
H O R
X X X I .
Quand tops les refforts font fixés, iî faut alors
faire de plus grands paquets ; mettre les plus longs
dans le milieu, comme je l’ai d it, 8c de façon
qu’ils foient de même longueur autant que faire fe
pourra.
Un paquet de cette efpèce, doit en contenir
tro ii ou quatre douzaines : à chaque côté du paquet
il faut mettre des lames molles un peu épaiffes, afin
de défendre les refforts de la forte compreffion du
fil-de fer dont ils font bridés.
Le paquet étant fait, il faut l’attacher à cinq ou
fix endroits , comme fig. 2 ; alors il faut frotter de
nouveau les bords avec du grès ou de la brique :
cette dernière matière eft la meilleure, parce que la
poudre qui s’en détache, abforbe la graiffe, ou la
lueur des mains de ceux qui tiennent les paquets ,
& que cette graiffe occafionneroit de fauffes couleurs
, qui pourroient induire en erreur l’ouvrier.
X X XI I .
Tous les refforts de la trempe étant mis en paquets
, comme {fig. 10, PL //) il faut prendre une
ongueur de gros fil de fer recuit, dont on met un
*bout dans un étau, & de l'autre on commencera à
envelopper le gros bout du paquet en bien bandant
le f il, & l’on continuera jufqu’à ce que tout le paquet
foit bridé comme en {fig. 1/.)
Il faut faire attention de n’avoir pas les mains
fuantes quand on fait ces paquets en dernier lieu ,
parce que cela empêcheroit la vraie couleur de
paroître.
X X X I I I .
Les préparations précédentes étant finies , il faut
mettre un paquet dans le four pour le faire revenir
de la couleur que l’on dèfire ; ou fi l’on n’a pas de
fourneau affez grand , il faut, comme je l ’ai déjà
d it, le faire paffer fur le fer a , a , du fourneau
Çfig- p. ) en commençant par faire revenir, à un
b out, la couleur que l’on v eut, & la continuer
jufqu’à l’autre.
Cette opération efl de la plus grande conféquence
pour la bonté des refforts ; aufli l’ouvrier doit y
faire la plus grande attention , puifque le plus ou
le moins de couleur , fixe le dégré u’élafticité.
Afin de connoître la vraie couleur du revenu
que l’acier doit avoir pour faire un auffi bon reffort,
que fa qualité le permet, il faut prendre des bouts
de lames trempées 8c les blanchir, enfuite en faire
revenir un de couleur pourpre.
Cela fait, on le plie fur une pince ronde, ( Hz.
12. PL I I .) *
Si la lame caffe, (ce qui eft ordinaire à cette
couleur ) 'il faut la chauffer davantage, & pouffer
en eouleur jufqu’au bleu fi elle caffe encore, il
faut la pouffer au bleu blanc, au gris , de la couleur
de cuivre jaune fale, de cuivre rouge pâle, de
cuivre rouge foncé, enfin à la couleur d’ardoife. Si
le bout continue à caffer, il faut en conclure que*
cet acier n’eft pas propre à faire des refforts.
Auffi après les épreuves de ces différentes couleurs
, l’acier n’a plus de vrai ligne pour recon-
noître fon degré de revenu, de cuiffon ou de température
après la trempe ; car on ne peut regarder
comme des nfoyens de s’en affurer, les épreuves
groffières de faire flamber de l’huile ou du fiiif
deffus ; ou de voir dans l’obfcurité, fi l’acier prend
quelques teintes rouges qui puiffent donner de la
lumière.
X X X I V .
En général l’acier de Stirie demande moins de
revenu que celui d’Angleterre , 8c il ne doit pas ordinairement
être poulie plus loin qu’au bleu pâle
pour être bien élaftique & non caffant; mais de
tous les aciers, le meilleur eft celui que l’on fait
en Angleterre avec le fer de Suède.
Les opérations qui vont fuivre fe ro n t voir encore
mieux les qualités que doit avoir l’acier
propre à faire de bons refforts de montres.
X X X V .
L’opération de brider fortement enfemble une
quantité de refforts , pour les faire revenir , a deux
fins : la première eft de les faire bien joindre , afin
qu’ils fe communiquent réciproquement leur chaleur
, & rendent, par-là , lé revenu plus égal : la
fécondé, eft de preffer fortement les lames les unes
contre les autres, 8c de les rendre plus plates qu’il
n’eft poffible de le faire au marteau ; auffi cette manoeuvre
a-t-elle exclu l’ufage de planer avec un
marteau ,'8c on ne doit s’en fervir, après la trempe,
que pour ce que l’on nomme dreffer. Cette méthode
de faire revenir les refforts, eft encore de
l’invention de mon père.
X X X V I .
Les refforts étant trempés & revenus, on Tes
débride ; alors on les trouve plus plats qu’on n’au-
roit pu les rendre avec le marteau, mais ils ne font
pas toujours auffi droits qu’il le faut fur le tranchant.
Pour le redreffer, on fe fert d’un marteau plus
léger que celui qui fert à les forger, & qui doit
auffi avoir une tête plus ronde ; & comme chaque
reffort eft mince & trempé, il eft impoffible de le
forger fur le tranchant en le faifant porter à faux
fur l’enchime.
Pour réuffir donc à le dreffer, on le prend de
la main gauche pour le faire porter à plat fur l’enclume
, {fig. 14, PL //. ) & , avec le marteau dans
la main droite, on le fraape à petits coups fur
le plat de la courbure intérieure A A , {fig. 13.^) en
prenant garde de ne pas toucher la tranche de la
courbure extérieure.
