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fur une pierre de fciage, & on lui fait éprouver une
nouvelle efpèce de frottement.
Le banc du poliffeur n’eft qu’une pierre de fciage
bien dreffée, établie fur des tréteaux folides. On
peut voir la forme de ce banc , pl. X L Î l , foit
dans la figure / , foit dans la vignette , qui préfente
les ouvriers en aâion. La hauteur du banc eft telle,
qu’un ouvrier de taille commune travaille avec
facilité.
Le poliffeur a befoin d’employer, fur la furface
de la glace , une fubflance qui emporte la piqûre
de l’émeri, & dont les parties foient trop fines ,
pour imprimer elles-mêmes une piqûre que les yestx
puiflent diftinguer. Avec ces conditions, les rayons
de lumière , tombant fur une furface très - unie ,
feront tranfmis fans obftacle , & ceux qui feront
-répercutés, le feront d’une manière uniforme , ce
qui eonftiîue l’éclat du poli. Le réfidu de la diftil-
lation de l’acide vitriolique fournit cette, fubftanee ;
j&. lorfque par une préparation il a été approprié à
l ’ufage de l’ar t, il prend le nom de potée.
On place, dans un vafe , une certaine quantité ,
environ de 80 à ioo livres de cette matière brute,
que nous appellerons déformais marc ^ pour nous
exprimer en un l'eul mot : on remplit le vafe d’une
eau très-propre. Après un féjour d’environ vingf-
quatre heures, pendant lequel le marc a le temps
de s’imbiber, o a le brade fortement avec une pelle
de bois, jufqu’à ce que l’on ne fente plus de matière
au fond du vafe. Alors on prend , avec un petit
feau de bois, l’eau qui tient le marc fufpendu , &
-on la verfe dans un fécond vaiffeau , la faifant palier
au travers de deux tamis, l’un de crin , l’autre de
foie , qui entrent l’un dans l’autre. Les parties les
plus groifières refient fur le premier , le fécond
retient encore les grains qui ont échappé au tamis
de crin, & il ne pâlie dans le tonneau que l’eau
troublée par les parties les plus fines. On fent que,
dans ce procédé, le tamis de crin n’eft placé que
pour ménager celui de foie ; car il eft évident que
ce dernier fuffiroit pour retenir les parties plus grof-
fières, comme il retient les moyennes. On laide
dépofer l’eau dans le fécond vafe pendant environ
huit heures ; & comme elle tient encore quelques
parties fufpendues, on la reverfe dans le premier
vafe où le marc eft dépofé.
On retire le dépôt du fécond vaiffeau , & à fa
quantité, qui, comme on l’a vu , provient d’environ
90 livres de marc , on ajoute une diffolution
d’une livre de fel marin, & de quatre onces de
vitriol verd; l’addition de ces deux fubftances fa-
lines, donne , difent les ouvriers, plus de mordant
à la potée : elles ont peut-être quelque aélion fur
J’émeril très-divifé qui couvre la furface de la glace.
On place la potée ainfi compofée dans une chaudière
de fer de fonte, & , à l’aide du feu, on fait
évaporer l’eau fuperflue , jufqu’à ce que là potée
réduite en une efpèce 4e pâte, puiffe être façonnée
,en pelottes, ou en bâtons , du poids de quatre ou
de huit onces. Pendant l’ébullition, on remue tou-
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jours le mélange, pour empêcher qu’il ne s’épanche
par deffus les bords de la chaudière, ou qu’il rie
s’attache à fon fond.
Le poliffeur fcelle fa glace comme le douciffeur;
mais avant d’y procéder, il vifite la furface qu’il
veut travailler. Si le premier apprêt a laiffé une
piqûre d’émeril inégale , c’eft-à-dire, que la glace
foit moins bien doucie en certains endroits , fi
quelque corps dur ou anguleux a déchiré quelque
partie de la furface , il marque ces différens défauts,
en rougiffant, au deffous d’eu x , l’autre furface qiii
doit poler fur le plâtre. Par ce moyen , il a toujours
une indication sure pour retrouver les défauts qui
exigent fa plus particulière attention ; & d’ailleurs,
en poliffant, il juge mieux des progrès de fon travail
que fur un fond tout blanc , tel que celui pré-
fenté par le plâtre qui réfléchiroit plus foiblement.
