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blant chaque volume de la même manière que I
nous avons dit ci-deffus pour les cahiers. Il ne
s’agira plus que de remettre l’ouvrage en paquets,
& de 1 envoyer au magafin. Chaque paquet doit
être fait à la preffe.
Plufieurs libraires trouveront peut-être cette façon
de travailler trop difficile; ils peuvent cependant
être affurés qu’elle n’eft ni trop longue ni moins
aifée , & qu’il en réfulte tant d’avantages, que
tous ceux qui youdront effayer cette méthode ne
feront pas tentés de la quitter. Ils veront qu’un
paquet de fept rames & demie fait à la preffe,
ne leur tiendra pas plus de place qu’un de cinq
rames qui n’y aura pas été fait ; que ces paquets
ne fe defferrant pas aifément, l’air & la pouffière
ne pourront y trouver aucun paffage pour rouffir
les feuilles ; que l’impreffion & le papier fe façonneront
de manière que leur édition paroîtra une
fois plus belle, & qu’enfin l’arrangement & la propreté
laifferont à leur magafin un coup d’ceil qui
fera plaifir. On ne fauroit donc trop recommander
l’ufage fréquent de la preffe , & de ne fe
fervir que de magafin par bas , pourvu cependant
qu’ils ne loient pas trop humides.
Garçdns de Librairie.
Les garçons de magafins 'doivent encore avoir
grand foin de tenir leurs magafins, d’affortimens
& leur travail bien propres ; les balayer au moins
une fois toutes les femaines; conferver beaucoup
d’ordre dans leurs arrangemens pour ne pas oublier
de paquets, & trouvèr aifément les livres
qui leur font demandés ; couvrir de maculatures
leurs piles & leurs feuilles ; bien ficeler & étique- -
ter leurs paquets ; ne jamais donner aucuns livres
fans être enveloppés ; fournir promptement les
deffets demandés. Telles font les qualités effen-
tielles que l’on doit chercher dans les garçons de
magafin, lorfqu’on eft certain de leur probité &
de leur travail aflidu.
Il y a encore chez les libraires des garçons dé
boutiques dont le mérite confifte à chercher
exactement dans la librairie les livres demandés,
à faire fidellement toutes les commifiions, & à
brocher , lorfqu’ils ont du temps de refie , les
livres qui fe vendent brochés.
De l'approbation des ouvrages à imprimer.
L ’approbation en librairie, eft un aCte par lequel
un cenfeur nommé pour l’examen d’un livre nou- ;
veau, déclare l’avoir lu , & n’avoir rien trouvé qui
puiffe ou doive en empêcher l’impreffion. C ’eft
fur cet aCte figné du cenfeur, qu’eft accordée la !
permiflion d’imprimer ; & il doit être placé à la tête ;
ou à la fin du livre pour lequel il eft donné.
Il eft vraifemblablç que lors de la naiffance des !
lettres, les livres n’étoient pas fujèts, comme ils le
font à préfent, à la formalité d’une approbation ;
•oç ce qui nous autorife à le croire, c’eft que le
bienheureux Rutpert, écrivain du VIIIe fiècle,
pour fe mettre à couvert des critiques jaloux qui
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le perfécutoîent, pria le pape Etienne III d’accorder
à fon commentaire fur l’apoçalypfe une appro«
bation authentique : ce que, dit-il, -aucun interprète
n’a fait avant lui, & qui ne doit préjudicier
en rien à la liberté où l’on eft de faire ufage
de fon talent pour écrire.
Mais l’art admirable de l’imprimerie ayant con-
fidérablement multiplié les livres, il a été de la
fageffe des différens gouvernemens d’arrêter, par
la formalité des approbations, la licence dange-
reufe des écrivains, & le cours des livres contraires
à la religion, aux bonnes moeurs, à la tranquillité
publique, &c. A cet effet il a été étahli
des cenfeurs chargés du foin d’examiner les livres.
Des contrefaçons.
Cependant, que deviendront la foumiffion d’un
libraire aux ordres de fes fupérieurs, fon exactitude
dans fa profeftion, fon zèle pour entre-,
prendre les ouvrages utiles , fes frais & fes foins
pour les rendre dignes du public & de l’eftime
des leCreurs ; f i , comme nous l’avons déjà obfervé,
on ne trouve pas le moyen de défendre fa propriété
, & fi le gouvernement ne lui affure point
la jufte récompenfe de fes travaux ?
