
que celles qui ont fervi à tirer fur les bords, &
le met fur la barre b, b , (fig. 19 ).
Il gaffe enfuite deux petits bouts de lame de
reffort entre les limes, auprès des étriers , pour
fervir de calibres à ceux qu’il va tirer ; alors il
fait entrer une lame entre les limes, attache les
deux bouts avec les tenailles, & la bande, comme
il a fait en tirant fur les bords ; après quoi il
met de l’huile fur ce reffort, pouffe & retire fon
çhâflis quelques coups pour étendre l’huile fur les
limes ; & après avoir tourné les vis des étriers b, b,
( fig. 17 ) , pour faire mordre les limes , il continue
de pouffer & de tirer, jufqu’à ce que la
lame foit de l’épaiffeur des calibres.
Cette operation de tirer avec des calibres viffés
donne une grande égalité à une lame, & rend
tout-à-fait inutiles les peines que l’on fe donne
à tirer au banc l ’acier en fil rond.
X X L
Les lames des refforts ayant été tirées dans les
limes, on les fèche avec de la cendre, 8c on les
effuie pour ôter foute la craffe ; enfuite on lime
les bouts qui ont été dans les tenailles, d’égale
largeur avec le refte de la lame. Pour voir ce
qu’il faut limer , on prend le calibre étagé .&
numéroté ( fig. 16 ) , pour y paffer les bouts &
voir leur largeur. '
Après cela, on met la lame dans un étau (fig.21),
pour limer la partie trop large fur le bord ; on
la tourne & on en fait autant à l’autre bord, ju fqu’à
ce que le bout paffe dans le calibre; on lime
également l’autre extrémité, & on finit par-là de
rendre la lame de la largeur qu’il faut ; mais les
parties limées à la main , ne font pas à beaucoup
près fi corre&es que ce qui a été limé dans le
châffis avec les calibres.
X X I I .
Après l’opération précédente, il faut mettre un
bois à limer , fig. if , dans l’étau , pour ôter
la barbe que l’on vient de faire aux deux bouts
des refforts qu’on a limés à la main : cela fe fait
en tenant la lame de la main gauche, que l’on
pofe fur le bois, & avec la main droite on tient
une lime, que l’on paffe fur le plat en inclinant
un peu fur les bords ; on nomme cette manoeuvre,
ébarber en tirant de long. Pour faire cette opération
avec plus d’exaditude , on la paffe une fois
ou deux dans les grands plombs qui feront décrits
ci-après.
X X I I I .
Toutes les lamés étant ainfi limées, l’on en
prend une que l’on bride tout du long avec du
fil de fer recuit, planche I I , fig. 1 ; il faut ainfi
brider la moitié des lames ; enfuite prendre 4a plus
longue non bridée , & attacher les deux bouts
enfemble l’un contre l’autye avec du fil de fer pour
çi\ former un cercle : après cela il faut mettre
deux lanies, l’une bridée & l’autre non bridée J
& les mettre dans le cercle déjà fait avec la lame
non bridée.
On doit obferver, en rempliffant ce cercle avec
des lames bridées & non bridées, que ces dernières
ne fe touchent point, & ainfi de mettre deux
lames , bridées & non bridées l’une fur l’autre ,
jufqu’à ce que l’on voie le cercle intérieur devenir
de près de quatre pouces de diamètre , comme
planche I I , fig. 2 ; il ne faut pas faire ce cercle
trop petit pour, des raifons que je donnerai en fon
lieu.T
outes les lames que le premier cercle a pu
contenir , font une figure comme celle marquée
fig. 2 , qui eft attachée extérieurement avec du fil
de fer recuit, pour contenir le tout enfemble.
X X I V .
Cette manière de préparer ou de brider les ref-;
forts pour la trempe , fi différente de l’ancienne
& fi importante pour bien tremper, eft due à mon
père ; & tous les ouvriers en refforts l’ont adoptée
parce qu’elle épargne beaucoup de peine 6c donne,
plus de perfection.
