
eft obligé de le fécher dans des fours ou en l’expo- I
fant au foleil.
Le premier qui fe foit avifé de bien fécher le
grain pour le conferver , eft peut être un négociant
Ànglois, nommé Horfe Hæing Husbandry, dont
parle Tull dans fon Traité de la nouvelle culture.
Cet homme avoit foin de ne faire aucune emplette
de grain que lorfqu’il étoit à bas prix , & il le gar-
doit jufqu’à ce qu’il pût le vendre plus chèrement.
Il comprit bientôt qu’il ne pouvoit rien faire de
mieux pour la confervation de fon grain, que de
le fécher. Il fit ufage pour cela d’un four tout fem-
blable à celui dont on fe fert pour fécher le malt,
autrement l’orge qui eft préparé pour faire la bière.
Il ne l’échauffoit jamais au-delà du degré de chaleur
que le foleil peut donner dans les plus beaux
jours d’été ; jamais il n’y laifloit fon froment plus
de douze heures, & jamais moins de quatre. Pour
choifir entre ces extrêmes fans aucune règle fixe,
il fe conduifoit par les lumières que la réflexion,
jointe à une longue expérience, lui avoit fournies.
En 172,6, cet homme avoit raffemblé dans fes
greniers cinq mille quarters ( le quarter contient
huit boiffeaux ) de blé ainfi préparé, qu’il pouvoit
vendre douze fchelings le boiflfeau, pendant qu’il
n’en avoit payé que trois fchelings.
Par cette préparation , fon blé acquéroit une
qualité fort fupérieure au blé ordinaire , qui le
faifoit préférer à tout autre par les boulangers de
Londres. Il prétendoit aufli que la même opération
délivroit fon blé pour toujours des calandres ou
charanfons, & il affuroit d’avoir éprouvé que ce
froment pouvoit germer & produire même la fep-
iième année après avoir fubi l’opération dont on
vient de parler.
Cet effai, qui réuflit fi bien , n’étoit pas une in*
vention nouvelle.; c’étoit Amplement appliquer un
moyen tout trouvé à un ufage nouveau ; mais il
eft fujet à quelques embarras. De favans hommes ,
plus phyficiens , & capables d’approfondir avec
fuccès toutes les fciences , n’ont pas jugé au deffous
d’eux d’étudier avec le plus grand foin tout ce qui
avoit rapport à l’économie rurale, & de faire part
au public de leurs découvertes.
Ils font partis du même principe que cet Anglois,
que le froment renferme confidérablement d’humidité
quand on le porte du champ dans la grange ;
que cette humidité, jointe à la chaleur, quand on
l ’entaffe plus épais qu’il ne faut, y excite certaine
fermentation, fuivie d’une corruption plus ou moins
prompte.
M. Duhamel, de l’académie royale des fciences
de Paris, fit beaucoup d’expériences qui juftifièrent
ce s principes. Il renferma de beau froment nouveau
dans des bouteilles de verre bien bouchées ; l’humidité
qui s’en échappait, parut bientôt aux parois
intérieures des bouteilles, & le grain qu’elles ren-
fermoient fe moifit.
Il pefa en 1745 certaine quantité de froment de
la récolte précédente, & après l’avoir expofé pendant
douze heures à la chaleur d’une étuve dans.
laquelie% fit monter la liqueur du thermomètre de
M. de Réaumur à 50 degrés au deffus de zéro, il y
per.dit un huitième de fon poids, preuve qu’il s’en
évapora quantité d’eau.
On a aufli éprouvé que 120 gerbes battues immédiatement
après la moiflon pour femer , donnèrent
128 mefures ; & que le refte des gerbes qui
fut battu pendant le ‘ cours de l’hiver , ne rendit
qu’une mefure par gerbe ; preuve que le grain,
s’étoit refferré & tout d’un temps dépouillé d’une
partie de cette humidité mal-failante, qui , faifant
fermenter le grain, en occafionne la corruption.
De ces expériences , il fut aifé de conclure que
le moyen le plus sûr pour la confervation du blé,
étoit de le fécher en l’expofant à une chaleur me-
furée, dont l’épreuve découvrit le degré.
On l’a trouvé en effet par des moyens ingénieux.
