers de confervation. .
Lorfque le froment fera bien nettoyé, il le faut-
paffer_à l’étuve : pour cet effet, i°. on le jette à-
la pelle dans les trémies ; 2.0. quand l’étuve fera
chargée , on defcendra le thermomètre par l’ouverture
qui eft au milieu de^la voûte ; 30. il fermera
cette Ouverture auffi bien que celle des trémies
, & il ouvrira le regiftre qui eft au tuyau de
la ‘cheminée ; 40. il allumera le poele, & y fera
grand feu ; 50. au bout de deux ou trois heures, il
tirera le thermomètre pour connoître la chaleur de
■ fon étuve; 6°. quand le thermomètre marquera
entre 40 & 50 degrés , il fermera les ouvertures
du poêle & en partie de la cheminée, pour entre-’
tenir pendant fix heures le feu à un tel point, que
la liqueur du thermomètre fe maintienne entre 40
& 50 degrés ; 70. alors il fermera très - exactement
toutes les ouvertures du poêle , & quand il ne verra
plus fortir de fumée de la cheminée, il fermera
entièrement le regiftre. Il laifferal’étuye ainfi fermée
pendant feize heures. Après ce temps-là, il ouvrira
les trois ouvertures de la voûte, pour kiffer les
vapeurs humides fe diffiper. Le froment ayant ainfi-
relté trente ou trente-fix heures dans l’étuve, ont
pourra le tirer pour le remonter dans le grenier de
dépôt. ' f
Ce qu’on Ÿient de dire ne doit être regardé
que comme une hypothefe ;* car il eft évident que
les grains fort humides doivent refter plus long-'
temps à l’étuve que les autres, & que les premières
étuves exigent plus de feu & de temps que celles
qu’on fait lorfque le poêle & l’étuye font fort
échauffés. Ainfi le mieux , fera de s’affûter du parfait
defféchement du froment, en caffànt quclquè
grain fous la dent. S’il rompt net comme un grain
de rte, il eft parfaitement fec ; mais il ne faut faire
cette épreuve que fur des grains qu’on aura tirés
de l’étuve pour les laiffer refroidir ; car , jufqu’au
parfait refroidiffement, ils continuent à perdre de
leur humidité.
Quand le froment étuvé fera remonté dans le
grenier de dépôt, on le paffera encore une foisau
crible Ji v en t, pour le refroidir & emporter une
pouffière que la chaleur de l’étuve aura détachée du
froment ; alors il ne fera plus queftion que de le.
jetter dans les greniers de confervation , jufqu’à ce
qu’ils foient pleins jufqu’aux folives.
Si nous fuppofons que les greniers font remplis
avec les précautions que nous venons d’indiquer,
le devoir du confervateur fera de veiller à ce que
fes moulins foient en bon état, de fe pourvoir de
tout ce qui peut être néceffaire pour remplacer les
pièces qui viendroient à manquer, de graiffer tous
les endroits où il y aura des frottemens. Il tiendra
tout exactement fermé, & n’ouvrira de trappes &
de regiftres que celles qui appartiendront au moulin
qui éventera actuellement. Il doit vifiter les porte-
vertts,-lorfque les moulins tourneront, pour s’af-
furer fi l’air ne fe perd pas ; & fi cela étoit, il y
remédieroit fur le champ avec des pièces de linge
enduits de colle-forte , dans laquelle on aura mêlé
un. peu de chaux vive en poudre.
Il profitera de tous les vents pour faire marcher
fes moulins ; les vents du nord, frais & fecs, font
préférables aux vents du fud, ordinairement chauds
& humides.
Il éventera fucceflivement tous les greniers, &
s’il s’appercevoit que le grain fût plus humide dans
les uns que dans les autres, il les obferveroit plus-
fréquemment ou plus long-temps.
Quand on videra les greniers de confervation,
on répandra dans le grenier de dépôt ce qu’on en
tirera, pour le paffer au crible avant de l’envoyer
au moulin ou au marché. Cette opération eft néceffaire
pour nettoyer le froment d’une pouffière
fine qui fe détache toujours de fon écorce , & pour
adoucir le froment, qui eft toujours un peu rude à
la main après avoir paffé par l’étuve.
