
io4 ? TJ M
Ç ’eft donc cette efpèçe de vide qui fe fait dans
une chambre, de quelque manière que ce foit, qui
eft une des principales caufes de la fumée, à laquelle
on ne penfe point affez à remédier, quoiqu’elle foit
univerfelie. Delà vient qu’il fume toujours dans les
petites chambres, aufli bien que dans les autres qui
font voûtées ou plafonnées, & dont les interftices
des portes Sf. des fenêtres font exactement bouchées
; ce qui fait qu’il n’y a pas fuffifamment 'c^air
dans la chambre pour pouffer la fumée , & lui faire
prendre fa direction ordinaire.
Il eft impoflible de remédier à cet inconvénient,
fi on ne trouve le moyen de tirer de l’air d’autre
p a r t, pour augmenter le volume de celui de la
chambre, & le mettre en équilibre avec l’air extérieur
; car il ne fuffit pas que l’air collatéral puiffe
forcer la fumée à monter', il faut encore qu’il foit
prépondérant aux colonnes d’air qui font dans le
tuyau de la cheminée ; lefquelles , eu égard à leur
direction perpendiculaire de haut en bas, ont toujours
plus de poids que d’autres qui leur feroient
égales , mais qui n’auroient pas la même direction.
C’eft ce qui paroît particulièrement lorfqu’on
allume du feu dans une cheminée où il n’y en a pas
eu depuis quelque temps. Il faut néceffairement
qu’elle fume, jufqu’à ce que la chaleur du feu ait
vaincu la réfiftance de l’air froid qui occupoit toute
la capacité du tuyau de la cheminée. Pour lors , en
le raréfiant, elle fraye , pour ainfi dire , une voie
à la fumée, & lui facilite le moyen de s’échapper,
en diflipant l’obftacle qui l’empêcHoit de monter.
On fera encore plus convaincu de la grande-
quantité d’air qu’il faut pour repouffer la fumée
lorfqu’on faura que la flamme , non-feulement en
abforbe beaucoup, mais qu’elle s’en nourrit.
On remarque en effet que lorfqu’on allume un
fagot, la cheminée ne fume jamais tant que dans
le moment qu’il s’enflamme. Pourquoi cela ? fi ce
n’eft parce que la flamme attirant à fon tour l’air
de fon atmofphére pour s’entretenir , il faut pour
ne pas laiffer de vide , que l’air voifin qui eft dans
le tuyau de la cheminée , vienne promptement en
occuper la place ; or , l’air de la cheminée étant
ainfi attiré de haut en bas, il entraîne aufii avec lui
toute la fumée qui commençoit à monter, & qui
fe fait auflitôt fentir qu’appercevoir.
Mais ce n’eft pas feulement la flamme qui a hefoin
de beaucoup d’air pour s’entretenir ; le feu, en général
l’attire fortement de toute part, foit de l’antichambre
, foit de dehors ; aufli lorfqu’on préfente
la main devant les interftices, foit de la porte , foit
des fenêtres de la chambre où l’on fait du fe u , on
fent que l’air extérieur s’y infinue plus fortement
que s’il n’y avoit pas de feu , parce que l’air de la
chambre étant non-feulement raréfié par la chaleur
du feu, mais encore attiré, par le feu même , l’air
extérieur qui eft .plus condenfé, s’y coule d’autant
plus facilement, qu’il y trouve moins d’obftacle &
plus de place pour étendre fes refforts. Or , fi le*
feu attire fi* fortement l ’air extérieur, à plus forte
F U M
raifon attirera-t-il celui de la chambre,comme étant
le plus voifin.
Tout cela prouve fuffifamment la nécefiité de
l’air pour l’entretien du fe u , & encore plus pour
vaincre l’aétion de ’celui qui defcend par la-cheminée
, de crainte qu’il ne foit un obftacle à l’illue
de la fumée.
Des cheminées mal Jîtuées.
La fituation d’une cheminée peut être défavan-
tageufe, à raifon de la mauvaife difpofition du
tuyau.
