
& tout au moins aufii épais que la planche de
cuivre.
Vous avez aux quatre coins de celle qui fait
votre calibre, quatre trous qui ont fervi à afiem-
bler les autres planches pour les limer ; vous pourrez
en profiter pour river encore le calibre avec
le carton, par ce moyen les rendre fixes l’un fur
l’autre , & donner plus de facilité à enlever le
cadre.
Il faudra , pour le garantir de l’humidité, qui
le feroit étendre, l’enduire deffus & deflous d’une
grofife couleur à l’huile, telle qu’on l’emploie pour
imprimer les toiles de tableau.
Le cadre de carton eft ainfi préparé pour recevoir
un vo ile , qui fera c o u f u à points ferrés ,
fur fes bords intérieurs. C ’eft ce voile qui fert à
porter, avec précifion, les contours. On le pré-
fentera donc fur l’original qu’on va graver , &
après avoir tracé au pinceau , avec du blanc à
l’huile , fur le voile , on attendra que l’huile foit
sèche pour repafler les mêmes traits avec du blanc
beaucoup plus liquide que celui qui a féché ; on
enfermera la première planche dans le cadre de
carton ; & le blanc, encore frais , marquera fur
la grainure tous les contours dont le voile eft
chargé.
On repaffera du blanc liquide fur lès traits du
voile, pour calquer les autres planches ; on fera
certain , par ce moyen, du rapport exaâ qu’elles
auront entre elles. Le blanc liquide qui doit calquer
du voile au cuivre grainé , eft un blanc à
détrempe délayé dans l’eau-de-vie , avec un peu
de fiel de boeuf, pour qu’il morde mieux für le
trait à l’huile. Mais pour conferver ce trait, il eft
à propos de prendre une plume, & de le repafler
à l’encre de- la Chine ; car l’encre ordinaire tient
trop opiniâtrement dans les cavités de la grainure.
On peut encore, au lieu de voile, appliquer un
papier ferpente fur l’original; en prendre les traits
avec la fanguine, puis les tranfporter fur la planche
: mais on eft obligé, avec xe papier, de recourir
à la preffe pour calquer les cuivres l’un après
l ’autre.-
Gravure des planches.
L’inftrument dont on fe fert pour graver, ou
plutôt pour ratifier la grainure , le nomme racloir ;
il doit être aiguifé fur les deux côtés plats..
On fe fert encore du gratoir, qui ne diffère de
celui - ci que parce qu’il a trois faces égales ; ce
gratoir porte ordinairement un brunifioir fur la
même tige.
Le brunifioir fert à lifter les parties que le racloir
ou le gratoir ont ratifiées ; ainfi, l’inftrument,
dans le nouvel art, comme dans la manière noire,
agit par un motif tout différent de l’inftrument qui
fert . à la gravure en taille-douce ; car, fi le grar
veur en taille-douce doit, en conféquençe de l’effe
t, regarder fon burin comme un crayon noir ,
le graveur en manière noire doit, en conféquence
de l’effet contraire, regarder le gratoir comme un
crayon blanc.
Toutes les préparations faites, ainfi qu’elles viennent
d’être expliquées, placez une de vos planches
fur le couflinet de graveur, & commencez
à ébaucher, en regardant toujours l’original dans
un miroir, pour voir la droite à gauche & la gauche
à droite.
Il s’agit, en travaillant, de conferver la grainure
dans fon v if, fur les. parties de cuivre qui doivent
imprimer les ombres ; d’émouffer les pointes
de la grainure fur les parties du cuivre qui doivent
imprimer les demi-teintes ; & de ratifier les
parties du cuivre qui doivent épargner le papier,
pour qu’il puiffe fournir les luilans.
Les degrés plus ou moins forts de ratijfage, ne
fauroient être prefcrits ; c’eft à la pratique & aux
épreuves à conduire, à corriger * à perfe&ionner
enfin les effets du gratoir.
De Vintention des trois planches.
La première planche qu’on ébauche eft celle qui
doit tirer en bleu, la fécondé en jaune, & la troi-
fième en rouge. Il faut avoir grande attention de
ne pas trop approcher du trait qui arrête les contours,
& de réferver toujours de la place pour fe
redreffer, quand on s’appercevra, par les épreuves
, que les planches ne s’accordent pas parfaitement.
On dirigera la gravure de façon que le blanc
du papier, comme il a été dit, rende les luifahs
du tableau ; la planche bleue rendra les tournans
& les fuyans ; la planche jaune donnera les couleurs
tendres & les reflets : enfin, la planche rouge
animera le tableau & fortifiera les bruns jufques
au noir.
Les trois planches concourent, prefque par-tout,
à faire les ombres ; quelquefois deux planches fufii-
fent, quelquefois une feule.
Quand il fe trouve des ombres à rendre extrêmement
fortes, on met en oeuvre les hachures du
burin. Il eft aifé de juger que les effets viennent,
non-feulement de l’union des couleurs; mais encore
du plus ou du moins de profondeur dans les
cavités du cuivre.
Le burin fera donc d’un grand fecours pour forcer
les ombres : & qu’on ne croie pas que fes
hachures croifées dans les ombres faffent dur; nous
avons des tableaux imprimés où, vues d’une cér-
taine diftance, elles rappellent tout le moelleux, du
pinceau.
Les ombres extrêmement fortes obligent de ca-
ver le cuivre plus profondément que ne font les
hachures ordinaires de la taille-douce : on fe fert
alors du cifeau pour avoir plus de facilité à
cr eufer. t
Nous ne parierons point ici du burin, qui appartient
proprement à la gravure en taille-douce.