Les inconvéniens, les préjudices qui rèfultent
pour les arts, les fciences , le commerce, & en
général pour la république des lettres', du brigandage
des contrefaçons, devroient fans doute fol-
liciter les fouverains à ne pas fouffrir qu’en imprimant
dans leurs états des ouvrages qu’une
nation voifine vient de faire paroître, on lui enle-»
vât ainfi le produit de fori induftrie & les objets
de fon commerce, à la différence des autres mar-
chandifes qu’on fait circuler en fureté fous la garantie
du droit des gens.
Un livre paroît en France ; s’il eft: accueilli, à
peine eft-il annoncé qu’il eft déjà contrefait dans
cinq ou fix villes. Non contentes d’en inonder
leurs provinces par tous les petits canaux qui font
à leurs difpofitions , elles en fürchargent les pays
étrangers dont elles font limitrophes. L ’auteur,
l’éditeur, le libraire munis d’un privilège, accablés
de leurs frais, ont beau crier que leur édition
matrice eft la feule véritable , que les contrefaites
font remplies de fautes , d’omi[fions, d’ab-
furdités, le public fourd à ces plaintes achète toujours
la contrefaçon & court au meilleur marché.
Néanmoins,, le privilège eft pofitif, les défenfes
ne font point équivoques ; mais malgré ce titre
refpeCtable le contrefacteur brave les menaces ,
vole le bien d’un concitoyen, s’enrichit par des
voies illicites. Il eft vrai que les voies judicianres
font ouvertes , qu’on peut demander vengeance „
fuivre & faire punir le délit. Comment y parvenir
? Les contrefaçons fe font dans le plus grand
myftère, l’édition fe compofe, s’affemble, fe ploie,
s’emballe fans qu’on puiffe s’en douter ; mille mains
toutes prêtes la difperfent dès qu’elle eft fortie des
preffe s.
Ordinairement
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Ordinairement le contrefaûeur n’en débite
point ; il a toujours, en cas de lurprife, un petit
nombre d’exemplaires de la véritable édition qu’il
eft prêt à repréfenter ; il parvient aifément à faire
perdre la trace du délit, cntorte que ce n eft fou-
vent qu’au bout de fix mois , un an ou deux , que
le hafard fait découvrir à fon auteur que fon livre
a été contrefait.
I 1‘tente alors quelques démarches pour la vengeance
ou pour la réparation, mais il eft tellement
arrêté qu’il faut prefque toujours qu’il l’abandonne.
Jugez-en par les obftacles.
Les intendans de province font les commiffaires
du confeil en cette partie ; il faut d’abord que fur
l’avis vrai ou faux qu’il reçoit, l’éditeur fe tranf-
porte fur les lieux ; il préfente fa requête , elle eft
répondue d’une ordonnance portant permiflion de
faifir ; eft-il affez heureux pour couvrir fa marche,
dérober fes projets aux regards curieux d’une ville
de province, où tous les yeux font ouverts fur
l’étranger qui arrive? il faut qu’il efpionne, qull
s’affure de la vérité des avis , enfuite qu’il fe confie
à des inconnus; fa requête paffe par tant de mains
qu’il eft bien difficile que le contrefaifeur ne foit
pas averti.
On fe préfente pour faifir; tout eft: difparu:
la chance tourne, le coupable devient aggreffeur ;
il a été foupçonné, infulté, il eft compromis,
dit-il, dans fon honneur, fa réputation par une
faifie injurieufe, tortionnaire & déraifonnable ; il
lui faut dix mille livres de dédommages intérêts,
réparation authentique, affiches,&c...Plus il eft coupable
, plus il eft intraitable. Il dédaigne les accom-
modemens, donne la loi ,*& le lézé doit fe trouver
heureux fi on le tient quitte pour fes immenfes
faux frais.
Il eft à préfumer que ce font ces contrefaifeurs
journaliers, peu fcrupuleux d’enlever à leurs conci-.
toyens leurs propriétés, qui impriment tous ces
livres obfcènes & pernicieux pour les moeurs, fi
contraires à la religion, fi dangereux à la jeuneffe ;
que ce font eux qui fe permettent de faire paroître
ces infâmes libelles qui attaquent & déchirent la
réputation des citoyens,. & qui ofent quelquefois
par des écrits féditieux fouffler le feu de la difcorde
jufques aux pieds des trônes , & fur les marches
des autels. Toutes ces productions 'ténébreufes ne
fortent que des arfenaux où fe fabriquent les contrefaçons.
