
concerne dans cet article. Nous invitons à le lire
ceux qui voudront connoître dans un plus grand
détail les progrès & les accroiffemeris de cette
immenfe bibliothèque.
Pendant le cours de l’année 1728, il entra dans
la bibliothèque du roi beaucoup de livres imprimés
: il en vint de Lisbonne , donnés par MM.
les comtes d’Ericeira ; il en vint auffi des foirës
de Leipfic & de Francfort pour une Tomme confidérable.
La plus importante des acquittions de
cette année fut faite par M. l’abbé Sallier , à la
vente de la bibliothèque Colbert : elle confiftoit
en plus de mille volumes. Mais de quelque mérite
que puiffent être de telles augmentations , elles
n’ont pas l’éclat de celle que le miniftère fe pro-
pofoit en 1728.
L’etabliffement d’une imprimerie Turque à Conftantinople
, avoit fait naître en 1727 à M. l’abbé
Bignon, l’idée de s’adreffer , pour avoir les livres
qui fortiroient de cette imprimerie , à Zaïd
Aga , lequel, difoit-on , en avoit été nommé le
dire&eur, & pour avoir le catalogue des manufcrits
grecs & autres qui pourvoient être dans la
bibliothèque du Grand - Seigneur. M. l’abbé Bignon
l’avoit connu en 1721, pendant qu’il étoit à
Paris à la fuite de Mehemet Effendi fon père,
ambaffadeur de la Porte. Zaïd Aga promit les livres
qui étoient aéluellement fous la preffe : mais
il s’excufa fur l’envoi du catalogue, en affurant
qu’il n’y avoit perfonne à Gonftantinople affez
habile pour le faire. M. l’abbé Bignon communiqua
cette, réponfe à M. le comte de Maurepas,
qui prenoit trop à coeur les intérêts de la bibliothèque
du roi pour ne pas faifir avec empreffe-
ment & avec zèle cette occafion de la fervir. Il
fut arrêté que la difficulté d’envoyer le catalogue
demandé, n’étant fondée que fur l’impuiffance de
trouver des fujets capables de le compofer , on
enverroit à Conftantinople des favans , qui , en
fe chargeant de le faire, pourroient voir & examiner
de près cette bibliothèque.
Ce n’eft pas qu’on fût perfuadé à la cour que
la bibliothèque tant vantée des empereurs Grecs
exiftât encore ; mais on vouloit s’affurer de la
vérité ou de la fauffeté du fait : d’ailleurs , le
voyage qu’on projettoit avoit un objet qui pa-
roiffoit moins incertain ; c’étoit de recueillir tout
ce qui pouvoit refier des monumens de l’antiquité
dans le Levant, en manufcrits, en médailles, en
infcriptions, &c.
M. i’abbé Sevin & M. l’abbé de Fourmont,
tous deux de l’académie des infcriptions & belles-
lettres de Paris , furent chargés de cette commif-
fïon. Ils arrivèrent au mois de décemhre 1728 à
Conftantinople : mais ils ne purent obtenir l’entrée
de-la bibliothèque du Grand-Seigneur ; ils apprirent
feulement par des gens digne de fo i, qu’elle
ne renfermoit que des livres turcs & arabes , &
nul manufcrit grec ou latin; & ils fe bornèrent
à l’autre objet de leur voyage. M. l’abbé Fourmont
parcourut la Grèce pour y déterrer des infcriptions
& des médailles ; M. l’abbé Sevin fixa
fon féjour à Conftantinople : là , fécondé de tout
le pouvoir de M. le marquis de Villeneuve , ambaffadeur
de France , il mit en mouvement les
confuls & ceux des Echelles qui avoient le plus
de capacité, & les excita à faire chacun dans fon
diftriâ quelques découvertes importantes. Avec
tous ces fecours & les foins particuliers qu’il fe
donna, il parvint à raffembler en moins de deux
ans plus de fix cents manufcrits en langue orientale
: mais il perdit l’efpérance de rien trouver des
ouvrages des anciens grecs, dont on déplore tant
la perte. M. l’abbé Sevin retourna en France ,
après avoir établi des correfpondances néceffaires
pour continuer ce qu’il avoit commencé ; & en
effet, la bibliothèque du roi a reçu prefque tous
les ans depuis fon retour plufieurs envois de manufcrits
, foit grecs, foit orientaux. On eft redevable
à M. le comte de Maurepas de l’établifle-
ment des enfans ou jeunes de langue qu’on éleye
à Conftantinople aux dépens du roi : ils ont ordre
de copier & de traduire les livres turcs, arabes &
perfans ; ufage bien capable d’exciter parmi eux
de l’émulation. Ces copies & ces traduélions font
adreffées au miniftre , qui , après s’en être fait
rendre compte, les envoie à la bibliothèque du
roi. Les tradu&ions ainfi jointes aux textes originaux
, forment déjà un recueil affez confidérable ,
dont, la république des lettres ne pourra par la
fuite que retirer un fort grand avantage,
M. l’abbé Bignon , non content des tréfors dont
la bibliothèque du roi s’enrichiffoit, prit les me-
fures les plus fages pour faire venir des Indes les
livres qui pouvoient donner en France plus de
connoiffance qu’on n’en a de ces pays éloignés,
où les fciences né laiffent pas- d’être cultivées.
