
vraies clepfydres au fond , devenoient horloges
automates par le moyen des roues.
Dans le x iv e. fiècle, parut à Londres l’horloge de
Walingford , bénédiélin Anglois, mort en 132.5 , &
elle fit beaucoup de bruit dans fon 'pays ; mais bientôt
après , l’on vit à Padoue celle de Jacques de
Dondis, la merveille de fon temps ; il nous fera
facile de faire connoître au le&eur cette merveille,
en transcrivant ici ce qu’en dit un témoin oculaire ,
le fieur de Mézieres, dans fon fonge du vieux pèlerin.
D ’ailleurs, c’eft un morceau affez curieux pour
rhiftoire de l’ancienne horlogerie ; le voici mot pour
mot.
j> Il eflfà Savoir que en Italie, y a aujourd’hùy
» ung homme en philofophie, en médecine & en
» aftronomie , en ion degré Singulier & folempnel,
j> par commune renommée fur tous les autres excel-
3> lent ès deffus trois fciences , de. la cité de Pade.
« Son fournom eft perdu , & eft appellé maiflre
3» Jehan des orioges , lequel demeure à prefent avec
» le comte de Vertus, duquel pour fcience treble
v ( triple ) il a chacun an de gaiges & de bienfaits,
« deux mille flourins, ou environ. Cetuy maifire
jj Jehan des orioges, a fait dans fon tems grands
?j oeuvres 8c folempnclles , ès -trois fciences deffus
jj touchiées, qui par les grands clercs d’Italie, d’Al-
» lemagne & de Hongrie , font autorifées, 8c en
jj grant réputation , entre lefquels oeuvres , il a fait
jj un grant infiniment par aucuns appellé efpere
» ( fphere ) ou orloge du mouvement du c iel, auquel
jj infiniment, font tous les mouvemens des Signes
jj & des planètes , avec leurs cercles & épifticules
jj ( apparemment épicycles) , & différences par
jj multiplication des roes fans nombre, avec toutes
>j leurs parties , & à chacune planete en ladite
jj efpere, particuliérement fon mouvement.
jj Par telle nuit on peut voir clairement en quel
jj Signe & degré, les planètes font, & étoiles folemp-
jj nelles du ciel. Et eft faite fi foubtilement cette
jj efpere , que nonobftant la multitude des roes, qui
jj ne fe pourroient nombrer bonnement, fans défaire
jj l’inftrument ; tout le mouvement d’icelle eft gou-
jj verné par un tout feul contrepoids, qui eft fi grant
jj merveille., que les folempnels . aftronomie ns de
jj loingtaines régions viennent vifiter à grant révé-
jj rence ledit maiflre Jehan, & l’oeuvre de Ses mains;
» & dient tous les grant clercs d’aftronomie, de phi-
jj lofophie & de medecine , qu’il n’eft mémoire
jj d’homme, par efeript ne autrement, que en ce
v monde , ait fait fi foubtil, ne fi foulempnel inftru-
jj'inent du mouvement du ciel, comme l’orloge
jj defufdit ; l’entendement foubtil dudir maiflre
jj Jehan, il , de fes propres mains, forgea ladite
jj orloge, toute de laiton & de cuivre , fans aide de
jj nulle autre perfonne, & ne fit autre chofe en
jj feize ans tout entiers, fi comme de ce a été informé
jj l’écrivain de ceftuy livre , qui a eu grant amitié
jj audit maiflre Jehan. «
Ce récit famplifié en deux mots , nous apprend
que l’horloge de Jacques de Dondis, né à Padoue,
marquait outre les heures, le cours annuel du Soleil
Suivant les douze Signes du zodiaque , avec le cours
des planètes. Cette horloge merveilleufe , qui fut
placée fur la tour du palais de Padoue en 1344,
valut à Son auteur 8c à tous fés defeendans , le
Surnom de Horologius, qui dans la fuite prit la place
du nom même. Cette famille Su b fifte encore avec
honneur en deux branches , l’une agrégée au
corps des patriciens , 8c l’autre décorée du titre de
marquis.