On a imaginé des fourneaux de conftruélion nouvelle
, des cribles plus propres à en écarter la
pouflière & les autres impuretés que ceux qui
étoient en ufage, des foufflets pour introduire avec
force de l’air frais dans les plus grands tas de grain
& des greniers capables d’en contenir une plus
grande quantité que d’autres, fans comparaifoa
, plus vaftes ; & à l’aide de tous ces moyens réunis,
en préfervant le grain de corruption, de le garantir
aufli du ravage des infeâes, & de la voracité de
ces petits animaux qui dévaftent fi fouvent les
grands greniers.
On prend le froment au fortir de la grange, après
qu’on l’a battu & vanné. On ne le loge pas dans
les greniers avant que d’avoir fubi ces opérations ,
qu’on ne fait point par-tout de la même manière.
En plufieurs endroits , on jette au vent le grain
battu , avec des pelles faites exptès pour cet ufage ;
ailleurs, on emploie le van feul ; d’autres font mc-
céder le van aux pelles, pour achever ce que celles-ci
ont commencé. On ne manie point non plus partout
le van de la même manière. Mais quoi qu’il
en fo it , le van ne nettoiera jamais le blé parfaitement,
& dans un degré fuffifant pour pouvoir
être conferyé avec avantage fi on ne fait rien de
plus. La. pouflière qui y refte attachée, attire &
entretient l’humidité ; elle la communiqueroit au
grain, & nuiroit à la beauté & à la qualité du pain
qu’on en feroit.
Par cette raifon, la nouvelle méthode recommande
l’ufage des cribles , qui enlèvent du moins
en partie la pouflière mêlée parmi le grain ; outre
que cette opération même, en l’aérant, contribue
quelque peu à le defféclïèr.
Il eft plufieurs fortes de cribles ; il en eft qui ont
la forme de plans inclinés , compofés de fils de fer
rangés parallèlement. Ce-font les plus communs;
ils expédient plus que tout autre ; & fuivant que
les fils de fer font plus ou moins éloignés les uns
des autres ; ils diminuent aufli plus ou moins la
quantité de grains qu’on y fait paffer.
Ce déchet dégoûte quantité de gens d’une prêt
caution fi néceffaire ; & il faut avouer que fi le
crible peut aider à rendre le froment plus pur, ce
qu’il ajoute au prix ne dédommage pas de la quantité
qu’il fait perdre.
Cette première opération ne fuflit pas toujours,
quelquefois la pouflière eft Amplement mêlée avec
le grain ; d’autres fois elle y eft comme collée ; c’eft
le cas du blé carié ; la pouflière qu’on y v o it, s’attache
à une efpèce de foie ou de poils très-déliés
que les grains ont à un de leurs bouts. Le crible
ordinaire y opère peu ; le blé pâroît noirci avant
que d’y être jeté. Il en reffort à peu près dans le
même état.
Mais il en eft une autre efpèce aufli de fil de fè r ,
qui a la forme de cylindre ou de cône tronqué, tra-
verfè par un axe folide, auquel eft attachée une
manivelle tournée par un bras robufte. La grande
agitation qu’on donne au froment qui y eft renfermé
, & qu’on y fait entrer par une trémie dont
on peut élargir ou rétrécir l’iffue a difcrétion, le
choc des grains qui fe heurtent les uns les autres
& frappent avec violencq^les fils de fer qui les
contiennent , le mouvement qu’excite dans l’air
celui de la machine , tout cela en détache la pouf-
fière en grande partie, & le froment en fort toujours
avec un plus bel oeil.
En réitérant l’opération, on en remarquera toujours
le bon effet. Il faut quelquefois en venir à le
laver, tant cette pouflière eft tenace.
On emploie encore une troifième forte de crible
qui renferme une efpèce de moulin à vent ; il eft
formé par des mailles de fil de laiton , & placé
horizontalement ou à peu près ; le blé y tombe par
une trémie : du premier crible , le blé tombe fur
un fécond, dont les mailles font plus ferréès ; fous
les cribles eft une roue avec des ailes fort larges,
qu’on fait tourner à l’aide d’une manivelle ; les
fecouffes qu’elle donne à tout le corps de la machine
, favorifent le paffage du fromentpar le crible,
& le mouvement des ailes forme un courant d?air
affez fort pour chaffer au loin la balle, les brins de
: paille , & en général tout corps moins pefant que
le bled : ce. font-là tout autant de meubles nécef-
faires à un grenier confidérable.