Telle eft l’idée des manoeuvres recommandées
par M. Duhamel, & des machines qu’il a heureu-
fement imaginées pour en faciliter l’exécution.
Il n’eft point d’occafion où le blé demande plus
de précautions que quand on veutletranfporter par
mer dans des lieux fort éloignés , ou quand on en
reçoit, arrivé de loin par la même voie.
Il n’eft point de vaifleau qui ne faffe quelque
peu d’eau, & cette eau le remplit de vapeurs liu.-
mides ; elle fe corrompt , & répand une odeur
infeéte, fur-tout dans la cale , où l’air ne fe renouvelle
pas.
C ’eft pourtant dans la cale qu’il faut loger le
grain ; c’eft - là auffi où l’on place les vivres , les
falaifons, les fromages. De ce mélange-, s’exhalent
des vapeurs qui contribuent à l’altération 'de
l’air renfermé dans la cale, qui le rendent chaud &
humide. Il eft impofliblè que le froment y refte
long-temps fans contracter une altération confidérable.
L’humidité le fait renfler, la chaleur peut le
faire germer, la mauvaife odeur fe communique
au pain qu’on en fait ; c’eft ce qu’une fâcheufe expérience
apprend tous les jours, & qui eft plus ou
moins fenfible en raifon de la longueur du trajet.
M. Duhamel voudroit, pour prévenir le mal,
■ qu’on établît, dans les cales, des petits greniers ou
caiffes faits avec les mêmes précautions que ceux
dont on a parlé ci-deffus, & que de plus on eût la précaution
de les brayer & calfater au dehors pour empêcher
l’humidité d’y pénétrer ; qu’on eût l’attention
de deffécher, par le moyen de l’étuve , tout le blé
qu’on veut y renfermer ; qu’on y plaçât, dans l’entrepont
, un grand foufflet, dont le porte-vent traversât
le pont, pour aller s’ouvrir au deffous des
greniers en faifant deux coudes ; & qu’on eût foin ,
pendant la traverfée, de le faire jouer tous les.jours
plus ou moins long-temps. Après l’arrivée, y faire
tout ce qu’on fait fur terre au blé que l’on veut conferver*;
& ceci eft fur-tout néceffaire à celui qu’on
reçoit du dehors ; car on ne peut favoir fi on l’a
embarqué avec les précautions convenables pour
en prévenir l’altération.
Quelque foin qu’on fe donne, il en fouffre toujours
plus ou moins.
Cette méthode , la conftruftion des étuves, des
'greniers de confervation, des foufflets ouventila^
teurs, coûtent fans doute des travaux & des frais \
mais à cela, on peut répondre avec les obfervations
fuivantes que fait M. Duhamel.
Il eft certain que le blé,, fouffre du déchet en
paffant par le crible ; mais une partie de ce qui en
fort ne vaut rien du tout \ c’eft gagner que de le
perdre. D ’ailleurs, ce qui eft bon, comme les menus •;
grains de froment ne font pas&perdus , ils valent
moins que les gros grains ; on ne les trie pas ; ils
doivent donner plus de fon & moins de farine ;
mais fi on le vend moins, on doit vendre davantage
le grain dont on l’a féparé ; il eft bon pour femer, &
l’on fait par expérience qu’il peut très-bien réuffir.
L’étuve doit reffèrrer le grain , & n’eft-ce pas
une autre perte ? Elle n’eft qu’apparente ; un grain
humide nourrit moins. Ce fuc aqueux dont le grain
eft rempli, n’eft pas ce qui le rend propre à nourrir.
Quand il en eft dépouillé, il rend plus de farine ; elle
eft meilleure ; il fe vend mieux ; il peut être gardé
jufqu’à ce que le blé fe vende chèrement; par-là,
on fera dédommagé abondamment du déchet qu’il'
a fouffei t. ( Article, en partie , du Dictionnaire uni-
verfel des fciences morale , économique }, &c. tome ,
vingtième , prfge 308. )
On a proposé dans le Journal économique, pour
l’année 1758, une nouvelle manière de conferver
les grains, d’après l’expérience qu’on dit en avoir été