
Machine propre à élever Veau par la rotation d'une
corde verticale-, d'après la découverte de M . V e r a
par M . le Chevalier M a r s ! uo L a n d r i a n i .
Depuis que M. Vera a propofé un moyen juf-
qu alors inufité d’élever l’eau, on a publié diverses
machines, d’après le même principe, ou plutôt
différentes maniérés d’employer ce moyen.
En voici une qui paraît fimple, facile à exécuter
ainfi qu’à réparer, & applicable à beaucoup de
lieux & ü’ufages. Cette machine eft propofée par
M. Landriani, de la maniéré fuivante,..
” Dans le fond d’un puits (dit M. Landriani),
ou dans le lit d’une riviere, d’un étang, ou enfin
dans une eau quelconque qu’on veut éleve r, on
établit vis-à-vis l’un de l’autre, deux pieux-; chacun
d’eux a une rainure longitudinale qui pénétré
dans la pièce, jufqu’à un tiers de fon épaiffeur :
cette rainure , dans fon commencement , a Un
pouce de largeur; mais au-delà d’une pouce &
demi de profondeur, la rainure s’élargit en formant
une cavité quadrangulaire de deux pouces de lar-
gueur.
, » Comme il eft difpendieux & même difficile de
faire une rainure dans une piece de bois, de.maniéré
qu’elle ait cette forme, on peut s’en épargner
le travail & la dépenfe, en attachant avec
des clous, dans la longueur d’une des faces des
pieux , deux liteaux , placés à une certaine distance
l’un de l’autre; leur intervalle formera la rainure.
Il faut, après cela, fe procurer une barre de
fe r , d’une certaine épaiffeur, qui ait à fes extrémités
deux roulettes fphéroïdales, d’un diamètre
proportionné à la largeur de la rainure, afin que
leurs bords touchent prefque les parois de la rainure.
Cette barre doit être affez longue pour pouvoir
gliffer dans les rainures des deux pieux, y
monter & y defcendre facilement : il fuffit pour
cela que fes extrémités foient disantes environ
de deux lignes du fond de la rainure.
s> Au milieu de cette barre, on fixe une châppè
dans laquelle fe meuvent les pivots de la poulie
inférieure ; c’eft à une diftance égale de la chappe,
que doivent pendre les deux chaînes qui foutien-
nent les poids d’en bas.
» La longueur des rainures, pratiquées dans l'es
pieux, fera proportionnelle à la hauteur à laquelle
oh peut élevçr l’eau, & à la qualité de la corde
qu’on emploie à cet effet. Il eft inutile de faire remarquer
que tout ce mécanifme a été imaginé,
pour avoir toujours la corde également tendue
dans toutes les variations de fes dimenfions.
» A l’endroit ou l’on veut élever l’eau , on
établit une petite caiffe, dont le milieu eft perpendiculaire
au plan qui paffe entre les deux rainures
; fa largeur fera relative à la grandeur de la
poulie inférieure; fon couvercle de fer-blanc verrais,
doit avoir la forme d’une yoûte : oe couvercle
fera mobile , pour pouvoir arranger facilement la
poulie, quand cela fera néceffaire. Ses côtés doivent
être diftans de la poulie de trois à quatre
pouces , & fon fond fera incliné du côté de l’ouverture
qui doit donner iffue à l ’eau ; il faut y
pratiquer deux trous, d’un diamètre trois fois plus
grand que celui de la corde qui y paffe, & chacun
de ces trous a un tuyau intérieur du même
diamètre que celui du troii.
» Je crois fuperflu d’avertir que les deux trous
doivent être à un telle diftance l’un de l’autre,
pour que la corde qui paffe fur la poulie fupé-
rieure , en defeendant au milieu d’eux , puiffe
former un efpace annulaire convenable. Les cordes
doivent defcendre verticalement, fans toucher aucun
corps : d’ailleurs, comme la corde qui monte
entraîne avec elle une enveloppe d’eau plus ou
moins épaiffe, fuivant la viteffe avec laquelle la
corde coule fur les poulies fupérieure & inférieure,
il faut prendre garde que cette enveloppe ne foit
touchée par aucun corps extérieur, parce que l’eau
adhérente à la corde s’en détacheroit d’abord, &
tomberoit avant d’arriver au réfervoir.