Pour faire, difparoître les défauts du douci, le
poliffeur frotte légèrement fa glace avec de l’émeril
qu’il arrofe d’un peu d’eau. Il étend cet émeril avec
une petite glace de huit pouces fur cinq , dont les
coins font arrondis pour que les angles. 11e déchirent
pas la furface de la levée. Cet outil, très-fimple ;,
eft appelépontil. L’ouvrier le pafle fur la glace, en
appuyant deffus avec les deux mains, plus ou moins
fort , felort que les circonftances l’exigent. Dès
que la première touche d’émeril ne riiord plus , le
poliffeur effuie la levée & le pontil avec une éponge
fine , & il replace une fécondé touche, à laquelle
fuccède une troifième, ainfi de fuite. Lorfqu’il ne
s’applique qu’à certaines parties de la-glace affeélées
de défauts, on appelle cette manceùvre. pajfer des
touches à part, & , dans ce cas, il doit avoir foin
d’étendre fon ouvrage, c’ eft-à-dire, d’occuper une
plus grande étendue ; car , s’il refferroit trop les
mouvemens de fon pontil, il uferoit la glace dans
un efpace trop eirconfcrit, & il la creuferoit. Il doit
aulli, lorfque toutes fes touches à part font pafféeà,
en p'affer de générales fur toute la furface de la
glace, pour égalifer le douci par-tout. Si la piqûre
d’émeri laiffée par le douciffeur eft trop forte pour
efpérer d’obtenirun beau poli, le poliffeur l’adoucira
, en paffant fur toute la glace de l’émeril plus
fin que ceux du premier apprêt, & tel que l’émeril
quatrième.
La partie que nous venons de décrire ,.du travail
du poliffeur, e ft, comme on v o it, deftinée à rectifier
& à perfectionner le travail du douciffeur. Le
pontil, plus petit que le moilon, eft en effet plus
propre à rechercher les défauts qui auroient échappé
au premier apprêt.
Lorfque le poliffeur a achevé de paffer de l’émeril,
il ne doit pas fe difpenfer de le doucir, c’çft-à-dire,
d’en ufer la dernière touche fur toute la furface de
la glaee. Pour cet effet, il s’applique long-temps fur
cette dernière touche, ne jettant de l’eau qu’autant
qu’il le faut pour faire gliffer aifémentle pontil, &
effuyant de temps en temps fon ouvrage avec une
éponge fine. Lorfqu’il veut terminer fon douci, il
çeffe de jetter de l’eau, & il continue à faire *igir
fon pontil, jiifqu a cë que la furface de la glace
commençant à lécher , il fente quelque difficulté à
mouvoir fon outil. Alors il enlève le pontil, laiffe
lécher la glace, examine avec une nouvelle exaéfi-
tude s’il n’a rien négligé, s’il ne refte plus aucun
d é f a u t& il s’apprête à polir.
Le poliffoir eft une planche de fept pouces & demi
de long,, fur quatre & demi de large, & dé neuf
pouces d’épaiffeur, fig- 9 1 pl- XL Il. Au milieu
de fa longueur , le poliffoir eft traverfé par un
manclte , fig. 10, meme planche, qui le déborde de
trois ou quatre pouces de chaque côté, & qui eft
folidement fixé dans une rainure pratiquée dans
l’épaiffeur du poliffoir. L’on forme , au milieu du
manche , une cavité deftinée à recevoir la flèche,
que nous décrirons bientôt. On garnit le deffous du
poliffoir de lifières de drap noir , ou Amplement
d’une étoffe , dans laquelle on a paffé,' très-près les
uns des autres, des fils de laine bien dégraiffée. On
humefte le poliffoir avec une broffe trempée dans
l’eau, fig. 8 , pl. X L I I , & o n le frotte de potée;,
c’eft ce qu’on appelle 1 e graijfer..
Le poliffoir ainfi graine, 011 le pofe fur un coin
de la glace, & , en mivarit un des côtés de celle-ci,
par exemple, une des bandes, on le pouffe aufîi
loin qu’on le peut, fans ceffer de l’appuyer ; on le
ramène à foi , & , par cette continuité de mouvemens
répétés, on polit cette partie de la. glace. La
portion de furface , qu’on polit ainfi à - la - fo is ,
s’appelle tirée : on dirige le mouvement du poliffoir' !
de manière que la tirée, qui, au coin de la glace,. |
n’a de largeur que celle du poliffoir, ait, a fon autre
^extrémité, de quinze à dix-huit pouces de large.