L’horloge de Dondis excita l’émulation des ouvriers
dans toute l’Europe ; on ne vit plus que des
horloges à roues , à contrepoids & à Sonnerie , en
Allemagne , en France & ailleurs. L’horloge de
Courtray fut une de celles qui fut le plus célébrée ;
Philippe-le-Hardi, duc de Bourgogne , la fit dé-;
monter-en 1*363 , & emporter par charrois à Dijon
où il la fit remonter. C ’eft l’ouvrage le plus beau ,
dit Froiffart, qu’on pût trouver deçà ni delà la mer;
entre les pièces Singulières de.cette horloge, décrite
par le même auteur, il y avoit vingt-quatre brochettes
, qui dévoient apparemment Servir à faire
Sonner les heures, ou du moins à les indiquer.
La France ne fut pas moins curieufe que les autres
pays, à Se procurer des horloges à la nouvelle mode.
Paris montra l’exemple par celle du palais, qui eft la
première groffe horloge que là capitale du royaume
aitpoffédée. Elle fut faite par Henri de V ie , que
Charles V fit venir d’Allemagne ; il affigna fix lois
parifis à cet ouvrier, & lui donna fon logement dans
la tour, Sur laquelle l’horloge fut placée en 1370.
L’horloge du château de Montargis fut faite vers l’an
13.80 , par Jean Jouvence.
Mais Nuremberg , ville où les ouvriers fe font
toujours fignalés par une adreffe induftrieufe ,. fe
diflingua fînguliérement par la variété de mécanique
qu’elle mit dans lès horloges de fa façon.
Pohtus de Thyard , mort évêque de Châlons , rapporte
en avoir vu où les heures de chaque jour &
de chaque nuit, de quelque durée que fuffent l’une
& l’autre, y étoient Séparément divifées en douze
parties égales. M. Fardoit a renouveljé cette invention.
Il a fait une horloge' où le cadran marque
deux fois douze heures, Séparément fur deux efpèces
d’éventails , dont les branches de l’un s’écartent,. à
proportion que celles de l’*autre Se rapprochent,
l’une & l’autre alternativement Selon, la durée des
heures, qui fuit celle des jours & des nuits;cette
horloge étoit dans le cabinet de M. d’Onfembray ,
mort en 1754.
On juge bien que l’horlogerie ne tomba pas en
Italie : l’horloge, de Dondis-, qui y avoit été tant
admirée , excita l’émulation d’un habile ouvrier ,
qui en 1402 en fit une à Pavie prefque toute fem-
blable , & fort promptement, {bris la proteélion de
Jean Galéas Vifconti.
Dans le temps de Louis X I , c’eft-à-dire, fur le
déclin du X V e. fiècle , il falloit qu’il y eût des
horloges portatives à fonnerie. Un gentilhomme
ruiné par le jeu , étant entré dans la chambre de
ce
ce prince , prit fon horloge , & la mit dans fa I
manche, où elle fonna : Louis X I , dit du Verdier , j
non-feulement lui pardonna le v o l , mais lui donna I
généreufement l’horloge* Carovagius., Sur la fin
.du même fiècle, fit un réveil pour André Alciat,
lequel réveil fonnoit l’heure marquée , & du même
coup battoit le fufil & àllumoit une bougie.
Vers le milieu du X V Ie. fiècle , la mécanique des
groffes horloges s’étendit & fe perfectionna partout.
Henri II fit faire celle d’A net, qui fut admirée.
Celle de Strasbourg, achevée en 1573 , Soutient encore
aujourd’hui la première réputation , & paffè
pour une des plus merveillèufes -de*TEürbpé ,
comme celle de Lyon paffe pour la plus belle de
France. L’horloge de Lyon fut conftruite par Nicolas
Lippius de Baffe, en 1598, rétablie & augmentée
en 1660 , par Guillaume Nourriffon , habile
horloger Lyonnois.
Derham fait une mention très - honorable de -
l’horloge de la cathédrale de Lunden en Suede,
laquelle, félon la description qu’en donne le doCfeur
Heylin, n’eft point inférieure à celle de Strasbourg.
En un mot , on ne peut douter qu’il n’y. ait .dans
diverfes villes de,l’Europe, beaucoup d’horloges de
ces derniers fieclés, d’une flrudure très-curieufe.
Il paroît même qu’on n’a pas tardé d’exécuter en
petit des horloges merveilleufes. Pancirolle affure
que de Son temps , c’eft-à-dire , Sur la fin du x v e.
fiècle, l’on exécutoit de telles horloges de la groffeur
d ’une amande", que l’on pouvôit porter au cou. Un
nommé Myrmécide fe diflingua dans ce genre de
travail ; ces derniers fiècles ont eu leurs Myrmécides;
mais toutes cés petites machines, qui prouvent l’a-
dreffe & l’induftrie de l’ouvrier, ne font ni de durée,
ni d’un goût éclairé, parce que le violent frottement
des pièces qui les compofent, augmente à proportion
de l’augmentation des Surfaces qui Suit leur
petiteffe.