” On doit établir folidement un grande roue
à l’endroit le plus commode ; fon axe fera parfaitement
cylindrique : & afin que le mouvement
foit plus ailé , on pourra le faire repofer fur quatre
roues de trois à quatre pouces de diamètre. Il faut
que cette roue foit exaâement circulaire ; que fa
gorge foit bien liffe §ç couverte d’une plaque de
plomb, pour empêcher que l ’eau qui tombe ne
la pôurriffe, & pour en diminuer le frottement
autant qu’il.eft ppffible.
v La corde fans fin eft fur cette grande roue
& paffe fur les deux poulies. Pour prévenir-le frottement
& l’entortillement des deux cordes qui
enveloppent la grande roue, on place deux petites
roulettes qui tiennent lés cordes écartées, fans en
changer la direâion.
Au lieu des deux poulies, on peut fubftituer
deux lanternes avec des fufeaux mobiles.
» On voit, par tout ce que je'viens de d ire,
qu’en tournant la grande roue, la corde qui l’enveloppe
fe déploie & roule fur les deux poulies :
cela étant, la corde verticale qui monte en for-
tant de l’eau avec beaucoup de viteffe , entraîne
avec elle une quantité confidérable d’e au, dont
elle s’enveloppe en paffant fur la poulie fupérieure,
où l’eau s’échappe en forme de jet, dont les gouttes
s’éparpillent,
” J’ai dit que la corde verticale montoit avec
beaucoup de viteffe, car on fait que la quantité
d’eau élevée, eft en proportion de la viteffe avec
laquelle la corde roule fur les deux poulies ; &
‘comme , dans cette conftru&ion, la force mouvante
, o u , pour mieux dire, la grande roue eft
appliquée immédiatement & tangentiellement à la
corde , il fe perd fort peu de la force appliquée à
la manivelle. Ainfi, on peut très - aifément tourner
la grande roue avec beaucoup de viteffe, faps
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fe fatiguer ; ce qui eft un avantage très - confidérable.
. » Si- la corde vient à s’allonger par la féche-
reffe , la poulie inférieure s’abaiffe perpendiculairement
dans la couliffe formée par les deux
pieux ; fi elle fe raccourcit par l’humidité, la poulie
fupérieure s’élève de maniéré qu’elle eft toujours
également tendue.
» Dans cette conftru&ion, il n’eft pas néceffaire
que les deux poulies foient d’un diamètre confidérable
, car la poulie fupérieure ne fert qu’à
changer la direâion de la cordé,. & il fuffit pour
cela qu’elle foit d’une telle grandeur, que les deux
cordes , favoir , celle qui defeend & celle qui
monte, ne fe touchent pas ; il faut cependant que
,1a corde, fans fe gêner, fe plié en s’étendant fur
la demi - circonférence des deux poulies. Ainfi,
dans cette conftru&ion, la caiffe eft petite, facilement
mobile, & propre à être placée, au moyen
de deux crochets , à une hauteur & dans des
places acceffibles quelconques.
» Sans parler de la perte confidérable de la
force appliquée pour mouvoir la machine funiculaire
faite .fur les principes de M. V e ra , qui eft
bien démontrée par les expériences de M. de Par-
cieux , il y a encore l’inconvénient que la corde
qui enveloppe la grande roue eft toujours , ou
trop tendue, ou trop relâchée : de plus, il faudrait
que la force mouvante fût en haut, c’eft-à-
dire , que la puiffance qui tourne la grande roue ,
ne fût pas trop diftante de la poulie fupérieure :
car les effets du relâchement & de l’accourciffe-
ment de la corde , font d’autant plus fenfibles ,
que là diftance entre la poulie & la grande roue
eft plus grande. Outre cela, la conftru&ion de la
machine de M. V era, la rend fouvent incommode
& quelquefois impraticable dans fon emploi. Au
contraire , dans ma conftruéüon, la force motrice
peut s’appliquer à tous les points de la corde qui
defeend; ce qui eft bien commode en plufieurs
occafions : par exemple, fi on fouhaite élever l’eau
fur le fommet d’une colline ou d’une tour, on
place la petite caiffe dans la partie élevée; & au
pied du puits ou par - tout ou cela pourroit être
convenable , on établit la 'grande roue. Ainfi ,
dans la conftru&ion d’un bâtiment, fans faire aucun
changement à la pompe funiculaire, on tranf-
porte feulement plus haut la petite caiffe à mefiire
que le bâtiment avance, -& ce tranfport n’eft point
trop difpendieux, puifqu’il fuffit de fixer la petite
caiffe avec deux petits crochets dans une poutre
de l’échaftâudage , au ligu qu’il faut transporter
tout l’appareil de M. Vera , quand la çhofe eft
poffible : car, on ne peut difeonvenir qu’il ne faille
un plancher pour celui qui tourne la grande roue ;
il faut des montans immobiles, Sic. ce qui ne fe
rencontre pas communément dans des échaffau-
dages qui ne font faits que pour le moment :
d’ailleurs , avec cette conftruefi’on , il eft facile
d’employer la force de l’eau pour mouvoir la grande
Arts & Metiers, Tome III, Partie IL
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roue, puifqu’on peut la defcendre au point où on
le juge à propos; & , parla même raifon, on peut
fe Servir de Faâion du vent.