Les directeurs de la compagnie des Indes fe prêtèrent
avec un tel empreffement à fes vues, que
depuis 1729 il a été fait des envois affez confi-
dérables de livres indiens, pour former dans la
bibliothèque du roi un recuil en ce genre, peut-
être unique en Europe.
Dans les années fuivantes, la bibliothèque du
roi s’accrut encore par la remife d’un des plus
précieux manufcrits qui puiffe regarder la monarchie
, intitulé Regijlre de Philippe-Augujle, qu’avoit
légué au roi M. Rouillé du Coudray , confeüler
d’état ; & par drverfes acquifitions confidérables :
telles font celles des manufcrits de S. Martial de
Limoges, de ceux de M, le premier préfident de
Mefmes, du cabinet d’eftampes de M. le marquis
de Beringhen, du fameux recueil des manufcrits
anciens & modernes de la bibliothèque de M.
Colbert, la plus riche de l’Europe, fi l’on en excepte
celle du roi de France & celle du Vatican;
du cabinet de M. Cangé , colledion infiniment
Curieufe, dont le catalogue eft fort recherçhé des
connoiffeurs.
Tant de riçheffes littéraires accumulées dans un
dépôt ouvert aux favans & aux hommes ftudieux,
engagèrent l’académie des infcriptions à faire frapper
en 1732 une médaille pour célébrer la gloire
du r o i, & la reconnoiffance des gens de lettres.
Depuis cette année la Bibliothèque s’enrichit
encore d’un recueil eftimable donné au Roi, par
M. Lancellot, lequel renfermoit environ 200 manufcrits
Si plus de 500 porte-feuilles, remplis de
pièces détachées concernant les droits du R o i, de
cinquante manufcrits de M. l’abbé Drouin , docteur
de Sorbonne, concernant l’Hiftoire & la
Théologie ; d’environ quatre cens chartes acquifes
par M. l’âbbé Sallier , au mois dè mai 1734,5 elles
regardent différens feigneurs , des abbayes, des
prieurés , des commanderies , & quelques villes
ou communautés du royaume ; quelques-unes
font des onzième & douzième fiécles ; il y en a un
plus grand nombre du treizième; les autres font
du quatorzième & du quinzième.
L’autorité* de M. le comte de Maurepas avoit
donné à M. l’abbé Bignon autant de çorrefpon-
dans qu’il y avoit de confuls dans les différentes
villes du monde ; ijs furent chargés de faire la recherche
& l’achat des livres imprimés & manufcrits,
qui pourroient convenir à la bibliothèque de
Sa Majefté, & c’eft à cette attention quelle eft
redevable d’un nombre confidérable de livres précieux,
reçus de Lisbonne, de Madrid, de Londres
, de la'Haye, de Pétersbourg, de Venife, &c.
Les'ambaffadèurs & envoyés de France dans
les dixïéi2nres cours, perfuadés que c’étoit plaire
au roi que dr. contribuer à l’accroiffement de fa
bibliothèque, établirent entr’eux &. l’illuftre bibliothécaire,
une correfpondance littéraire; de-là
Vinrent une immenfité de volumes , tant imprimés
que manufcrits ; d’Italie, par les foins de M. de
la Baftie ; de Vènife, par M. le comte de Froulay ;
de Conftantinople, par M. le marquis de Ville-
neuve , (c’étoient des manufcrits perfans, arabes
& arméniens ) ; de Suiffe, par M. le marquis de
Bonnac ; il s’y trouvoit auffi quelques livres qu’il
avoit rapportés de Conftantinople, & les lettres
originales en turc , concernant fon ambaffade en
cette cour : de Danemarck , environ fept cens
volumes partie en danois & fuèdois, partie en
finois & iflandoisî; avec des copies de quelques
manufcrits importans envoyés par le comte de
Plélo. .