Quoique l’on nomme en général horloge toute
machine qui par l’engrénement de fes roues fert à
mefurer ou à indiquer les différentes parties du
teifips , ce terme fe dit cependant plus particulière- .
ment de celles que l’on place dans les clochers des
églifes , des châteaux , dans les Salles & fur les :
elcaliers , & qu’on appelle horloges à pied ou de !
chambre.
Dans les commencemens on les appella cadrans , :
notturnes , pour les diftinguer des cadrans Solaires.
Quoique ces mefures du temps aient toujours été j
en fe perfectionnant depuis le temps de leur inÿen- j
tion, elles étoient encore fort imparfaites vers le
milieu du fiècle paffé. Mais dès que Huyghens eut ;
imaginé ou perfectionné la maniéré dè fubftituer le
pendule au balancier, on les vit dans peu de temps
parvenir à un degré de jufteffe qu’on n’auroit ofé 1
efpérer fans cette heureufe découverte.
Une horloge étant une machine qui doit avoir un
mouyement égal 8c d’une affez grande durée pour
pouvoir mefurer le temps, on voit qu’il faut d’abord
produire dû mouvement, & lé déterminer énfuite
Arts & Métiers„ Tome III. Partie I.
à être égal. Il doit donc y avoir, ï° . une force
motrice; z°. un enchaînement de parties qui détermine
l’égalité du mouvement ; d’où il fuit qu’une
horloge a toujours un poids ou un reflort pour produire
du mouvement; 8c des roues & un échappement
pour le modifier ; c’eft cette partie d’une
horloge que l’artifte appelle le mouvement. Il donne
aux autres qui fervent à fonner ou à répéter les
heures, les noms de fonnerie , répétition,
Depuis le temps de leur invention , la conf-
truClion générale a été toujours la même jufqu’àux
environs de 1732, que M. le Roy père , inventa
les horloges horizontales , qui Sont inconteftable-
ment préférables aux autres. ,
On verra ci-après dans l’éxplication dès p.l. I V ,
F , V I , V I I , V I I I , IX & X , ce qui concerne les
horloges horizontales & les pendules à refforts, à
Secondes, &c.
Calibre»
C ’eft une plaque de laiton ou de carton , fur
laquelle les grandeurs des roues 8c leurs fituationS
refpeClives font marquées. C ’eft en fait de machine
la même chofe qu’un plan en fait d’Architecture.
Voyez Ta fig. $0 , pi. X X V d'horlogerie.
L’horloger, dans la conftruClion d’un calibre,
doit avoir la même attention qu’un architecte dans
celle d’un plan ; celui-ci doit bien profiter du
terrain, félon les lois de convenance & de la belle
architecture ; de même l’autre doit profiter du peu
d’efpace qu’il a , pour difpofer tout, félon les lois
de la mécanique.
Il feroit fort difficile de donner des règles générales
pour la conftruCtion, d’un calibre , parce que
l’impoflibilité où l’on eft Souvent de. lé faire de
manière qu’il réunifie tous les avantages poflibles,
fait que l’on eft contraint d’en facrifier certains à
. d’autres plus importans. Nous donnerons cependant
ici le détail des règles que l’on doit obferver ; &
comme c’eft particulièrement dans les montres que
fe rencontrent les plus grandes difficultés , nous
nous bornerons à ne parler que dè leurs calibres,,
parce que l’application de nos principes aux calibres
des pendules, fera facile à faire.
Une des premières règles & des plus effentielles
à obferver, c’eft que la difpofition des roués, les
Unes par rapport aux autres , foit telle que les en-
grénages changent le moins qu’il eft poffible par
riifure. dés trous c’eft-à-dire , que la diftance du
centre d’une roué au centre du pignon dans lequel
elle engrène,. foit, autant que faire fe peut, toujours
la même.
On en concevra facilement la nécefîité, fi l’on
fait attention que l’aCtion d’une roue fur un pignon
pour le faire tourner, ne fe fait point fans qu’il y
ait du frottement fur les pivots de ce pignon ; mais
çe frottement ne peut fe faire fans qu’il en réfulte
une ufure dans v lès trous, qui fe fait toujours dans
le fens de la preffion de la roue ; & qüi augmentant
Mm'