£p premier lieu, quand la plus haute partie du
tuyau eft dominée par le toit ou par quelque bâtiment
fupérieur, comme une tour, une églife, &c. pour lors
la cheminée eft fujette à fumer même dans un temps
calme & ferein : i°. parce que l’efpace entre cette
partie du tuyau & les corps dominans étant plus
étroit & plus ferré, l’air y coule avec plus de rapidité
& plus de force, comme l’eau d’une rivière
entre les piles d’un pont ; il oppofe par conféquent
une plus grande réfiftance à la fortie de la fumée.
a0. Si le vent vient à fouffler contre ces hauteurs*
qui commandent la cheminée , l’inconvénient en
eft plus grand ; parce que, trouvant des obftacles
qui l’arrêtent, il fe réfléchit néceffairement vers la
cheminée , faifant un angle de réflexion proportionné
à celui d’incidence ; il y entre même par la
force de fon reffort, & repouffe la fumée dans la
chambre ; plus la cheminée fera donc dominée ,
plus elle fera fujette à fumer; & cela , en raifon du
plus grand volume d’air qui fera réfléchi, & qui
s’enfournera avec plus de violence dans la cheminée.
C ’eft pour prévenir cet inconvénient qu’il
faut élever les tuyaux de cheminées beaucoup plus
que les toits.
30. Si les vents font violens, ou fi c’eft un vent
de nord qui fouffle, le reflux de la fumée doit fe
faire encore plus fentir, parce qu’ayant fa direction
de haut en bas , l’angle de réflexion, d’aigu qu’il
étoit, devient obtus, & tend davantage à la ligne
perpendiculaire ; par conféquent le vent, eu égard
à fa direélion, a plus de force pour repouffer la
fumée dans le tuyau de la cheminée ; elle doit donc
fumer davantage.
4°. Si la cheminée fe trouve proche de ce qui
la commande, & que le vent foit violent, il peut
aufli la faire fumer , quoiqu’il ait fon origine du
côté qu’elle eft commandée ; parce que l’oppofition
qu’il trouve augmentant le reffort de l’air qui no
peut en cet endroit s’étendre qu’en haut., lorfqu’il
a paffé par deffus cette hauteur qui lui faifoit obftacle
, il s’étend auflitôt en bas, & fait refouler
ainfi la fumée dans le tuyau de la cheminée où il
trouve très-peu de réfiftance.
En fécond lieu , la partie inférieure du tuyau ou
l’ouverture de la cheminée qui communique dans
la chambre, peut la rendre fumeufe, à raifon d’une
porte ou d’une fenêtre mal placée, ou dont la cheminée
forpjt trpp près. Aufli Alberti , dans fon
livre
F U M
livre de l’Architecture, confeille-t-il de faire enforte
que le foyer ne foit pas expofé au vent des portes
ni des fenêtres.
En effet, quand la porte ou une fenêtre fe trouve
proche ou vis-à-vis d’une cheminée, l’air eft principalement
attiré de ce côté-là , fur-tout fi' ce côté
eft oppofé à celui d’où vient le v ent; par conféquent
la fumée n’étant plus greffée par l’air collatéral
, & trouvant moins de refiftance du côté de
la chambre, à caufe de l’efpèce de vide qu’y laiffe
l’air qui eft forti par la porte ou par la fenêtre,
elle doit s’y répandre, au lieu de monter par le
tuyau de la cheminée.
Il n’en eft'pas de même , à beaucoup près , fi la
cheminée n’eft point expofée au vent des portes ou
des fenêtres , ou du moins fi l’on a foin de fermer
exa&ement les unes §£ les autres , parce qu’alors
les colonnes de l’air collatéral n’étant peint ébranlées
, ni attirées par les tourbillons de v en t, elles
ont toute leur force pour preffer la fumée, & la
contraindre de monter avec le fecours de la chaleur
du feu.
Des cheminées d’une conjlruélion défeElueufe.
Une partie effentielle de la conftruâion d’une
bonne cheminée, confifte à donner au foyer une
profondeur convenable , qui doit être d’environ
vingt-quatre pouces.
La meilleure conftruéfion des cheminées, quant à la
matière, eft de faire ufage de la brique pofée de plat;
bien jointoyée de plâtre & garnie de fentons; à moins
qu’on ne puiffe les conftruire de pierre de taille,
ainfi qu’on le pratique dans les maifons royales ,
dans les édifices publics, &c. en obfervant néanmoins
de ne jaifiais les dévoyer dans les murs mitoyens.