Les livres imprimés & manufcrits provenans de
la fucceffion de M. l’abbé de Targny, furent acquis
pour la bibliothèque du roi, d’après l’efti-
mation qui en fut faite paie M. l’abbé Sallier ; ils
confiftoient en cent vingt-huit manufcrits, cé environ
quarante volumes imprimés très rares.
\En 1741 M. l’abbé Bignon , accablé d’années &
d’infirmités, remit à M. Bignon fon neveu l’exercice
de f. charge. Il mourut le 14 mars 1743 ,
& fon neveu étoit mort fix jours auparavant. Le
roi nomma auffi tôt à cette charge M. Bignon ,
frère du dernier bibliothécaire , maître des requêtes,
qui continua d’augmenter les riçheffes du
tréfor confié à fes foins vigilans. Il raffemblà beaucoup
de livres étrangers , & fit acheter tout ce
qui pouvoit s’offrir d’intéreffant aux ventes des
cabinets de plufieurs amateurs diftingués.
Le 11 janvier 1756 le roi fit l’acquifition des
manufcrits de Ducange, tous précieux pour l’hif-
toire des provinces de France, fur-tout pour celle
de Picardie. Le 3 avril fuivant, les manufcrits
de l’églife de Paris furent auffi acquis par le roi.
Cette importante & précieufe colleâion, compofée
d’environ 300 volumes , la plupart du Xe & du
XIe fiècîe, fut remife à la bibliothèque du rt>i par
MM. Malherbe bibliothécaire , & Thiery chancelier
de l’üniverfité. Quelques années auparavant
, la bibliothèque avoit été enrichie d’un
grand nombre de porte-feuilles remplis de pièces
concernant la Lorraine, qu’on fit venir de Nancy
après la mort de M. Lancelot.
En 1762, on vit arriver dans ce vafte temple
des mufes une colonie nouvelle ; c’étoient onze
mille volumes choifis dans la riche bibliothèque
de M. Falconet , médecin célèbre , qui n’avoit
épargné ni foins ni dépenfes pour fe procurer tout
ce qu’il y avoit de plus rare & de plus précieux
en livres.
M. de Charfigné, abbé de Fontenay, neveu &
héritier de M. Huet, évêque d’Avranches, pria
en 1745 M. Bignon de recevoir en dépôt les 8271
volumes dont étoit compofée la bibliothèque de
fon oncle, y compris 200 volumes manufcrits précieux
par leurs objets ; ce qui augmente le prix
de ces livres , ce font les notes manuferites dont
les a enrichisJM. H uet, à qui l’Europe-avoit donné
le furnom de favant des favans.
Environ fix mois auparavant, le roi avoit fait
l’acquifitiou d’un nombre confidérable de livres
imprimés & d’une trentaine de manufcrits , provenans
de la vente des Jéfuites.
L’an 1766 fut célèbre par l’acquifition du cabinet
de M. de Fontanieu, confeiller d’é ta t, intendant
des meubles de la couronne , riche en
livres imprimés, eftampes & manufcrits précieux,
parmi , lefquels eft un recueil de 60,000 titres &
pièces fur Thiftoire générale de France, & d’une
partie d’hiftoire naturelle que S. M. deftinoit pour
fon cabinet de Trianon.
Vers ce même temps, la bibliothèque du roi
acquit de M. le duc dè Vallière plufieurs livres
rares, entr’autres le Rationale Durandi fur vélin
de 1459, l'Hortus Sanitatis fans date ; un recueil
de Traités de Paix en deux volumes in-folio ;
l’exemplaire de Henri I I I , des Statuts & des premières
promotions de l’Ordre du S. Efprit, avec
les armoiries fuperbement enluminées ; le fameux
Traité des joutes ôt tournois de René roi de
Sicile , que M. le duc de la Vallière tenoit du
prince de Conti, &c.
La bliothèque fut encore enrichie d’environ cent
I boîtes de carton remplies d’un nombre confidé