Leurs criminels auteurs veulent s’enrichir,
rien n’eft facré pour eux.
On verroit bientôt difparoître ces contrefacteurs
nationaux, fi. l’on fuivoit dans les villes de provinces
l’exemple de la capitale. Rien ne s’y imprime
que fous les yeux des officiers de la chambre
iyndicale des imprimeurs & libraires , & de
l ’aveu des magiftrats. On y furveille fans ceffe les
imprimeurs ; & pour que les imprimeurs & libraires
de province ne puiffent rien dérober à la vigilance
des officiers prêpofés pour les infpeCter, il
feroit peut-être néceffaire qu’il y eût un réglement
Arts & Métiers. Tojne III. Partie II.
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par lequel aucun imprimeur ni libraire ne pourrôit
mettre en vente dans fa ville aucun ouvrage nou-
veau fans en avoir fait fa^déclaration^, laquelle
fignée de lui juftifieroit dvoù il tient l’ouvrage,
& par quelle voie il lui eft parvenu; en ou tie ,
qu’il fût fait défenfes à aucun imprimeur libraire
de faire aucun envoi fans y joindre quatre factures
conformes & fignées. La première feroit pour lui,
la fécondé refteroit au bureau du départ ,„ la troi-
fième au bureau de l’arrivée. Les deux directeurs
de ces bureaux les remettroient dans | les vingt-
quatres heures au magiftrat de leur vilje chargé
dé la police, & la quatrième parviendroit au cor-
refpondant.
Par ce moyen , la marche des contrefaifeurs
feroit éclairée & bientôt découverte. Tout libraire
qui vendroit un livre contrefait feroit tenu de déclarer
d’où il le tient, d’en juftifier par fa faftiire.
Faute de la repréfenter, il feroit repute lui-même
le contrefaifeur, & comme tel condamne aux dépens
, dommages-intérêts de l’éditeur, qui feroient
portés à la valeur d’une édition conforme a 1 édition
originale de trois mille exemplaires , & en
outre en l’amende, fauf fon recours de droit contre
fon correfpondant qui lui auroit envoyé lexem-
, plaire frauduleux.
L’éditeur devroit avoir ce droit de fuite pendant
30 ans à compter du jour de la date de fon privilège,
quoiqu’il fût expiré; on fuppoferoit alors
que l’édition a été contrefaite dans le temps qu’il
en jouiffoit, le terme de trente ansetant celui que
la loi donne pour prefcrire le crime.
Mais , dira-t-on, c’eft gêner la liberté que de
mettre ainfi des entraves au commerce. Je réponds
que la liberté eft définie par la loi naturalis fa^
cuit as ejus, quod cuique facere libct, nifi f i quidvi
aut jure prohibetur. Que la- liberté confifte à faire
tout ce qu’on v eu t, mais à la réferve de ce qui
eft défendu. C ’eft au contraire donner un très-
grand reffort au commerce que d’empêcher la concurrence
fur certains objets. Enfin , n’eft-il pas
jufte qu’un éditeur qui met à très-grands frais fon.
ouvrage au jour, ait au moins la facilite de vendre
fon édition, ce qui arrivera prefque toujours
lorfqu’il n’y aura que lui qui pourra le diftribuer?
D ’ailleurs les livres baifferoient de prix fi l’éditeur
original étoit sûr de n’être pas contrefait,^ parce
qu’alors il feroit tirer un plus grand nombre d’exemplaires
dont la dépenfe diminueroit en fe diftri-
buant dans une plus grande quantité.
C ’eft fqjis cette fauve-garde qu’on verra les
fciences & les arts marcher rapidement à la perfection.
Peut-être auffi feroit-il à defirer qu’on eût dans
les provinces, & des provinces dans la capitale ,
la faculté de faire venir par la voie de la pofte
toutes fortes de livres, fur-tout les i/z-12. & les
m-8°. à un port très-modéré ; & c’eft à quoi MM.
les adminiftrateurs des poftes de France femblent