
Le 22 août 1735 , Jacques Aniffon du Perron
entra en fonâion avec Louis-Laurent Aniffon Ton
frère.
C ’eft ce dernier qui préfide maintenant-à l'imprimerie
royale , qui, de quelque côté qu’on la j
confidère, eft une des mieux difpofées, des plus
occupées, des plus riches, des plus vaftes 8c des
plus belles qu’il y ait au monde.
. C ’eft-là qu’on imprime prefque tous les papiers
publics qui émanent du miniftère.
On y à fait, & on y fait encore des.-éditions
très-précieufes d’auteurs renommés, en toutes langues
& en tous cara&ères.
Les mémoires des académies , 8c quelquefois
les ouvrages des académiciens s’impriment à l’imprimerie
royale.
Lorfqu’il plaît au roi d’honorer & de gratifier
fpécialement un auteur, il ordonne l’impreflion
de fon ouvrage à fon imprimerie, & lui fait pré-
fent de fon édition.
Quelquefois , lorfqu’un ouvrage important eft
d’une grande exécution & d’une dépenfe confidé-
rable , le ro i, en qualité de protefteur des lettres,
s’en charge , 8c les exemplaires relient entre les
mains & à la garde de l’imprimeur du roi. On
en fait des préfens aux ambaffadeurs, aux minif-
tres, aux grands & aux gens de lettres qui folli-
citent cette grâce, 8c à qui il eft rare qu’on la
/refufe.
Imprimeurs libraires ordinaires du Roi.
Ce font les titres de ceux qui ont été créés fous
Louis XIII le 22 février 1620 , pour imprimer les
édits, ordonnances, réglemens, déclarations, 8cc."
8c de ceux qui leur ont fuccédé.
Ces imprimeurs , de la création de Louis X I I I ,
étoient de fes officiers domeftiques, 8c commen-
faux de fa maifon , avec attribution de gages.
Leurs fucceffeurs ont les mêmes prérogatives.
Il n’y en avoit que deux. L’une de ces charges
a été polfédée par André-François Le Breton, 8c
l ’autre par Jacques Colombat, dont le père obtint
en 1719 le titre additionnel de prépofé à la conduite
de Vimprimerie du cabinet de fa majefié.
Us font aujourd’hui au nombre de fix. Les quatre
de création poftérieure , n’ont d’abord été que bré-
vetés par chacun des fecrétaires d’état.
Plufieurs arrêts confécutifs les ont tous.maintenus
dans leurs premiers privilèges 8c anciennes
fondions, 8c les dernières lettres-patentes qu’ils ont
obtenues en leur faveur , font du 9 décembre
17 16 , enregiftrées au parlement le 12 janvier 1717.
Outre ces imprimeurs, il y en a encore un particulièrement
titré Noteur de la chapelle de fa ma-
jeflê, & exclufivement privilégié à l’impreflion de
fa mufique. Cette charge fut créée par Henri II.
Ce fut un Ballard qui la pofféda, & c’eft un de
fes defcendans qui la poffède encore aujourd’hui.
Ceux qui ont rangé le code de la librairie n’ont
fait aucune mention de ces places«
Communauté des imprimeurs '.
Avant l’invention des caraélères, le corps des
imprimeurs en lettres étoit compofé d’écrivains,
de libraires, de relieurs, d’enlumineurs, 8c de
parcheminiers.
Ce corps étoit tout-à-fait dépendant de l’univer-
fité 8c de fon reéteur.
Le parchcminier préparoit les peaux fur lefquelles
on écrivoit.
L’écrivain qu’on appelloit Jlationnaire, copioit
fur les peaux l’ouvrage que le libraire fourniffoit.
Le relieur mettoit en volume les feuilles co-
piées.
L’enlumineur peignoit, relevoit d’or bruni, en
un mot, décoroit le volume qui retournoit chez
le libraire qui le vendoit.
Nos imprimeurs en lettres ont fuccédé à l’etat
8c aux privilèges des ftationnaires.
