
née par Venife, a pris fon nom de cette ville..
L’acier artificiel eft fait avec des barres de fer
dans des caiffes de briques où l’on met une couche
de ces barres , & une autre d’ingrédiens alternativement.
On chauffe le tout à un certain degré
connu des faifeurs d’aciers.
Cet art s’eft bëaucoup perfeéïionné en Angleterre
, par les foins du chevalier Crowlay ,. à qui
les faifeurs de refforts de montres, à Londres ,
rendoient compte de ce qui manquoit à fon acier,
tant en flexibilité & en dureté, qu’à l’égard de fa
fragilité : enfin, fans autre principe & en tâtonnant,
M. Crowlay a fu choifir le fer propre à
devenir l’acier le plus parfait de nos jours, &
fùpérieur à tout ce qu’on raconte de l’acier fabuleux
de Damas, qui vraisemblablement n’étoit
autre chofe que celui de Styrie, que les Vénitiens
portaient par toute TAfie & fur les côtes de
la Méditerranée, & avec lequel les Turcs fabrï-
quoient les Sabres de Damas, devenus fi fameux
par les conquêtes rapides de ces Mahométans.
Ce ne fut que 40 ans après M. Crowlay, que
les Anglois trouvèrent le moyen de préparer l’acier.
artificiel en barres à la mode d’Allemagne,
ce qui lui donna une égalité de corps propre à
être employé à toute efpèce d’ouvrage.. C ’eft le
chauffage dans du charbon de terre qui a facilité
les moyens de parvenir à cette perfeâion ,. qui
ne peut s’obtenir de même avec, le charbon de
bois , fans beaucoup plus de peine; d’ailleurs le
charbon de bois efl trop coûteux pour de. pareils
ouvrages.
Ce que je Sais de plus certain fur. le temps où
l’on a commencé à/aire des refforts de montres
avec quelque perfeâioh, c’eft que- vers là fin du
dernier Siècle, un réfugié François faifoit Ses
refforts moins caffans. que les autres ouvriers de
Londres ,. parce qu’il les trempoit dans du Suif.
M. Vernon , le plus habile dè la. ville,. & qui
étoit fon contemporain , apprit cette manière &
l’adopta ; Son élève Sadler, fuivit Ses traces-,
comme je l’ai appris de mon père, qui étoit au fli
élève de Vernon, ainfi q.ue Maberley , qui tous
ont porté les refforts au degré' de perfeéïion où
ils Sont reftés , jufqu’à ce qu’on ait découvert
certains outils plus propres à" donner aux refforts
leur véritable figure. Dans ce même temps on
faifoit beaucoup dè refforts de montres à Genève,
ainfi que quelques-uns de pendules , & ces der*-
niers étaient aufli bons, que les premiers étaient
mal faits.
Paris avoit aufli Ses artiftës en ce genre, mais
tellement inférieurs à ceux de Genève & d’Angleterre
, que les horlogers de Paris, achetaient
ordinairement leurs refforts dès Genevois, &
payoient le triple & le quadruple pour ceux qu’ils
tiroient d’Angleterre^
En 17*4 ou 15 , mon père inftruit de ces faits ,
prit le parti d’a; porter à Paris une certaine quantité
de refforts, dont il Se défit très-ayantageufe-? 1
ment : à peine fut-il arrivé , que MM. Gaudrofiv
Maffon, L e roy, & plufieurs horlogers l’engagèrent
à refter à Paris, & à y faire venir des ouvriers
de Londres, ce qu’il fit.
En 1 7 19 , mon père quitta Paris pour avoir la
conduite d’un nombre confidérable d’Anglois
qui faifoient des ferrures, de la taillanderie, des.
limes j de l’acier , &c. Manufaéhire que fon alteffe
royale le Duc-Régent,. établit près du Havre, &
qui étoit de la plus grande conféquence pour la
quincaillerie de France : mais à la mort du régent,
fon prote&eur, tout fut abandonné ; mais
la France a profité des débris qui ont mis l’horlogerie
fur un aufli bon pied qu’on la voit à
Paris ; deux des ouvriers de mon père s’établirent
Séparément.