Lorfque le poliffoir eft devenufec par le frottement,
& que la potée eft épuifée , on graiffe de nouveau.;
le poliffoir, & l’on défigne par le nom de féchée,
le temps & l’a&ion d’employer fur la glace chaque
graiiTage. . . ■
Lorlqu’une tirée eft bien polie , on prend à. cote,
c’eft-à-dire, qffà côté de la première tirée , on en
forme, une fécondé , en avançant vers le milieu
4é la glace x à cette fécondé tirée, en fuccède une
troifième , ainfi de fuite , jufqu’à ce qde , fi l’on a
commencé vers la bande de la glace , ori foit parvenu
à la tête, & alors on dit qu’il y a un coin de
la glace poli. Le coin eft donciin quart de cercle,
dont le rayon eft la longueur que le poliffeur a pu
donner à la tirée.
L’égalité du poli étant une des. principales qualités
qu’on recherche , on fait que chaque tirée fe
confonde parfaitement avec celle qui l’a précédée ;.
& , pour y parvenir, on- a foin que la fécondé recouvre
la première de trois ou quatre pouces.
On polit, par le même procédé, tous les coins
de la glace ;. & lorfque fon étendue eft telle , que
les tirées des quatre coins fe font croifées dans fon
milieu, il eft évident que la furface entière eft polie :
cependant on ajoute une précaution pour égalifer
le poli, & mêler de plus-en plus les chemins du
poliffoir. Qn. fait. 4e? tirées é t r o i t e s& qui n’ont
pas, comme celles des coins, la fornie d’éventails,
d’abord en prenant fucceflivement toute la largeur
de la glace, travaillant furies deux têtes parallèlement
aux deux bandes ; enfuite en parcourant
toute la longueur, travaillant fur les deux bandes y
parallèlement aux deux têtes : cette partie du travail
s’appelle recoupage.
C ’eft auffi dans la même vue d’obtenir la parfaite
égalité du poli, qu’en finiffant on mouille toute la'
furface de la glace , d’une légère eau de potée qu’orr
sèche avec le poliffoir.' Cette féchée générale eft
défignée par l’expreffion de féchée d’eau. Il y a bien
des ouvriers qui négligent le recoupage qui fup-
priment la féchée d’eau. Ces moyens font en effet
fuperflus., fi l’on peut s’affurer que la glace eftbien-
& également polie fans y avoir recours , mais-
comme le plus fouvent ils ont un degré d’utilité:
fenfible., j’ai cru devoir les indiqner..
Les ' crans.. ~
Si la glaee eft d’un grand voiume , les tirées des:
coins ne fe font croifées qu’à leurs extrémités , lieu-
de la moindre preffiori du poliffoir, ou même elles:
ne font pas jointes. Dans le premier cas , le milieu-
de la glace fera foiblement poli ; dans le fécond, il-
; ne le fera point du tout. Pour perfe&ionner le poli
commencé, il fuffira de faire des tirées qui prendront
vers le milieu des deux- bandes de la glace
& qu’on dirigera vers les endroits où le poli paroîtra*
le plus défe&ueux on appelle ce nouveau travail,,
faire des crans, travailler en crans..
Pour polir un milieu de glace, auquel les-tirées-
des. coins n’ont pu parvenir , & qui par conféquent-
eft encore tel qu’il eft forti du douci, on eft obligé:
de faire , dans le milieu des deux, bandes de,la glace,,
de nouveaux coins qui puiffènt atteindre les parties;
que le poliffoir n’a pas touchées. L’ouvrier fe place:
au milieu de la. glace ; il commence, fa première,
tirée le long de la bande qu’il a auprès de lui , & i t
/lui donne la forme d’éventailcomme à celles descoins
: à coté de cette première tirée ,. il en fait une.
feconde, ainfi de fuite., iufqu’à ce qu’il foit de.nou-
v.eau parvenu à la même bande. Dans ce cas,je coin-
eft un demi-cercle entier,-dont le centre eft-le milieu,
de la bande, & le rayon , la longueur des tirées. Ou.
opère de même fur la bande oppofée.
Soit qu’on faffe des- crans , foit qu’on faffe dés-
coins en bande , fuivant les circonftances ,/on peut,
toujours terminer par.un reco.upage & par.la.féchée.,
cL’eau..
Qn défcelle la glace, lorfque-fa première furface-
eft.bien polie, & on la retourne, c’eft-à-dire, qu’on-
, la fcelle de nouveau , mettant le côté poli fur le-
, plâtre. Avant ce fécond fcellage, on rougit en entier-.
le côté poli ,. foit pour le défendre de î’imprefüon.
du plâtre humide, foit pour que le poliffeur puiffe-
juger plus. faine ment de fon travail ,.fe trouvant, à.
l’abri de la rêfleâion trop vague d’un fond blanc.,
qui foroit encore glus fenfible que fors du premier.