•
Les défauts qui fe trouvent dans la conftruâion
d’une cheminée , ne contribuent pas peu à la faire
fumer. Cet inconvénient arrive principalement lorf-
que la fumée rencontre dans le tuyau des obftacles
qui l’empêchent de fuivre fon cours ordinaire. Ces
obftacles confiftent en ce que l’intérieur du conduit
n’étant point u n i, il y a des inégalités qui arrêtent
ou qui retardent la fumée dans fon afcenfion.
On éprouve le même inconvénient quand il fe
rencontre dans la cheminée des pierres qui fortent
plus les unes que les autres ; ce qui eft occafionné
quelquéfois par la liaifon d’une maifonà l’autre,
ou par quelque mur de refend ; mais plus communément
encore lorfque plufieurs cheminées abou-
tiffent à un même tuyau.
Dans ce dernier cas, il eft prefque impoflible que
quelqu’une des cheminées ne fume , principalement
celles où l’on ne fait pas de feu a&uellement.
Cela ne doit pas paroître furprenant ; car fi la fumée
qui eft parvenue au haut de la cheminée ,
vient à être repouffée par lè v en t, elle1 rentrera plus
facilement dans les autres tuyaux, parce qu’elle
les trouve libres , & qu’elle n’y rencontre^aucune
réfiftance.
Arts & Métiers. Tt>me III. Partie I%
F U M 105
Un autre défaut dans la conftruftion des cheminées
, fuffifant pour renvoyer la fumée dans la
chambre, c’eft lorfque le contre-coeur de la cheminée
n’eft point affez enfoncé. Alors l'agitation
de l’air de la chambre , ou plutôt de l’air extérieur
qui s’infinue par les interftices des portes ou
des fenêtres les plus voifines de la cheminée, a
trop de prifo fur celui qui eft contenu dans l’at-
mofphère du feu ; il l’attire, n’étant plus renfermé ,
ni, pour ainfi dire, défendu parles pieds-droits
de la cheminée, qui n’ont pas leur largeur convenable;
& par-là , lui ôte la force de preffer la
fumée, & de la pouffer enviant ; d’où il s’enfuit que
la colonne d’air qui defcend de la cheminée, devient
prépondérante à l’air de la chambre, & y
renvoie pfefque toute la fumée.
De la pluie & de la neige.
Pour être bien perfuadé que la pluie peut faire
refouler la fumée, il ne faut que remonter aux prin?
cipes de la fermentation. La pluie eft'produite ,
lorfqu’une nuée venant à fe fendre par la chaleur
du foleil ou de la terre, ou par quelque autre caufe,
elle fe réfout & tombe en petites gouttes. Or ces
gouttes réunies dans leur chute font autant de petits
volumes q u i, en fe précipitant dans. le tuyau
de la cheminée, en occupent un efpace confidé-,
rable, &par leur pefanteur compriment tellement
l’air, qu’ils entraînent avec eux la fumée, dont le
reflux le fait bientôt fentir dans la chambre.
Suppofé même que la compreflion de l’air ne contribuât
point au reflux delà fumée, la pluie feule fe-
roit capable de produire cet effet, parce que l’agitation
qu’elle caufe dans l’air lorlqu’elle tombe,
produit un vent qui fe fait affez fentir lorfqu’il
commence à pleuvoir , lequel eft d’autant plus violent,
que la pluie tombe de plus haut ; à plus forte
raifon lorfque la compreflion eft jointe à l’agitation
, le vent qui en réfulte doit être plus puif-
fant ; & s’il étoit bien ménagé, il égaleroit celui
des plus grands foufflets. Ainfi la pluie eft capable,
par le poids de fa chute, de produire un
vent fuffifant pour faire defeendre la fumée juf-
que dans la chambre.
On peut attribuer le même effet à la chute de
la neige, fur-tout lorfqu’elle tombe en grande quantité
: à la vérité ce n’eft pas tant à caufe de fa
pefanteur , que parce qu’elle condenfe l’air extérieur,
& même l’air intérieur delà cheminée, par
fa grande froideur. Ce qui fait que la fumée ne
pouvant vaincre l’air que fort difficilement pour fe
faire un paffage, elle rie fort que très-lentement,
de forte qu’il s’en exhale néceffairement beaucoup
dans la chambre.
Des rayons du foleil.
Si la chaleur du feu contribue à faire monter la
fumée, on peut dire que la vibration des rayons
du foleil fait un effet tout contraire fur les cheminées.
Ces rayons ayant une direâion oppofée à
O