X X X V I I .
Quand on aura dreffé toute la partie des reffotts
que l’on veut finir, il faut la blanchir avec de ;
l’huile 8c de l’émeril dans les grands plombs, {fig. 1 , PL III. '
Cette opération eft effentielle, pour deux raifons.
La première, pour ôter la craffe & le peu d é-
cailles qui fe forment fur les plats des refforts quand
on les trempe. La fécondé, pour ôter la couleur
que le premier revenu leur a donnée, afin que la
Cpuleur du fécond fe diftingue bien.
X X X V I I I .
Ce qui a donné occafion au fécond revenu qu’il
faut faire aux refforts, c’èft qu’après les avoir
bien dreffés au marteau & les avoir polis, le bleuif-
fage les faifoit devenir courbes, pas tout à fait
autant qu’ à la fortie du premier revenu , mais
cependant affez pour faire un mauvais effet. En
le voyant, mon Père jugea que cela ne pouvoit
venir que du peu de coups de marteau que les
lames »recevoient en les dreffant, & q u e c’étoient
les parties qui n’en avoient point reçu qui tiroient
les autres, quand les lames revenoient au degré
de chaleur que le revenu leur avoit donné ; il
conclut de-là, qu’il falloit les blanchir, les mettre
en paquet, les brider de nouveau, 8c les faire
revenir une fécondé fois, ce qui rèuffit au mieux ;
les lames devinrent plus plattes 8c moins courbes,
à caufe de la gêne ou elles étoient par ce fécond
bridage.
X X X I X.
Après cette opération du fécond revenu, mon
père fit redreffer de nouveau les refforts avec un
marteau à tête moins ronde , afin que chaque coup
couvrît plus de furface ; auffi cela lui réuffit-il très-
bien , 8c le premier reflbrt qu'on bleuit pour finir
fe trouva parfaitement droit»
X L.
C e fécond revenu eft caufe qu’il faut donner le
premier moins fort, pour laifler quelque chofe à
taire au fécond. En obfervant cette marche, les
refforts font plus droits & plus plats que fi l’on
s’étoit donné toutes les peines polfibles à la pré*
mière fois.
X L I.
Les refforts étant revenus pour la fécondé fois,
on les met dans l’étau pour réparer fur les bords
les petits acçidens que les coups de marteau peuvent
avoir occafionnés, & pour rendre auffi le
bout qui doit être appliqué fur l’arbre du barillet
lin peu plus étroit que le refte.
X L I I.
tienne dans toute la longueur de la pince, & qu une
taille rude n’y faffe pas d’impreffion 8c ne le rende
pas caffant, fur-tout s’il eft mince.
Il efi bon de remarquer qu’un étau, pour un
urtifte en refforts, doit avoir les mâchoires longues,
égales 8c d’une taille douce, pour que le ^effort
X L I I I.
Quand les refforts font limés fur les hords, il
faut les limer fur le plat , pour leur donner la
forme en fouet qui eft néceffaire ; on en rendra
raifon dans fon tems : cette opération fe fait fur
un bois dans un étau.
On y attache le reffort avec des tenailles à v is ,
comme à la {fig. 'ƒ > f jy r enfuite on lime ce
que l’on veut à plufieurs reprifes , en tatant, pour
voir qu’il ne s’y faffe. point d’inégalité foudaine ,
chaque fois que Ton change de place ; 8c ainfi ,
par degrés , on lime le reffort plus mince a un bout
qu’à l’autre j on- laiffe environ un pouce 8c demi
fans être touché, pour une raifon que je donnerai
dans ion tems.
Cette manoeuvre de limer le reffort fur le plat,
eft peut-être la plus délicate que l’on puiffe faire
dans les ouvrages métalliques ; n?y ayant point
, d'inftrumens propres à indiquer les gradations né-
’ ceffaires, on ne peut fe fervir que du ta& 8c du
. balancement de la lame fur les doigts. Le coup
d’oeil doit diftinguer les différentes épaiffeurs que
la lame doit avoir, qui fe reconnoiffent auffi par
la courbure plus ou moins régulière. Lon fent
par-là, qu’il n’y a que le jugement, joint à une
longue expérience, qui puiffe mettre un homme
au fait d’une pareille opération.
X L I V .
Pour parvenir à ôter les petites inégalités que
forme la lime, les plus habiles artiftes font paffer
leurs refforts avec de l’huile 8c de l’émeril, entre
des plaques de plomb montées comme les limes
de la {fig. 11, pL / ) ; par ce moyen, le reffort
perd toutes fes bofïes, 8c les traits de lime dif-
paroiffent, mais la lame devient égale d’épaiffeur,
& il faut la retoucher de tems en tems avec une
lime , ( la plus douce en bâtarde ) pour continuer
d’entretenir fa diminution graduelle, qui ne peut
être connue qu’à-peu-près par le toucher , en
tirant le reffort entre les deux doigts, & en appuyant
avec le pouce pour fentir les boffes 8c les
différentes épaiffeurs. Toutes ces opérations fe
font par degrés, 8c demandent beaucoup de
tems.
X L V .
Pour accélérer ce travail difficile & long, j’ai
imaginé une machine que j ai appellée les grands
plombs, {fig. i y pl. I I I ) .
Pour cet effet, je pris le tems que mon pere
étoit à la campagne, 8c je fis faire toutes les partie^
nèceffaires avant qu’il fût de retour (pour en avoir
tout l’honneur, vanité affez naturellé à la jeuneffe. j
B b b ij