X X V.
Tous les refforts étant préparés en paquets en
cercle, comme je viens de le décrire, il faut faire
du feu dans le fourneau à tremper qui eft fait
comme un four, avec une cheminée de la moitié
d’une brique de largeur. Il y a bien des manières
de faire ces fourneaux , mais je me bornerai à
indiquer la plus fimple , la plus économique &
la meilleure.
Ce fourneau de brique eft repréfenté pl. I I 9
fig. 3 ; A A , eft le. maffif ; B B , le corps du fourneau;
C , la porte ou gueule; D , eft la cheminée;
E E , font des ventoufes pour y donner de l’air :
la cheminée & les ventoufes fe ferment plus ou
moins fuivant le befoin , la première avec une
brique ou plaque de fe r , & les dernières avec de
la cendre. ' x x y 1.
La roue de fer pour tremper, eft un inftrument
de grande conféquence pour cet ufage ; par fon
moyen on eft en état de faire chauffer des refforts
très-également. Cette roue eft de l’invention
de mon père ; je me fouviens d’avoir v u , il y a
environ 50 ans , tremper les refforts un à un
pliés en petits cercles d’enyiron trois pouces de
diamètre ; ce qui les mettoit en danger de caffer
dans les différentes opérations avant de les faire
revenir.
Cette roue eft faite comme dans la pl. I l , fig. 4 ;
A , eft le manche; b, b , b, eft le cercle fur lequel
font rivés les rayons c , c , c , c , c , c. d , eft le
moyeu auquel font attachés les rayons de la roue ;
ce moyeu tourne autour d’un tourillon ou petit
effieu d’environ un pouce & dçmi de long : les
bouts
bouts des rayons débordent le cercle pour avoir
de quoi pouffer contre & tourner là roue quand
elle eft chaude.
X X V I 1.
Tout étant ainfi préparé pour la trempe , on
met une chaudière , figure 6-, pleine d’huile à la
gauche de l’ouvrier ; il faut faire du feu dans le
fourneau avec du charbon de bois : on y peut mettre
quelques mprceaux d’éclats de bois pour accélérer
le chauffage ; il faut attendre que le fourneau
foit à . fon véritable degré de chaleur : alors on
mettra la roue dans le fourneau pour qu’elle prenne
la chaleur qu’il faut ; ce qui le voit par la couleur
que la roue prend,-qui doit être de même
que celle du fourneau.
La fumée ou la vapeur étant appaifée de manière
à voir Clair dans le four , il faut fur le champ
couvrir avec une brique la cheminée D , & boucher
avec de la cendre les ventoufes E E , &
rêtirer du feu la roue fig. 4 , pour y mettre le paquet
de refforts, fig. 2 , comme on le voit à la fig. 7.
Puis on remet la roue, fig. 4 , dans le fourneau
en tenant fon manche A d’une main, qu’il faut
faire appuyer fur le fermant de la porte du fourneau
; on pèfe un peu deffus pour faire élever
la roue dans le four , & avec l’autre main qui
tient une verge de fer N fig. 3 3 il faut pouffer contre
les bouts des rayons de la roue ; ce qui la- fait
tourner. Par ce moyen, toutes les parties du paquet
deviennent d’égale chaleur ; alors il faut retirer
la roue du fourneau 8c renverfer fur le champ
dans l’huile le paquet de lames, q u i, dès ce moment
, font des refforts par l’élafticité extraordinaire
que la trempe leur a donnée.
Il faut prendre garde de ne pas laiffer l’acier
dans le feu quand une fois il aura pris la chaleur.
qui convient pour tremper, parce que l’écaille s’y
mettroit, & de plus en altèreroit la qualité. |
Après cette opération , on remet promptement
un autre paquet dans la roue avant qu’elle perde
fa chaleur, & ainfi de paquet en paquet on finit
la trempe de tous les refforts.