Telle eft l’époque de la manufaéhire de refforts
de montres à l’anglbife en France , qui mit fia
à la manière de. travailler à la françoife ; cependant
les refforts de pendules Se fabriquoient toujours
à l’ordinaire avec de mauvais acier, mal
travaillé, mais de bonne forme.
En 17 2 7 , mon père, de retour à Paris, y
établit une manufaéhire de refforts de montres
deux ans après il fit venir des lames d’acier de
Styrie pour faite des refforts de. pendules,, qui ,.
avec la précifion & Tes. principes du travail des
refforts de montres, joint à la qualité de l’acier j,
furent les plus parfaits qu’on ait faits en-Europe;
aufli mon père en eut-il un débit confidérable.
Le grand débouché des refforts, de montres &
de pendules , joint à celui des refforts que j’âvois
imaginés pour retenir les dèfcentes , fit. réfoudre
mon père en 1733 , d’établir dès moulins à. eau
pour lès forger & les polir , & c. & dans la fuite
j’y fis prefque toutes les additions de machines
& d’outils néeeffaires pour accélérer & perfeCà.
donner l’ouvrage..
Voilà en général ce que je fa is du cômmen--
cernent & des progrès de la fabrique des refforts
de montres & dè pendules. Dans la defcription
de. cet art, on verra par quels moyens: on eft
parvenu à donner à l’acier lés. qualités propres à
le rendre une force.motrice;, dont on Se fert pour
diviSer.,avec précifion, . le temps en parties égales..
S e c t i o n T.
L’art dè faire les refforts des montres renferme
tant, de manoeuvres différentes , qu’on n’en peut
rendre un compte fidèle., qu’èn fuivant- l’ordre dè
chaque opération , félon qu’elles fé fûccèdènt les
unes aux autres , ce qui m’oblige à dès répétitions
néeeffaires à la clarté, du füjèt; mais je me
bornerai à celles qui font absolument indifpenfa-
blès pour être intelligible..
I I.
Pour faire dè bons refforts de montres, il”faut
prendre de l’acier d’Angleterre le plus parfàit que
faire Se peut, le forger en verges rondes (p/. 1
rdes 'refforts de montres, tome III des gravures >f ig. i )9 I
de 5 ou 6 pieds de longueur, & d’environ 2 lignes
de diamètre ; on/fait recuire ces verges dans un
feu de bois, parce que ce feu rend l’acier plus
doux que tout autre chauffage. Le charbon de bois
eft moins bon ; mais celui de terre eft le dernier
dont on doive fe fervir, parce que fa qualité ful-
fureufe empêche les métaux d’acquérir toute la
malléabilité dont ils font fufceptibles,
I I I.
Quand on cuit l’acier , n’importe avec quelle
efpèce de chauffage, il faut obferver attentivement
de ne pas trop le chauffer, parce que la
trop grande chaleur le rend caffant ; mais la bonne
& la prompte cuiffon fe fait ainfi : on prend 8
ou 10 verges d’acier fortant de la forge , que l’on
bride avec du fil de fer pour en faire un paquet
{fig. 2 ) ;. enfuite on place dans l’âtre de la cheminée
deux bûches parallèles, diftantes l’une de
l’autre de 2 ou 3 pouces, & garnies d’un peu de
braife dans le fond fur les cendres après quoi •
on couvre les deux bûches avec une autre plus
petite. Quand le feu eft allumé , on met un bout
du paquet de verges bridées entre les deux bûches
, aux trois quarts, de leur longueur ; quand
un bout aura été rougi, & qu’il fera devenu de
la couleur d’une cerife qui n’eft pas trop mûre,
il faut tirer hors du feu la moitié de la partie
rougie, & ainfi làiffer chauffer & rougir la partie
qui a été pouffée dans le fe u , & par degrés le
tout fe trouvera cuit. Si l’on eft obligé de fe
fervir d’acier d’Allemagne pour faire des refforts ,
©n peut lui donner un peu plus de chaleur à. la
cuiffon fans le gâter, mais cela occafionnera. plus
d’écailles, cet acier étant foible de corps.