» Dans une riviere très-profonde & rapide, dans
un la c , on pourrait facilement adapter le mécanifme
qui doit tenir la corde égalemunt tendue ;
car, on ne peut pas toujours établir au fond d’un
lac, &c. les deux pieux & tout l’appareil que j’ai
décrit : alors il faut fixer là chappe de la poulie
inférieure à un bloc de pierre, qu’on defeend avec
une corde dans le lac ou dans la riviere; & dans
ce cas, on rend la poulie fupérieure mobile par us
moyen très-facile.
» Dans ce but, on fait une caiffe oblongue où
il y a deux petits pieux, avec deux rainures longitudinales
, comme celles que j’ai décrites pour la première
machine; il fuffit qu’ils aient l’épaiffeur, de
deux polices, mais il faut que les racines foient
parfaitement Semblables à celles des deux pieux ;
la poulie fupérieure fe meut librement fur deux
pivots dans une chappe Solide, & cette chappe
eft fixée immobilement à une barre tranfverfale ,
parfaitement Semblable à la barre de la première
machine ; elle a auffi, à fon extrémité, deux roulettes
; & fur le fommet des deux montans de la
chappe, font fixés deux petits anneaux auxquels
font attachées deux cordes, qui Sortent par deux
trous pratiqués dans le couvercle de la caiffe, &
paffent fur deux poulies.. Chaque corde doit avoir
à fon extrémité un poids. On voit d’abord par ce
mécanifme , que , lorsque la corde eft toujours
également tendue, & , parla même raifon , lorfque
la corde fe raccourcit, la poulie fupérieure s’abaiffe
& les contre-poids s’élèvent. «
M. Landriani ne s’étant pas encore expliqué fur
l’efpece de corde qu’il faut préférer pour élever
l’eau, nous emprunterons ces détails du mémoire
de M. Pilâtre de Rozier, Journal de Phyjique, mois
d’août ,1782.
r> J’avois fubftitué, dit M. Pilâtre de Rozier,
une chaîne qui me rendoit près du double de la
corde, mais les expériences répétées en grand ont
produit le contraire. Si une chaîne de puits ordinaire
entraîne, à la vérité, des maffes d’eau très-
volumineufes ; elle ne peut les élever à plus de
quinze à dix-huit pieds : c’eft alors l ’effet de la
corde à noeuds des vaiffeaux.
■ - » Si un favant moderne a obtenu de l’eau à
cent foixànîe-quatre pieds, c’eft parce qu’il a employé
des chaînes de tournebroche, dont la pe-
titeffe & la fragilité interdiront vraifemblablêment
l’ufage à des hauteurs un peu confidérables : d’ailleurs
, la petite quantité d’eau qu’on obtient n’eft
pas comparable à celle que peut fournir la corde
de fparterie.
« L’ouverture des mailles d’une chaîne de deux
pouces de circonférence, m’ayant paru être le feul
obftacle à l’enlevement de l’eau, j’ai imaginé de la
diminuer en ÿ entrelaçant plufieurs ficelles de fparterie;
ce qui me donnoit une chaîne-corde qui
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