Toutes ces différentes manoeuvres diminuent,
confidérablement rhumidité, fi fatale au grain que
Fon cherche à conferver , & pourraient peut-être
fuffire dans les années où le blé a été parfaitement
récolté ; dans d’autres temps,. elles ne fuffiroient
pas, elles.ne feroient que diminuer le mal ou reculer,
un peu l’altération qu’un excès d’humidité produira
* toujours dans le grain.
On a trouvé que pour le mettre en pleine sûreté,,
ïï falloit joindre à tous ces moyens le'fecours de
l’étuve ; machine inventée en Italie par M. Intieri-,
& améliorée en France par. l’illuftre M. Duhamel...
On a compris.en Italie, malgré la chaleur & la.
féchereffe du climat , qu’il feroit avantageux de
deflecher le froment par un degré de chaleur qui
pût en bannir'rhumidité, mais fans gâterie grain.
Ces étuves font de petits bâtimens faits de maçonnerie
, furmontés d’une voûte ou de menuiferie;
clos très-exa&ement par-tout, à la réferve de quelques
ouvertures ménagées pour certains ufages $
mais qu’on peut fermer quand on veut.
On peut les échauffer parle moyen d’un poêle,-
comme le pratique M. Duhamel, & l’on peut y
brûler du bois. M. Intieri échauffé la fienne avec
un vafe de tôle qu’il remplit de charbon ou de
braife de boulanger, bien allumée. On peut , en
continuant le feu , entretenir cette chaleur aufli:
long-temps qu’on le veut, l’augmenter ou le diminuer
, fi on le trouve à propos , & en mefurer
exactement le degré par le fecours d’un thermo-
mètre..
L’inventeur de cette ingénieufe machine , comprit
d’abord que pour donner au grain une chaleur
uniforme & pour le deflecher plus promptement,,
il falloit qu’il eût le plus de furface qu’il feroit:
poflible ; & que s’il étoit en tas fort profond , foiï-
épaiffeur empêcheroït la chaleur de pénétrer partout
, qu’une partie fe rôtiroit, pendant que l’intérieur
du tas- conferveroit tonte fon humidité.
Pour obvier à cet inconvénient, M. Intieri place.“
fon froment fur des tablettes , qui en contiennent-
trois à quatre, pouces d’épaiffeur ; & M. Duhamel/:
loge le fien dans des tuyaux placés verticalement».
Qn peut les faire de fil de fe r , mais ils coûtent'
affez cher ; ou d?ofiers, qui foient affez ferrés pour'-
ne pas làiffer fortir le grain.. Ces tuyaux- font placés-
à une certaine diftance les uns des autres * afin que'
l’air échauffe par le feu du poêle , puiffe paffer;
librement : la même précaution a été obférvéè dans-
l’étuve de M. Intieri. Ces paffages ménagés à l’air,»
occupent une partie de l’efpace renfermé entre less
parois du petit bâtiment, &. en dérobent autant au:
blé qu’on y renferme ; mais il en refte affez pour'
loger dans celle de M. Intieri, 228'piedS de fro-
ment.Celle de M. Duhamel, fans être plus grande,,
peut en contenir 372 ; & c’eft - là fans doute un-
grand avantage. Il auroit été incommode d’être
obligé d’entrer dans le corps dé l’étuve pour intro—
duire le blé dans les tuyaux ou pour l’arranger fur
des tablettes ; mais les inventeurs de la machiné ont
fu en arranger l ’intérieur, de façon qu’en verfant
le blé dans une trémie par l e haut du bâtiment,,
il va de lui-même fe loger fuccèffivement dans les-
tuyaux ou fur le tablettes qu’il doit occuper.
Pour l’en retirer ,. lorfqu’il eft fuffifamment fé e ,
on ouvre une porte à couliffe , par laquelle le blé-
s’écoule de lui-même , & tombe par fa.propre pe*
fanteur dans des facs préparés pour les recevoir.
On voit bien que cette machine doit deflecher
le blé qu’on y renferme ; & comme on peut l’échauffer
plus ou. moins , quelle que puiffe être*
l’humidité du froment qu’on y veut rentérrner, on
viendra à bout de la diffiper , en donnant à l’étuve'
un degré de chaleur fuffilant. Mais fi l’on peut, parle
fecours d’un thermomètre, favoir jufqu’à quel-
point, on échauffe l’étuye il. faut y entretenir la