Nous obferverons feulement qu’il eft très-avantageux
de l’employer dans certains cas. Les veines,
les. artères dans l ’anatomie , les fibres dans la botanique,
les moulures dans l’architefture ; en un
mot, tous les traits décidés feront l’ouvrage du
burin.
Pour établir Venfemble.
Dès qu’on a gravé à peu près la planche bleue,
on en tire quelques épreuves, & l’on fait les cor-
reéfions au pinceau. Pour cela, mettez un peu de
blanc à détrempe fur les parties de l’épreuve qui
paroiffent trop colorées, & un peu de bleu à détrempe
fur les parties qui paroiffent trop claires.
Puis , en confultant cette épreuve corrigée ,
vous pafferez encore le gratoir fur les parties du
cuivre trop fortes, par conféquent trop grainées ;
& vous grainerez, avec le petit berceau , les parties
qui paroitront trop claires ,. par conféquent
trop gratées;.mais avec un peu d’attention, on
évite le cas d’être obligé de regrainer.
Cette première planche bleue, approchant de
fa perfe&ion, vous fournira des épreuves qui fer-
viront.à conduire la planche jaune : voici comment.
Examinez les draperies ou autres parties qui
doivent refter en bleu pur : couvrez ces parties,
fur votre épreuve bleue, avec de la craie blanche ;
& ratifiez la féconde planche de façon qu’elle ne
rende , en jaune, que ce que la craie laiffe voir
en bleu.
Mais ce. que. rend la planche bleue n’apporte
pas tout cè que demande la planche jaune ; c’eft
pourquoi vous ajouterez à détrempe , .fur cette
épreuve bleue tout le jaune de l’original, jaune
pur, jaune paille., ou autre plus ou moins foncé.
Si la planche bleue ne fournit rien fur le papier
dans une partie où eft placé, par exemple ,
le noeud jaune d’une mante , vous peindrez cè
noeud à détrempe jaune fur votre épreuve bleue,
afin qu’en travaillant la fécondé planche d’après
l ’épreuve de la première, vous, lui fafiiez porter
en jaune , tout ce que cette épreuve montrera de
jaune &. de bleu.
On travaille, avec les mêmes précautions, la
troifième en rouge d’après la fécondé en jaune ;
& pour juger des effets de chaque planche, on
en tire des épreuves en particulier, qui font des
camayeux, mais tous imparfaits, parce qu’il leur
manque, des parties qui ne peuvent fe retrouver,
pour l’enfemble , qu’en unifiant à l’impreffion les
trois couleurs fur la même feuille de papier.
On ju géra, quand.elles feront réunies,. des teintes,
demi-teintes, de toutes les parties enfin trop
claires o.u trop chargées de couleurs; $n paffera,
comme on l’a déjà fa it, le. berceau fur les unes
& le gratoir fur les autres.
C ’en ainfi que furent conduits les premiers ouvrages
de ce genre , qu’on vit paroître , il y a
3° à 48 ans, en Angleterre. On devroit s’en tenir
à cette façon d’opérer ; l’inventeur cependant
en a enfeigné une plus expéditive , dont il s’eft
fervi à Londres & à Paris ; mais il ne s’en fervoit
que malgré lui, parce qu’elle eft moins triomphante
pour le fyftême des trois couleurs primitives.
Manière plus prompte d'opérer.
Quatre planches font néceffaires pour opérer
plus promptement. On charge d’abord la première
de tout le noir du tableau ; & pour rompre l’uniformité
qui tiendroit trop de la manière noire ,
on ménage, dans les autres planches, de la grainure
qui puiffe glacer fur ce noir. On aura attention
de tenir les demi-teintes de cette première
planche un peu foibles, pour que fon épreuve
reçoive la couleur des autres planches fans les
falir.
Le papier étant donc chargé de noir , la fécondé
planche qui imprimera en bleu, puifqu’on ne la
rorçoit que pour aider à faire les ombres , doit
être beaucoup moins forte de grainure qu’elle ne
l’étoit en travaillant fur les premiers principes. De
même la planche jaune & la planche rouge , qui
fervoient aufli à forcer les ombres, ne feront prefque
plus chargées que des parties qui doivent
imprimer en jaune & en rouge ; & de quelques
autres parties encore qui glaceront pour fondre les
couleurs, ou qui réunies en produiront d’autres ,
ainfi que le bleu & le jauhe produiront enfemble
le vert; le rouge & le bleu produiront le pourpre,
&c.
Le cuivre deftiné pour la planche noire , fera
grainé fur toute la fuperficie ; mais en traçant fur
les autres, on pourra réferver de grandes places
qui refteront polies. Ainfi , en s’évitant la peine
de les grainer, on s’évitera encore celle qu’on eft
obligé de prendre pour ratifier & polir les places
qui ne doivent rien fournir à l’imprelfion.
Quand on eft une fois parvenu à fe faire un
modèle, on eft bien avancé. Que j’aie, par exem^-
p ie , un portrait à graver ; il s’y trou v e , je fup-
pofe, cent teintes différentes ; î’eftampe en couleur
d’un faint Pierre que j’aurai confervée, avec
les cuivres qui Font. imprimée , va décider une
partie de mes teintes ; & voici comment.
Je veux colorer l’écharpe du portrait ; cette
écharpe me paroît , par la confrontation de la
même teinte que la ceinture de mon faint Pierre
anciennement imprimée, j’examine les cuivres,du
faint Pierre, je reconnois qu’il y a tant de jaune,
tant de rouge , dans leur grainure ; alors, pour
rendre l’écharpe du portrait, je réferve en jaune
& en rouge autant de grainure que mes anciens
cuivres en ont pour la ceinture du faint Pierre.
Des cas particuliers qui peuvent exiger une cinquième
planche.
Il fe rencontre, dans, quelques tableaux, des