Us font une feule & même communauté fous
le nom de Corps de la librairie & imprimerie, à
laquelle font demeurés unis les fondeurs de caractères
d’imprimerie, par l’édit de Louis XIV du
mois d’août 1686, 8c de laquelle ont été fépares
les relieurs 8c doreurs de livres , par le même édit
qui les érige en corps particulier de jurande.
L’édit de 1686 , & la déclaration du 23 o£lo-
bre 1713 , enregiftrée le 26 du même mois 8c donnée
en interprétation dudit édit, doivent être
regardés comme les véritables ftatuts de la librairie.
Ces réglemens compofent foixante-neuf articles,
dont quelques-uns ont fouffert des modifications
dans plufieurs occafions. Enfin, l’arrêt du
confeil d’état du roi du 10 décembre 1725 , porte
que la communauté des libraires - imprimeurs de
Paris, prendra, comme par le paffé , le titre de
Communauté des libraires & imprimeurs jurés de l'u\
niverjîté de Paris.
Les libraires 8c imprimeurs demeurent dans l’enceinte
de l’univerfité.
Les apprentifs doivent avoir un certificat du
reâeur pour être reçus maîtres.
Les imprimeurs ne peuvent être au-delà de
trente-fix à Paris ; le nombre des imprimerie a
1 été aulïi fixé dans les autres villes du royaume
par l’arrêt du 12 mai 1759 favoir, à vingt dans
la généralité de Montpellier & province de Languedoc;
à quinze dans la généralité & province
| de Bretagne ; à quatorze dans la généralité de
L ille , province & pays. d’Artois ; à treize dans
la généralité de Rouen ; à douze dans la généralité
de Lyon ; à neuf dans la généralité de Dijon;
à huit dans la généralité & province de.Franche
Comté ; auffi à huit dans la généralité d’Orléans;
de même dans la généralité de Tours; pareillement
dans la généralité de Provence ; à fept
dans la généralité de Limoges; à pareil nombre
dans la généralité de Caen ; à fix dans la généralité
d’Amiens ; à fix auffi dans celle de Grenoble ;
à quatre dans la généralité de Riom ; pareillement
dans celle de Metz; à trois dans chacune des gé- 1
néralités de Moulins , de Poitiers, de Rouffillon.
Chaque imprimerie doit être compofée de quatre
preffes au moins, & de neuf fortes de caractères
romains avec leurs italiques, depuis le gros-canon
jufqu’au petit-texte inclufivement.
1 Lés fyndics 8c adjoints doivent faire tous les
trois mois la vifite des imprimeries.
Lorfqii’un imprimeur décède fans veuve ou fans
enfans qui aient qualité pour exercer l’imprimerie,
les vis des preffes de fon imprimerie font tranf-
portées, à la diligence des fyndic 8c adjoints, en
la chambre de la communauté, pour y être dépo-
fées jufqu’à la vente de cette imprimerie en ladite
chambre.
L i b r a i r i e .
. La librairie eft l’ar t, la profeffion, le commerce
de libraire.
Le libraire eft celui qui fait le commerce des
livres, foit anciens , foit modernes.
On appelloit autrefois librairie un grand amas
de livres, autrement une bibliothèque.
Chez les anciens on écrivoit les livres fur cette
fine écorce qui fe trouve immédiatement fur" le
bois des arbres , 8c qui porte en latin le' nom de
liber, d’où nous eft venu le mot livre ; 8c lorsqu’ils
étoient écrits ,onen formoit des rouleaux qui por-
toient le nom de volumen , du mot latin volvere,
qui fignifie rouler.
Avant l’invention de l’imprimerie , les libraires
jurés de l’univerfité de Paris faifoient tranfcrire les
manufcrits, & en apportoient les copies aux députés
des facultés , pour les revoir & les approuver
avant que d’en afficher la vente. Mais on fent
bien que ces fortes d’éditions , qui étoient le fruit
d’un travail long & pénible, ne pouvaient jamais
être nombreufes. Auffi les livres étoient-ils alors
très-rares 8c fort chers. L’acquifition d’un livre
un peu confidérable fe traitoit comme celle d’une
terre ou d’une maifon : on en faifoit des contrats
pardevant notaires, comme on le voit par celui
qui fut paffé en 1332 entre Geoffroi de Saint-
Léger , libraire, 8c Gérard de Montagu, avocat
du roi au parlement, pour le livre intitulé Spéculum
hifloriale in Confuetudines P arifienfes.