L’on fent bien qu’en mettant continuellement
des corps froids dans le fourneau , fa chaleur fe
rallentit à mefure ; pour éviter cet effet, 'il faut
y jeter de temps en temps une poignée de charbon
de bois 8c en ouvrir la cheminée & les ventoufes
, fi Ton voit que le feu a befoin d’air pour
fe ranimer.
C ’eft au maître ouvrier à juger de la grandeur
des ouvertures qu’il faut faire pour laiffer paffer
l’air & la fumée ; fi elles font trop grandes ,
le fourneau prend trop de chaleur ; fi au contraire
il n’ouvre pas affez, le charbon froid fera
trop long-temps à donner la chaleur que l’on veut
avoir.
X X V I I I .
Une autre obfervation fort néceffaire à un ar-
Arts 6* Métiers. Tome IIL Partie I.
tille , c’eft qu’il doit veiller 'fort attentivement à
ce que l’acier ne prenne pas un trop grand degre
de chaleur, parce que cela altère la qualité de 1 a-
cier. Il eft inutile de s’attendre qu’ il revienne au
véritable point, en laiffant diminuer la chaleur du
fourneau ; le feul parti à prendre dans ce cas ,
eft de retirer le paquet du fe u , de le laifier refroidir
totalement, & d’attendre que la chaleur du
fourneau & de la roue foit au point qu il faut pour
recommencer à chauffer ce paquet.
X X I X .
Lorfqu’on veut favoir fi la trempe eft bomie ,
il faut débrider un rond & en tirer un reffort, ,
l’effuyer , & enfuite le frotter avec une bonne
lime ; fi elle mord, l’acier n’eft pas dur ; mais fi
la lime gliffe, le reffort eft trempé.
Pour connoître fi l’acier a été bien chaufte , il
faut effuyer un reffort proprement, en caffer en-
fuite un bout, & en examiner le grain avec un
microfcope ; fi le grain eft fin & mat, il^ a ete
bien chauffé; fi au contraire le grain paroit gros
& luifant, il faut conclure que l’acier a eu trop;
de chaleur, . .
On remarque après la trempe , que 1 acier le-
plus foible de corps eft plus fujet à former des
écailles, au deffous defqueîles paroît une couleur
d’étain. L’acier le plus fort de corps au contraire,
ne donne prefque point d’écailles 6c confervç unt
couleur noirâtre,
X X X.
Les refforts étant trempés, il faut les débrider,-
& les paffer enfuite à la cendre chaude pour les
dégraiffer & les effuyer , après quoi ^on en fait
des paquets de 18 ou 20 lames que Ion attache
adoffées l’une contre l’autre, pl- I l » fig• 7 > *es P*us
courtes en dehors, & les plus longues en dedans ;
après quoi on continue de brider le paquet dans
toute fa longueur, le fil de fer fort écarté, fig. 8 ,
afin de donner la facilité de blanchir ^ les bords
avec de la brique ou du grès : on prépare ainfi
toutes les parties trempées, pour les fixer dans
cet état bridé ; on chauffe le fourneau, & dn y
met le paquet que l’on fait revenir jaune fur la
roue à tremper.
Ceux qui n’ont pas de fourneau affez grand pour
cette opération , doiveht allumer du charbon de
bois dans un fourneau de terre, pl. I l , fig. 9 ,
fur lequel il y a une plaque dé fer <2, a.
Pour connoître fi la plaque eft affez chaude , on
la frotte avec une lime qui y fait des traits blancs;
fi la chaleur eft affez grande , ces traits deviennent ^
bleus en peu de temps, alors on y met un bout
du paquet, fig. 8.
A mefure que )a couleur avance , il faut poufter
ce paquet jufqu’à ce que le tout foit jauni; on
peut meme poufter jufqu’à la couleur d’orange fi
l’acier eft fragile ; mais il ne faut pas paffer cette
couleur pour ne pas nuire à l’opération luivante*
B b b