I V.
L’acier étant refroidi, on le plie avec les mains
en cercle fpiral où irrégulier {fig- 3 )., pour en
faire tomber l’écaille : fi cette opération fe fait
difficilement, l’acier eft plus dur qu’il ne faut ;
_ & fi l’écailîe qui en tombe eft épaiffe, & que le
fond refte tacheté d’un blanc d’étain-, c’eft la ■
marque qu’il a été trop pouffé en chaleur :. fi au
contraire l’écaille tombe mince , & que le fond
de l’acier refte noir , c’eft qu’il aura été rendu aufli
mou que fa nature le permet.
V.
Les verges d’acier étant redreffées, il faut les
frotter de cire jaune pour les faire paffer à la
filière, par le moyen- d’un banc à tirer. {Fig. 4).
A mefure que ces verges paffent par des trous,
elles s’échauffent : il faut profiter de cette chaleur
pour les recirer, afin de les. faire paffer par
lin autre trou plus petit & ainfi, à mefure que
le fil d’acier fort de la filière ,. il devient plus
menu , dur & caffant ; il faut alors le recuire ,
. L’écailler,. le cirer & le retirer au banc, de trou
en trou, jufqu’à ce qu’il devienne du calibre dont
on lç defire.
. Cette opération s’appelle tirer Vacier à la filière :
elle demande quelquefois trois ou quatre cuiffons ,
& quelquefois plus, à raifon de Fépaiffetir de l’acier
forgé, & de la petiteffe dont l’on veut avoir
fon fil. ^
L’expérience a démontré qu’il ne falloit pas
forcer l’acier en le tirant à la filière, & qu’il va-
loit mieux faire l’opération en trois fois fans efforts,
que de la faire en deux fois en le forçant,
parce que l’on rifque de le caffer ; & que d ailleurs
, en le forçant, on fait gratter le trou de
la filière, ce qui rend le fil rude, au lieu qu’il
doit fortir doux & uni.
V L
Le banc à tirer doit être fait avec un volant
à quatre ailes {fig. 4 i Pl- -0* p 1] doit fervir
d’une corde attachée d’un bout à l’anneau de fer,
& de l’autre à l’arbre du volant: fur cet arbre
doit s’envelopper la corde.
Les ouvriers en reffort ne doivent pas fe fervir
de fangles comme les orfèvres pour tirer au ^anc,
parce que la fangle eft trop difpendieufe , &
qu’elle augmente la réfiftance à mefure qu’elle fe
roule fur elle-même.
V I I.
Toutes lès filières pour tirer l’acier doivent
être faites d’acier lrpiné , & en plaques oblongues
depuis 2 jufqu’à 6 lignes d’épaiffeur , & de 6
8 ou 10 pouces de longueur.
V I I I .
Le lopin étant réduit à la figure & à, la dimen-
fion que je viens d’indiquer, il faut tracer la plaque,
& marquer les places où l’on veut faire les
trous ; après quoi on la fait rougir à la forge
pour pouvoir percer aux trois quarts les trous avec
un poinçon camu , { fig. ƒ ),
Cette opération faite, il faut la mettre dans un
feu de bois qu’on laiffe confumer ; ce qui la rend
facile à être poinçonnée à froid avec un poinçon
à peu près de même angle que celui avec lequel
on l’a percé à chaud ; mais comme il doit être
employé à. froid , fa pointe doit être plus cor-r
r.eéle.
En le frappant avec le marteau , on doit tourner
ce poinçon à chaque coup ; par. ce moyen ,
les trous deviennent ronds & aufli juftes qu’on
le d e fire ap rès cela, il faut recuire la plaque de
nouveau, & enfuite percer les trous d’outre cm
outre avec un foret { fig. 6. ) d’un calibre plus-
petit que celui du fil que l’on veut tirer..
I X.
Quand tous les trous font percés , il faut y
pafler l’écariffoir {fig. 7 ) , à quatre ou à plufieurs-
pans,, fuivant que l’on veut aller vite,. & faire;