Ces libraires étoient lettrés, & même favans ;
ils portoient le nom de clercs libraires , faifoient
partie du corps de l’univerfité, 8c jouiffoient de
fes privilèges.
Lorfque vers la fin du quinzième fiècle l’on eut
imaginé les cara&ères mobiles qui, par la rapidité
^tonnante avec laquelle ils multiplient & répandent
les produélions des auteurs, conferveront
jufqu’à la fin des fiècles nos vertus, nos vices ,
nos découvertes, 8cc. & éterniferont à jamais la
mémoire de tous le s hommes célèbres , entretiendront
8c exciteront de plus en plus chez toutes
libraires ne s’amufèrent plus, à tranfcrire les manufcrits.
les nations cette noble jaloufie d’être les premiers
à inventer 8c à perfe&ionner les arts, les clercs !
Les uns s’occupèrent à perfectionner cette
nouvelle découverte, d’autres à fe procurer des
manufcrits ou des livres déjà imprimés avec des
planches en bois ou avec des cara&ères mobiles
auffi en bois , d’autres enfin à trouver les moyens
d’empêcher que le temps ne détruisît ces nou-
velles produirions. Ces différentes occupations formèrent
les fondeurs de caraétères, les imprimeurs ,
les libraires ôc les relieurs.
Nous ne parlerons ici que du commerce de la
librairie , que nous diviferons en librairie nouvelle
8c en librairie ancienne.
Librairie nouvelle.
Le commerce des livres donne de la confidéra-
tion à celui qui l’exerce avec l'intelligence 8c les
lumières convenables. C ’eft une des profeffions
les plus nobles 8c les plus diftinguées. C ’eft auffi
une des plus anciennes. Dès l’an dit monde 18 16 ,
il y avoit déjà une bibliothèque fameufe conftruite
par les foins du troifième roi d’Egypte.
De toutes les branches de commerce, celle-ci
eft peut-être celle qui doit le plus intéreffer le
gouvernement, s’il fait attention à la propagation
des connoiffances humaines, aux progrès
des arts les plus utiles 8c4 es plus néceffaires qui
lui font dus, aux délices de la fociété , même à
celles de la folitude , aux moeurs, à l’éducation.
Tout ce qui peut être communiqué à un homme
par un autre pour fon inftruétion, fon avantage
ou fon agrément, les productions du génie , celles
de fefprit, du favoir, de l’expérience, les fcien-
ces,les arts, tout enfin devient comme la matière
première, l’aliment, 8c la bafe de ce commerce.
D ’ailleurs, quels avantanges * quels accroiffe-
mens toutes les autres branches de négoce ne doivent
elles pas à la librairie?
Le commerce de la librairie tient à plufieurs
fabriques qu’il enrichit , ou qui lui doivent leur
exiftence. L a richeffe qu’il procure aux papeteries
eft immenfe; 8c cette richeffe eft d’autant plus pré-
cieufe, qu’elle eft produite par une matière vile
qu’on rejettoit autrefois. L’imprimerie, là gravure
en taille douce;, la reliure 8c beaucoup d’autres
arts fubordonnés qui donnent de l’emploi à une
multitude de- perfonnes de l’un 8c de l’autre fexe ,
reçoivent leur exiftence, ou du moins , leur encouragement
8c leur entretien de la librairie.
Sous ce point de v u e , 011 ne peut trop favori-
fer la librairie en facilitant fes entreprifes , en fou-
tenant fes privilèges 8c fes prérogatives j en la fai-
fant fleurir dans le royaume, en l’animant dans
fes diverfes branches, en empêchant fur-tout que
ce commerce ne foit altéré par l’avidité des con-
'trefaéleurs ou des déprédateurs, q u i, comme les
infeéles malfaifans, .viennent s’attacher aux meilleurs
fruits, 8c font périr les efpérances du propriétaire
8c du cultivateur.
Quand les livres commencèrent àfe multiplier.
Y y y ij